Elisa et Jean le Marin
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madeleinedeproust
July_C
Amanda.
Escandélia
Nerwen
Charlotte
AlainX
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Elisa et Jean le Marin
C'est ce soir-là, certains s’en souviennent encore, qu'elle leur raconta sa rencontre avec Jean. Dans ce bar à marins où ils se rassemblaient chaque soir, pour boire de la mauvaise bière, mais s'en raconter de bonnes. Personne ne croyait vraiment à toutes ces histoires, mais qu'importe, qu'elles soient vrais, inventées, sorties directement de leur imagination débordante, chacun en attestait l'authenticité, personne n'aurait osé en douter, sinon à quoi bon venir là s’enivrer.
Pour que l'événement le plus banal devienne une aventure, il faut et il suffit qu'on se mette à le raconter, et Elisa n'avait pas son pareil pour tenir en haleine tout ce petit monde fruste, eux à qui soit disant on ne la fait pas, après cinq ou six bières ils retrouvaient leur âme d'enfant, prêts à accepter toutes les chimères.
Dès le premier soir, affirma Elisa, elle était tombée follement amoureuse de Jean. C'était ici même, dans ce bar. Dès le premier soir elle l'attira dans ses filets. Dès le premier ce soir, leur étreinte fut terrible et tempétueuse. Lui, virilité dressée comme un phare dans la nuit, elle, déchaînée comme une mer en furie. L'Odyssée dura des mois et des semaines. Elle guettait son retour par la fenêtre qui donnait sur la mer, dans cette chambre louée au-dessus du bar. Il rentrait trempé. Elle aussi l'était, par le désir. Malgré la douche, son corps sentait le sel, le varech, l’écaille de poisson, le fucus et autres effluves marins. Le respirer ainsi, le nez contre sa peau, faisait surgir chez Elisa des désirs spécifiques auxquels Jean ne pouvait résister. Elisa avait des audaces qu’aucun marin n'aurait osé demander à ces dames du port d'Amsterdam qui pissent comme Brel pleurait sur les femmes infidèles.
Elisa racontait tout cela dans le détail à ces marins qui ne pouvaient s'empêcher de se toucher la braguette. Fallait-il la croire ? Oseraient-ils un jour aller répéter à Jean toute cette intimité qu'elle étalait, alors qu’il était en mer, en les regardant droit dans les yeux, avec ce regard effronté dont elle avait le secret. Va savoir si c’était la vérité vraie. Chacun voulait y croire, mais le charme finissait par se rompre lorsqu'il fallait quitter la moiteur humide de la taverne, après un dernier verre, celui pour la route, celui pour rejoindre Bobonne qui les attendait le torchon à la main :
— C’est encore à cette heure-ci que tu rentres !
Et puis il y eut ce dernier soir. Elisa, une fois encore, avait raconté les dernières frasques de la semaine, puis elle monta dans la chambre, préparer le lit, préparer les accessoires, et attendre le retour du mâle dont elle saurait raviver l'ardeur malgré la fatigue du jour.
Ce soir, ce serait comme la tempête qui se déchainait : Force 12 !
Elle ignorait encore qu'elle attendrait longtemps, qu'elle attendrait toujours.
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Pour que l'événement le plus banal devienne une aventure, il faut et il suffit qu'on se mette à le raconter, et Elisa n'avait pas son pareil pour tenir en haleine tout ce petit monde fruste, eux à qui soit disant on ne la fait pas, après cinq ou six bières ils retrouvaient leur âme d'enfant, prêts à accepter toutes les chimères.
Dès le premier soir, affirma Elisa, elle était tombée follement amoureuse de Jean. C'était ici même, dans ce bar. Dès le premier soir elle l'attira dans ses filets. Dès le premier ce soir, leur étreinte fut terrible et tempétueuse. Lui, virilité dressée comme un phare dans la nuit, elle, déchaînée comme une mer en furie. L'Odyssée dura des mois et des semaines. Elle guettait son retour par la fenêtre qui donnait sur la mer, dans cette chambre louée au-dessus du bar. Il rentrait trempé. Elle aussi l'était, par le désir. Malgré la douche, son corps sentait le sel, le varech, l’écaille de poisson, le fucus et autres effluves marins. Le respirer ainsi, le nez contre sa peau, faisait surgir chez Elisa des désirs spécifiques auxquels Jean ne pouvait résister. Elisa avait des audaces qu’aucun marin n'aurait osé demander à ces dames du port d'Amsterdam qui pissent comme Brel pleurait sur les femmes infidèles.
Elisa racontait tout cela dans le détail à ces marins qui ne pouvaient s'empêcher de se toucher la braguette. Fallait-il la croire ? Oseraient-ils un jour aller répéter à Jean toute cette intimité qu'elle étalait, alors qu’il était en mer, en les regardant droit dans les yeux, avec ce regard effronté dont elle avait le secret. Va savoir si c’était la vérité vraie. Chacun voulait y croire, mais le charme finissait par se rompre lorsqu'il fallait quitter la moiteur humide de la taverne, après un dernier verre, celui pour la route, celui pour rejoindre Bobonne qui les attendait le torchon à la main :
— C’est encore à cette heure-ci que tu rentres !
Et puis il y eut ce dernier soir. Elisa, une fois encore, avait raconté les dernières frasques de la semaine, puis elle monta dans la chambre, préparer le lit, préparer les accessoires, et attendre le retour du mâle dont elle saurait raviver l'ardeur malgré la fatigue du jour.
Ce soir, ce serait comme la tempête qui se déchainait : Force 12 !
Elle ignorait encore qu'elle attendrait longtemps, qu'elle attendrait toujours.
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Dernière édition par AlainX le Jeu 5 Mar - 11:44, édité 3 fois
AlainX- Kaléïd'habitué
- Humeur : stable
Re: Elisa et Jean le Marin
Une fois de plus tu m'épates. C'est tout à fait génial.
Charlotte- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: Elisa et Jean le Marin
Il n'était pas évident de faire la liaison entre la phrase imposée et le corps du texte, mais comme tu es le narrateur spécialiste des liaisons tumultueuses, tu réussis l'exercice avec un brio qui m'épate.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: Elisa et Jean le Marin
Un beau texte, je dirais pour reprendre celui que tu cites : un texte à la Brel, avec des hommes qui se touchent la braguette et des femmes passionnées !
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: Elisa et Jean le Marin
Punaise !!!
J'ai apprécié ce récit mais.... :-(
La dernière phrase....
Une chute qui vient contrebalancer l'ambiance du texte...
Du coup c'est très fort ce coup d'émotion !
J'ai apprécié ce récit mais.... :-(
La dernière phrase....
Une chute qui vient contrebalancer l'ambiance du texte...
Du coup c'est très fort ce coup d'émotion !
July_C- Kaléïd'habitué
- Humeur : qui vagabonde
Re: Elisa et Jean le Marin
La dernière phrase, à l'envi, atteste de la nécessité à profiter du temps qui passe...
De ce côté-là, ils ont été gâtés, ces deux-là !!!
(les deux oui, mais surtout Alainx ...)
De ce côté-là, ils ont été gâtés, ces deux-là !!!
(les deux oui, mais surtout Alainx ...)
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: Elisa et Jean le Marin
Superbement écrit, tu as été très inspiré par la Jument. Et ta dernière phrase est magnifique .
J'ai pensé à la chanson Milord de Piaf en te lisant . C'était entraînant, un brin coquin, un brin nostalgique et un brin dramatique. Tous les ingrédient pour faire une jolie nouvelle
J'ai pensé à la chanson Milord de Piaf en te lisant . C'était entraînant, un brin coquin, un brin nostalgique et un brin dramatique. Tous les ingrédient pour faire une jolie nouvelle
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: Elisa et Jean le Marin
Je ne sais pas si c'est du Brel mais c'est du Alainx. Impertinent, provocateur et...imagé.
Ça sent la mer, l'amour, la vie quoi !
Euh : c'est "fruste".
Ça sent la mer, l'amour, la vie quoi !
Euh : c'est "fruste".
Invité- Invité
Re: Elisa et Jean le Marin
Yvanne a écrit:(...)
Euh : c'est "fruste".
oui, oui, tu as raison !
Ben zut alors... je croyais avoir corrigé !!
AlainX- Kaléïd'habitué
- Humeur : stable
Re: Elisa et Jean le Marin
Un excellent texte
La consigne t'a visiblement bien inspiré
La consigne t'a visiblement bien inspiré
Sherkane- Kaléïd'habitué
- Humeur : ....
Re: Elisa et Jean le Marin
Une excellente atmosphère de bar à marins et un texte débordant de sensualité dans lequel la mer et les éléments naturels servent les métaphores de l’amour. Un texte qui charrie la vie dans ce qu’elle a de plus élémentaire et aussi de plus fort. Une fin brutale, mais la vie est souvent ainsi, et on se dit que les deux personnages en ont bien profité.
Un texte très fort.
Deux petites remarques :
pour boire de la mauvaise bière, mais toutefois s'en raconter de bonnes : je trouve que le toutefois alourdit inutilement la phrase et que le supprimer ferait davantage ressortir l’opposition mauvaise/bonnes
effluves marines : effluves marins
Un texte très fort.
Deux petites remarques :
pour boire de la mauvaise bière, mais toutefois s'en raconter de bonnes : je trouve que le toutefois alourdit inutilement la phrase et que le supprimer ferait davantage ressortir l’opposition mauvaise/bonnes
effluves marines : effluves marins
tobermory- Kaléïd'habitué
- Humeur : Changeante
Re: Elisa et Jean le Marin
Tobermory, merci pour tes appréciations
et tes remarques très judicieuses (j'ai corrigé..) J'aurais mis ma main au feu du phare qu'effluve était masculin !
et tes remarques très judicieuses (j'ai corrigé..) J'aurais mis ma main au feu du phare qu'effluve était masculin !
AlainX- Kaléïd'habitué
- Humeur : stable
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