Plus tard...

Quand la maîtresse s’est approchée de moi, j’ai baissé la tête sur ma feuille blanche…
« Et bien, a-t-elle remarqué, il n’avance pas vite ton dessin pour la Fête des Pères ! »
J’ai reniflé un bon coup avant de lâcher : « Ça ne sert à rien, moi, je n’ai pas de papa ! »
La maîtresse a semblé surprise. « Tout le monde a un papa, il peut vivre loin de toi, tu ne le connais peut-être pas, mais tu as un papa ! »
« Moi, le mien est mort ! » a dit Samy, mais je fais un dessin pour mon papy, c’est le papa de mon papa, alors c’est bien quand même. »
« C’est vrai maîtresse que certains enfants ont deux papas ? s’est renseignée Agathe, toujours friande d’informations.
« Moi, j’ai un papa ET un beau-père, c’est comme deux papas pour les cadeaux, a précisé Joshua.
La maîtresse ne paraissait pas dépassée face à cet assortiment de situations singulières alors que moi, je l’avoue, je n’avais jamais envisagé une telle diversité. Mais ça ne change rien pour mon cas : je n’ai pas de papa ! C’est ce que me répète maman quand je lui pose la question. « Ton père ? Ne m’en parle pas ! Il n’existe pas pour moi, ni pour toi ! »
Je trouve ça bizarre, parce que je suis plutôt de l’avis de la maîtresse, je pense que tout le monde a un papa, même les chats… Poppy a un papa, c’est le gros matou noir de la voisine…

A la sortie, j’ai vu que la maîtresse parlait avec maman, j’espère que ce n’est pas à cause de la bagarre avec Jules à la récré…

Le soir, quand elle est venue me souhaiter « bonne nuit » dans mon lit, maman s’est assise près de moi. J’ai tout de suite vu qu’elle n’avait pas envie de rigoler comme certains soirs où nous chahutons tous les deux.
Elle a parlé, elle a beaucoup parlé… Et moi j’écoutais… Je n’ai pas tout compris, mais une chose est claire maintenant : j’ai un papa.  Il ne me connaît pas, je ne le connais pas. Quand je suis né, maman et lui étaient déjà séparés.

Maman a dit qu’il ne fallait pas que je sois triste, que ce sont des choses qui arrivent. Que, plus tard, si j’avais vraiment envie de le connaître, je pourrai faire des recherches et, peut-être, le retrouver.
J’ai demandé : « Comme pour une enquête, dans les histoires de la télé ? » Maman a hoché la tête et elle m’a serré dans ses bras en cachant son visage dans mon cou. Je ne sais pas très bien ce que ça voulait dire parce que mes yeux papillotaient, lourds de sommeil et que je me suis endormi.

Mais maintenant je suis bien soulagé, je suis comme les autres copains et je vais faire un dessin pour la fête de mon papa. Je ne pourrai pas lui donner, mais je pourrai en faire d’autres et lui garder, tous, pour quand je le retrouverai.
Maman est d’accord.