A: Appel d'urgence
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Mesange
Escandélia
Admin
Christa77
8 participants
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A: Appel d'urgence
Plus personne n'utilise ce genre de téléphone.
Tu me l'avais offert, quand tu voulais encore me parler. Je me souviens de ton air espiègle, heureux comme un gosse, quand tu m'avais apportée ce paquet rectangulaire celé de vieux papiers journal. "Ouvre !" Tu étais si impatient.
J'ai froncé les sourcils en découvrant l'énorme objet gris qui me renvoyait aux premières heures de mon enfance, un téléphone. Un téléphone fixe. Avec la roulette pour composer le numéro. Je n'ai pas compris tout de suite, j'ai pris ce cadeau pour une folie vintage, mais ton regard est redevenu sérieux : "Comme ça, tu sauras quand je t'appelle".
Avec toi, je n'ai jamais échangé de numéro de portable. Nous n'avions que ce téléphone, et nous étions les deux seuls à en connaître le numéro. Tu avais chez toi un modèle équivalent. À l'heure des smartphones et de l'internet généralisé cela pouvait sembler impossible, mais nous nous habituâmes à ne jamais se quitter sans savoir quand et où nous allions nous revoir. Ces rencontres n'en étaient que plus intenses, car elles ne pouvaient pas se prolonger à n'importe quel moment sur le réseau. Et, d'un autre côté, quand on s'appelait pour parler, le caractère immobile de notre outil de communication nous incitait à ne nous concentrer que sur les paroles de l'autre.
J'aurai dû le jeter, mais cela signifiait couper tout espoir de communication avec toi. Je n'étais pas prête. Alors je l'ai emmailloté dans un drap usé et l'ai confié au grenier de la maison de mes grands-parents.
C'est l'anniversaire de mon père, nous nous sommes tous retrouvés dans la maison d'Yverdon. Granny m'a demandé de lui chercher deux nappes bleues au grenier. C'est en fouillant dans les grandes armoires que je l'ai entendu. Un bruit sur le plancher. Le téléphone poussiéreux, rescapé de sa chute par je ne sais quelle loi miraculeuse de la gravitation. Seul le combiné gisant à ses côtés a des airs d'agonie, celle de ne plus se retrouver confortablement collé à une oreille et de ne plus recevoir les mots doux chuchotés.
C'est là que j'ai dû glisser dans une faille temporelle. Retrouver la douceur de ta voix, avant qu'elle ne contienne plus que reproches et mesquineries. Retrouver tes yeux rieurs, tes mains joueuses, l'empreinte de tes caresses. Je commence à manquer d'air.
Tu es parti sans prévenir, un jour tu n'étais pas au rendez-vous, et la ligne ne fonctionnait plus. Tu avais cependant pris le soin de me laisser une lettre, dans laquelle tu m'expliquais que tu ne m'aimais plus. J'ai été si choquée et en colère que je n'ai même pas essayé de te retrouver.
Les mains tremblent, ne réagissent plus à la logique de mon cerveau. J'agrippe le téléphone, trouve une prise, le branche. Compose le numéro.
- Allô ?
- C'est moi.
- Je sais.
- Ah... Tu vas bien ?
- Oui... Regarde par la fenêtre.
- Pourquoi ?
- Il pleut chez moi, ça fait un joli bruit sur le toit. Et chez toi, il pleut aussi ?
- Pourquoi tu me demandes ça ?
- Parce que j'essaie de te parler comme avant.
Faille temporelle. Les strates du passé de notre histoire s'entrechoquent sans que je puisse les remettre dans l'ordre. La faille, c'est aussi l'échec. Celui de t'avoir laissé partir.
Recroquevillée sur les planches de bois, le téléphone vissé à mon crâne désintégré, je n'entends plus que des bip-bip-bip insensés.
Tu me l'avais offert, quand tu voulais encore me parler. Je me souviens de ton air espiègle, heureux comme un gosse, quand tu m'avais apportée ce paquet rectangulaire celé de vieux papiers journal. "Ouvre !" Tu étais si impatient.
J'ai froncé les sourcils en découvrant l'énorme objet gris qui me renvoyait aux premières heures de mon enfance, un téléphone. Un téléphone fixe. Avec la roulette pour composer le numéro. Je n'ai pas compris tout de suite, j'ai pris ce cadeau pour une folie vintage, mais ton regard est redevenu sérieux : "Comme ça, tu sauras quand je t'appelle".
Avec toi, je n'ai jamais échangé de numéro de portable. Nous n'avions que ce téléphone, et nous étions les deux seuls à en connaître le numéro. Tu avais chez toi un modèle équivalent. À l'heure des smartphones et de l'internet généralisé cela pouvait sembler impossible, mais nous nous habituâmes à ne jamais se quitter sans savoir quand et où nous allions nous revoir. Ces rencontres n'en étaient que plus intenses, car elles ne pouvaient pas se prolonger à n'importe quel moment sur le réseau. Et, d'un autre côté, quand on s'appelait pour parler, le caractère immobile de notre outil de communication nous incitait à ne nous concentrer que sur les paroles de l'autre.
J'aurai dû le jeter, mais cela signifiait couper tout espoir de communication avec toi. Je n'étais pas prête. Alors je l'ai emmailloté dans un drap usé et l'ai confié au grenier de la maison de mes grands-parents.
C'est l'anniversaire de mon père, nous nous sommes tous retrouvés dans la maison d'Yverdon. Granny m'a demandé de lui chercher deux nappes bleues au grenier. C'est en fouillant dans les grandes armoires que je l'ai entendu. Un bruit sur le plancher. Le téléphone poussiéreux, rescapé de sa chute par je ne sais quelle loi miraculeuse de la gravitation. Seul le combiné gisant à ses côtés a des airs d'agonie, celle de ne plus se retrouver confortablement collé à une oreille et de ne plus recevoir les mots doux chuchotés.
C'est là que j'ai dû glisser dans une faille temporelle. Retrouver la douceur de ta voix, avant qu'elle ne contienne plus que reproches et mesquineries. Retrouver tes yeux rieurs, tes mains joueuses, l'empreinte de tes caresses. Je commence à manquer d'air.
Tu es parti sans prévenir, un jour tu n'étais pas au rendez-vous, et la ligne ne fonctionnait plus. Tu avais cependant pris le soin de me laisser une lettre, dans laquelle tu m'expliquais que tu ne m'aimais plus. J'ai été si choquée et en colère que je n'ai même pas essayé de te retrouver.
Les mains tremblent, ne réagissent plus à la logique de mon cerveau. J'agrippe le téléphone, trouve une prise, le branche. Compose le numéro.
- Allô ?
- C'est moi.
- Je sais.
- Ah... Tu vas bien ?
- Oui... Regarde par la fenêtre.
- Pourquoi ?
- Il pleut chez moi, ça fait un joli bruit sur le toit. Et chez toi, il pleut aussi ?
- Pourquoi tu me demandes ça ?
- Parce que j'essaie de te parler comme avant.
Faille temporelle. Les strates du passé de notre histoire s'entrechoquent sans que je puisse les remettre dans l'ordre. La faille, c'est aussi l'échec. Celui de t'avoir laissé partir.
Recroquevillée sur les planches de bois, le téléphone vissé à mon crâne désintégré, je n'entends plus que des bip-bip-bip insensés.
Dernière édition par Christa77 le Sam 5 Sep - 18:17, édité 1 fois
Christa77- Kaléïd'habitué
- Humeur : Rêveuse
Re: A: Appel d'urgence
Voilà un texte qui se laisse lire avec une grande facilité et beaucoup d'intérêt. Il est aéré, tres bien construit et la façon dont tu as traité la consigne est tres originale: un vieux téléphone à cadran qui ne sonne que pour 2 amoureux.
C'est un excellent texte.
Si j'avais une petite critique à formuler (et cela n'en est pas vraiment une mais juste une impression par rapport à la lectrice que je suis)
Ce serait sur la fin du texte et en particulier le dialogue. Perso, je le stopperai juste apres cette phrase :
- Il pleut chez moi, ça fait un joli bruit sur le toit.
Ainsi le lecteur s'approprie ton histoire et imagine sa propre suite.
Bravo, c'est un excellent premier texte, et je profite de mon com pour te redire:
C'est un excellent texte.
Si j'avais une petite critique à formuler (et cela n'en est pas vraiment une mais juste une impression par rapport à la lectrice que je suis)
Ce serait sur la fin du texte et en particulier le dialogue. Perso, je le stopperai juste apres cette phrase :
- Il pleut chez moi, ça fait un joli bruit sur le toit.
Ainsi le lecteur s'approprie ton histoire et imagine sa propre suite.
Bravo, c'est un excellent premier texte, et je profite de mon com pour te redire:
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: A: Appel d'urgence
La grand mère a dû les attendre longtemps ses deux nappes bleues, si je m'en réfère à cet impromptu temporel.
bon texte plein d'imagination, (il me semble que techniquement, ce que tu racontes ne soit guère possible.)
bon texte plein d'imagination, (il me semble que techniquement, ce que tu racontes ne soit guère possible.)
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A: Appel d'urgence
Une histoire originale autour d'un téléphone gris, une histoire d'amour brusquement stoppée, mais dont les fils pendent encore quelque part dans l'infini de la vie, une plume agréable à lire... ça fait beaucoup d'éléments qui me donnent envie de te dire: surtout continue!
Mesange- Kaléïd'habitué
- Humeur : en phase de reconcentration
Re: A: Appel d'urgence
Tout d'abord, merci à vous trois pour vos retours et commentaires, ils me redonnent confiance et me motivent pour la suite! Je me permets d'y répondre:
- Admin: Merci beaucoup, c'est très encourageant! Oui oui je tolère les critiques, et même les attends! En ce qui concerne le fait de couper après "Il pleut chez moi", je comprends que cela aurait terminé le texte sur une note plus mystérieuse, évocatrice et plus gaie. Si je l'ai continué, c'est parce qu'il fallait, dans ma logique, que la narratrice se rende compte que quelque chose ne fonctionne pas, que cette conversation ne peut pas avoir lieu, et que la dernière phrase montre son état de désarroi. Voilà, cela me semblait important de l'expliquer, je ne cherche absolument pas à me justifier ou à réfuter ta critique, comme je l'ai dit celles-ci sont plus que bienvenues!
- Escandelia: héhé, pauvre grand-mère... Oui, il y a une grosse part de mise en scène dans l'usage du téléphone, un peu romanesque... Difficile d'être percutant avec les exigences du réel!
- Mesange: Merci!
Au plaisir de vous lire tous!
- Admin: Merci beaucoup, c'est très encourageant! Oui oui je tolère les critiques, et même les attends! En ce qui concerne le fait de couper après "Il pleut chez moi", je comprends que cela aurait terminé le texte sur une note plus mystérieuse, évocatrice et plus gaie. Si je l'ai continué, c'est parce qu'il fallait, dans ma logique, que la narratrice se rende compte que quelque chose ne fonctionne pas, que cette conversation ne peut pas avoir lieu, et que la dernière phrase montre son état de désarroi. Voilà, cela me semblait important de l'expliquer, je ne cherche absolument pas à me justifier ou à réfuter ta critique, comme je l'ai dit celles-ci sont plus que bienvenues!
- Escandelia: héhé, pauvre grand-mère... Oui, il y a une grosse part de mise en scène dans l'usage du téléphone, un peu romanesque... Difficile d'être percutant avec les exigences du réel!
- Mesange: Merci!
Au plaisir de vous lire tous!
Christa77- Kaléïd'habitué
- Humeur : Rêveuse
Re: A: Appel d'urgence
Un très bon texte bien construit qu'on lit avec beaucoup d'intérêt. Une façon originale aussi de traiter la consigne!
J'en profite pour te souhaiter la bienvenue chez kalé
J'en profite pour te souhaiter la bienvenue chez kalé
Sherkane- Kaléïd'habitué
- Humeur : ....
Re: A: Appel d'urgence
J'aime beaucoup l'idée que tu en as fait de ce téléphone spécialement utilisé par ce couple d'amoureux.
Ce qui rajoute un effet supplémentaire sur le désarroi ressenti quand cet objet si précieux n'est plus qu'un souvenir d'avant.
Une lecture vraiment agréable !
Ce qui rajoute un effet supplémentaire sur le désarroi ressenti quand cet objet si précieux n'est plus qu'un souvenir d'avant.
Une lecture vraiment agréable !
July_C- Kaléïd'habitué
- Humeur : qui vagabonde
Re: A: Appel d'urgence
Je trouve ton texte très intéressant et bien construit. Cette idée d'un téléphone qui ne servirait qu'à ce couple d'amoureux me plait beaucoup et ta façon de raconter m'a emmenée dans cette idée. Bravo et bienvenue sur Kalé, je te souhaite de belles heures d'écriture et de belles lectures.
plumentete- Kaléïd'habitué
- Humeur : heureuse attentive
Re: A: Appel d'urgence
Belle façon de traiter la consigne en s'appuyant sur la photo de référence
J'en profite pour te souhaiter la bienvenue ici
J'en profite pour te souhaiter la bienvenue ici
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
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