OUF

Il suffit de passer le pont
C'est tout de suite l'aventure

Tu parles d’une aventure… Un cauchemar serait plutôt le mot exact…
Chaque année pour rejoindre notre lieu de vacances il nous passer le pont de Normandie…
J’ai horreur de ce pont .L ’horreur commence juste après le payage et que s’amorce la montée. C’est alors que mon corps s’emballe, mon cœur surtout . J’ai beau lui dire qu’il n’y a rien à craindre, que le mari tient bien la situation ou le volant en main, qu’il a son permis de conduire depuis longtemps, qu’il suffit d’aller tout droit, que la route est belle, que la méteo est bonne, qu’il ne pleut pas ni ne neige en ce mois de juillet, qu’il fait même très beau et très clair, que les ingénieurs qui ont construit ce foutu pont savaient bien ce qu’ils faisaient et l’ont bien fait, que les risques d’écroulement sont nulles …
Je ne me dis d’ailleurs rien de tout cela, je ne suis que concentrée sur ma peur qui me fait peur et dont je ne sais que faire . Cela m’arrangerait bien qu’elle aille voir ailleurs cette peur au lieu de se fixer sur moi telle une pieuvre enlacée autour de mon cou, que si cela se continue je vais étouffer. Ah la sale bête qui s’en prend à moi pauvre petite femme sans défense…
-Calme toi, dit le mari avec fermeté et douceur en même temps ; Il me connaît il sait que je suis pas raisonnable dans ces cas là.
- Tu ne sais pas ce que tu rates, c’est tellement beau c’est comme si tu étais projeté vers le ciel rajoute t-il. Je ne peux pas être projetée vers le ciel puisque je suis tombée en enfer.
Mes yeux se risquent quand même à regarder à ma droite… c’est une mauvaise idée .Car ce que je vois c’est un vrai plan précipice, catastrophe avec toute cette flotte qui semble n’attendre que mon plongeon la tête la première. Je sais nager mais pas dans de pareilles conditions.
Je tente des exercices de respiration dont j’ai entendu parler dans je ne sais quel bouquin qui sont sensés me délivrer de mon stress et m’apporter calme et volupté …Foutaise je n’en respire que de plus en plus vite…de plus en plus mal.
Reste finalement l’ultime solution : je me couche et me recroqueville en position fœtale dans le ventre de la voiture et j’attends la fin de l’accouchement ! C’est dur un accouchement : faut pousser, faut se laisser pousser vers la sortie…
Cela ne saurait tarder dit le docteur, dit le mari.
- On a passé le pont dit-il tu peux sortir de ton trou Charlotte .
- Ouf !

Je ne vais surtout pas te dire, surtout pas, surtout pas, que j'ai a-do-ré passer sur ce pont et imaginer les paquebots qui s'en allaient loin très loin derrière les océans... c'est vrai qu'on a l'air de s'envoler en prenant ce pont...

ça y est tu peux sortir...

L'atmosphère de peur et le sentiment d'irrationnel sont bien rendus !   

Je n'ai qu'un mot à dire: Excellent, j'ai eu peur avec toi tout le long de ce foutu pont et j'aime beaucoup la comparaison avec l'accouchement!   

 Je ne connais pas le pont de Normandie et je ne sais pas si j'éprouverais une telle peur, mais tu peux étre sûre que la prochaine fois que je franchirai le pont d'Aquitaine, je penserai à toi.
J'ai cherché le nom de la phobie des ponts, il s'agit de la géphyrophobie (géphyr en grec ancien signifie pont), un trouble anxieux qui survient par la peur des ponts.

J'ai A-D-O-R-E Charlotte! C'est comme si on y était. OUf, tu vas pouvoir profiter des vacances, jusqu'au ... retour   

D'abord juste une question : est-ce que cette phrase de la fin de ton texte "Cela ne saurait tarder dit le docteur, dit le mari. " est à lire telle quelle ou à corriger ?

Bref, c'est un détail.

Tu décris parfaitement l'angoisse irrationnelle qui peut nous saisir dans certaines conditions. On a l'impression qu'on ne s'en sortira jamais, que cette angoisse n'aura jamais de fin...Et ce n'est pas particulièrement agréable ! Surtout qu'on sait bien que la situation, dans les faits, est assez "banale", mais non, impossible de se raisonner (et je suis d'accord avec toi, les exercices de respiration, ça n'a jamais marché avec moi non plus:p)

Bref, bravo pour ce texte ! 

Oui la phrase est à lire telle quelle. La Charlotte est à ce point affolée qu'elle embrouille tout, docteur et mari.

Cette consigne est faite pour toi Charlotte ! Espérons que le fait d'avoir traduit ta phobie en mots te permettra à l'avenir d'appréhender ce pont de Normandie plus sereinement.

Un moment d’angoisse très bien décrit. La comparaison avec l’accouchement est très pertinente : un accouchement, c’est bien un pont.
Et j’aime beaucoup cette façon d’exprimer ce cercle vicieux de la peur irraisonnée : « ma peur qui me fait peur et dont je ne sais que faire »