A. Un voyage énigmatique

Je marche depuis une heure. Le chemin est raide et les cailloux glissent sous mes semelles. Ma chemise est trempée de sueur. Malgré la fatigue qui commence à se faire sentir, je continue à monter, poussée par le désir de savoir. Mes muscles sont fermes, l’élan vigoureux. Je ne pensais pas pouvoir compter sur une énergie pareille.

« Dans les cas hasardeux, il faut brusquer la chance…. » disait le mot accroché à la clé. Un courrier étrange arrivé avec le printemps. Une enveloppe au papier fleuri. Mon adresse dans une belle écriture gothique et pas d’expéditeur. Intriguée, je posai la lettre sur la table de la cuisine, mis le dîner en route et tandis que la potée mijotais doucement sur le feu, je l’ouvris délicatement. Elle contenait un papier vert clair soigneusement plié en quatre et une clé portant une étiquette avec des mots étranges. Un peu excitée par la présence de cette clé, je me demandais qui pouvait bien m’avoir écrit.

Je sors enfin de la forêt. La ruine s’offre à mon regard. Majestueuse bâtisse en pierre de taille, témoin d’une splendeur passée. C’est ici que se trouve apparemment la réponse à l’énigme. Je dois me rendre du côté est de la tour principale : la boîte se trouve à environ trois mètres du sol, dans une fente de la muraille. Je trouve sans peine l’endroit indiqué. Pour atteindre l’ouverture dans le mur, je dois grimper par-dessus quelques gros blocs de pierre. Le trou est effectivement fermé par un amas de cailloux. Je les déplace un à un et aperçois le contenant métallique dont il était question dans la lettre. Je m’installe le mieux possible sur un petit espace plat et pose la boîte sur mes genoux.

Une fois de plus, je déplie le feuillet vert clair :

«En mai, les parfums des fleurs envoûtent tes sens. La tête te tourne, tu t’en enivres encore et encore, puis les odeurs se dissipent, mais au fond de toi, il reste un souvenir dont tu as la nostalgie. Et au printemps suivant, ton âme aspire à la promesse du plaisir renouvelé. »
« Les mots que tu lis te paraissent peut-être curieux et irréels. Lis-les tout simplement, laisse les agir en toi et quand tu te sentiras prête, prends la clé et rends-toi au château sur le promontoire près de chez toi. A l’est de la tour, dans la muraille, tu verras une fente fermée par un amas de pierres. Là tu trouveras l’abondance. »

Je me souviens avoir passé mes nuits à réfléchir à ce que cela pouvait bien signifier. Y aurait-il un trésor caché ? Des sous, des chèques ou une recette magique pour obtenir le bonheur ? Une boîte contenant trois vœux ? Et je me demandais si j’étais capable d’émettre les bonnes demandes ! Dans mon enfance, j’avais entendu plusieurs contes à ce sujet : le résultat était en général plutôt mitigé !

Les jours passaient, je vaquais à mes occupations et le soir, je mettais la lettre sous mon oreiller, espérant que la nuit m’apporte clarté et compréhension.

Finalement, je décidai de me lancer à l’assaut de la colline et d’aller à la rencontre du mystère.

Me voilà donc ici, la boîte sur mes genoux, mes mains tremblant un peu alors que j’introduis la clé dans la serrure. Je suis surprise de trouver une nouvelle clé et un mot l’accompagnant. Un seul mot écrit au feutre doré sur une feuille vert clair : OSE ! Au dos de la feuille une explication où je dois me rendre.

Je prends la clé, remets tout en place, dégringole de la muraille et me mets en quête de la porte secrète. Ce n’est pas la première fois que je parcours cette ruine, mais jamais encore, je n’avais pris conscience de cette porte un peu rouillée, au bout d’une passerelle. Dois-je vraiment l’ouvrir ? Et si la clé ne fonctionnait pas, si tout ceci n’était qu’une mascarade pour un cœur un peu trop naïf, trop rêveur, trop enclin à croire aux miracles?

Maintenant, je veux le savoir. La clé tourne dans le cadenas, je pose ma main sur la poignée de la porte et l’ouvre avec précaution. Bien m’en a pris car un espace incroyable s’ouvre devant moi. Le soleil inonde un paysage à perte de vue. Collines et vallons, forêts et prés, quelques villages épousant les formes naturelles. Le vent ébouriffe mes cheveux. Une voix tendre chuchote dans mon oreille :

«Ouvre tes ailes et élance-toi ! »

Je suis debout, comme un aigle au bord de son nid, et les larmes coulent sur mon visage. Je connais cette voix qui me parle et m’encourage. Je reconnais la nostalgie dans mon cœur, celle qui m’appelle à oser enfin ma vie telle que je la conçois. Alors je ferme les yeux et je m’élance courageusement dans l’espace inconnu qui s’ouvre devant moi, me laissant porter par les courants de la vie.