A- La vraie histoire du petit Poucet

Barnabé : Le petit Poucet n’avait pas tort, faut toujours se méfier de sa famille. Moi, regardez où j’en suis. J’ai confié ma femme à mon jeune frère pendant ma seconde campagne de pêche au thon. Résultat, quand je suis rentré quelques mois après, j’ai trouvé mes affaires sur le palier. On peut faire confiance à personne, même pas à sa famille.

Jeannot : Arrête de parler de toi et laisse le vieux continuer son histoire. T’en étais où le vieux?

Le vieux marin : Je disais qu’une seule fois avait servi de leçon. Les petits cailloux, c’était une bonne idée, mais pour ce que ça a rapporté : retour à la case départ et renvoi de la marmaille dans la forêt. , après seulement une année.

Jeannot : Oui, mais il s’est bien démerdé ton petit Poucet, il a trouvé une autre solution, et puis il y a eu l’ogre à qui il a donné une bonne leçon, et les bottes de sept lieux : sacrée prise. Ça lui a fait une réputation qui a dépassé les frontières. On en parle encore, des dizaines d’années après. T’as de la chance le vieux, ce petit Poucet, il est de ton coin, si ça se trouve tu l’as même rencontré. T’as peut-être usé tes fonds de culotte avec lui sur les bancs de l’école.

Le vieux marin : Ce que tu peux être naïf Jeannot, tout ça c’est rien qu’une légende.

Jeannot : Comment ça : une légende ?

Le vieux marin : Ben ouai, le petit Poucet, il était pas né de la dernière pluie, on allait pas lui faire une seconde fois le coup des retrouvailles et l’abandonner une troisième fois. C’est vrai qu’il a trouvé refuge avec ses frères dans une maison, dans la forêt, mais l’ogre était un simple contrebandier et ses filles, y’en avait pas sept, mais six, étaient bien trop jolies pour qu’on les sacrifie.

Barnabé : Ouai, c’est comme ma femme, elle était bien trop belle pour que je lui fasse la peau. J’aurais pu me venger sur mon frère, mais  je lui ai laissé la vie sauve, il est de mon sang malgré tout. Résultat, moi je suis sur ce vieux rafiot et eux se la coulent douce dans ma bicoque en bord de plage.

Jeannot : Te plains pas, t’as retrouvé une gonzesse, pas chiante, et toujours là pour te consoler : la bouteille. Celle-là elle te fera pas d’enfant dans le dos.

Barnabé : Pauv’con, laisse le vieux finir son histoire

Le vieux marin : Le petit Poucet et ses frères sont jamais rentrés chez eux. Les frères ont épousés les filles du contrebandier. Ils ont fait fructifier les affaires à ce qu’il paraît.

Jeannot : Et le petit Poucet ?

Le vieux marin : Il a fait son balluchon et il est parti sur les routes. Il avait envie de voir le monde.

Jeannot : Tu crois qu’il a été déçu du voyage ?

Le vieux marin : Pour sûr que non! Il a bien roulé sa bosse

Barnabé : Moi j’en aurai eu marre au bout d’un moment. D’ailleurs je rentrerai bien chez moi retrouver ma femme.

Jeannot : Et la marmaille qu’elle a faite à ton frère ?

Le vieux marin : Il  en a pas marre, au contraire. Le petit poucet est libre et le restera. Pas d’attache, jamais de repos. Droit devant, y’a encore plein de choses à découvrir sur cette terre avant qu’elle nous avale.

Jeannot : t’es en train de nous dire que l’histoire du petit poucet, c’est des conneries, ça s’est jamais passé comme on le raconte

Le vieux marin : Ben ouai !

Jeannot : et comment tu sais ça d’abord.

Le vieux marin: ben t’as pas encore compris ?

Jeannot : Nonnnnnnnn ! J’y crois pas !

Le vieux marin : Ben ouai,  Poucet Perrault, pour vous servir

Barnabé : Ben ça alors !