A. Faits divers (*)

C’est plusieurs semaines après les faits que Julien, le frère de Claudia, a enfin accepté de me rencontrer après plusieurs de mes appels jusqu’ici restés vains.

Je suis journaliste au journal local, et le meurtre de Claudia par un détenu en permission de sortie m’avait interpellé.

Julien m’a donné rendez-vous devant la maison de sa sœur, sans me faire entrer, Julien me déclara :
« Vous vous rendez compte, une seule sortie, sa première, pour 36 heures, juste le temps de tuer ma sœur et de se rendre à la police ! »

Votre sœur connaissait le meurtrier ?

« Bien sûr, ils étaient amants et ma sœur en était folle amoureuse. Elle l’avait dans la peau. Regardez ces vidéos prises avec son smartphone. »

J’assiste à des vidéos prises par Claudia dans lesquelles elle lui déclame son amour, la longue attente avant qu’il ne puisse sortir, l’impatience de pouvoir le retrouver au parloir. Toutes ces vidéos dataient de quelques mois. Il y avait aussi des photos d’eux deux, lui poseur et elle rayonnante de bonheur.

Mais que s’est-il passé ensuite ?

« Il avait écopé de 6 ans sans sursis pour une série de vols avec violence, et au début de son internement, lors des visites au parloir tout se passait normalement, enfin je veux dire calmement. Mais les semaines passant il était devenu de plus en plus nerveux, impatient. Et de visite en visite Claudia se plaignait de ses changements d’humeur, il devenait jaloux et colérique, violent même. Claudia ne le reconnaissait plus et a d’abord espacé ses visites, puis prenant peur, elle lui a signifié que s- il ne se calmait pas, elle ne viendrait plus le voir. »

Les gardiens étaient-ils au courant ?

« Les visites se déroulaient derrière une vitre, et les matons n’étaient pas présents. Lorsque ma sœur quittait le local, elle devait avoir le même air dépité et ébranlé que celui de la plupart des visiteuses. Elle ne s’est jamais plainte auprès d’eux, ne voulant pas lui causer d’ennuis. »

Et ensuite ?

« Il l’a harcelée, usant de tous les moyens : lettres, appels téléphoniques incessants, mots de menaces déposés par d’anciens amis et complices… et là Claudia a commencé à avoir vraiment peur. Elle a d’ailleurs déposé une plainte au commissariat de police. »

Et comment les policiers ont-ils réagi ?

« Qu’il en avait encore pour 5 ans, et que d’ici là Claudia, physiquement, ne risquait rien puisqu’il était enfermé. »

Il a pourtant profité d’une sortie !

« Et il est directement venu ici pour frapper et étrangler Claudia, et ensuite se rendre à la police. »

C’est incroyable, qui a été averti de son droit de sortie ?

« Ni Claudia, ni la police ou alors trop tard ! »

Et le rapport de police n’a pas été envoyé à la prison ?

« Il semblerait que non, une enquête est en cours »

Vous ne voulez pas entrer ?

« Non, c’est encore trop tôt. Surtout que lors de la reconstitution, il aurait déclaré « je serais bien resté, la maison était bonne, le petit chat m’aimait, lui ». Son cynisme me tourmente toutes les nuits et ravive ma haine. »

Pourquoi vous êtes- vous décidé à me rencontrer ?

« Parce que, il y a une semaine, une jeune étudiante a été tuée par un délinquant sexuel récidiviste qui habitait son immeuble, elle avait pourtant aussi porté plainte suite au comportement déviant de son agresseur ! Combien d’autres victimes faudra-t-il encore pour que ceux à qui des plaintes sont adressées les traitent avec toute l’implication qu’elles réclament? Et que je trouve choquant qu’à l’ère de Google, Facebook et consort, toutes nos données personnelles sont connues, stockées et exploitées, mais que dans le cas de criminels nous ne soyons pas capables de croiser deux fichiers ! Vous pourrez noter ça dans votre papier ? »
 
(*) Inspiré de 2 faits divers réels

On peut dire que tu as bien exploité la situation ! Bravo pour ce texte et pour la réflexion qu'il amène. Le fichage des citoyens que nous sommes pose une grave question de liberté individuelle. Par contre, on constate souvent que ce pour lequel les pouvoirs publics le justifie est mis de côté. Les moyens ne sont peut être pas en adéquation avec l'effet escompté ? Ou alors, prétexte pour en faire autre chose de pas tout à fait avouable !

Très bien raconté et ça fait vraiment froid dans le dos, les victimes semblent vraiment moins protégées que les coupables hélas

C'est un très bon texte qui relate des histoires récentes et qui me scandalisent...Que fait la police?C'est la question.

Je suis toujours tellement choquée  par ces histoires que ça  me fait du bien de lire la très  belle façon  dont tu traites  le sujet.

Un texte qui forcément interpelle et qui me ramène à plusieurs affaires de ce genre dans ma région.
Moi je ne dirai pas comme Charlotte, qUe fais la police mais plutôt que fait la justice !!!

Surprenant de voir où t'amènes la photo. On a l'impression qu'il était très important pour toi d'écrire sur ce thème.
Et c'est vrai que de nombreux drames pourraient être évités si tous les rouages de la police et de la justice fonctionnaient correctement !