Toute une vie

Sur la branche de l'exil, il se tient le regard posé sur la vie qui est passée. Il revoit  l'enfant qui sautait à cloche-pied, hésitant sur les trottoirs du jour , progressant sur un chemin  visible de lui seul, fait de questions et de rencontres au coin des rues. Se partageait alors une friandise ou un jeu, des rires fusaient , des rêves s'ébauchaient. Mais le temps qu'il faut pour le dire et  déjà le soir de la vie s'est profilé.  En un claquement de doigt : l'enfant funambule a marché évitant tant bien que mal les abîmes , poussant le cerceau de sa vie d'une main malhabile, cueillant ici ou là des fleurs trop vite fanées, rejetant au loin les mots qu'on ne peut dire . Il a erré entre rires et sanglots, parlé, écrit peut-être ou prié, et soudain il  réalise que sa vie est passée et que ce qui lui reste à traverser est fait d'ombres lourdes. Cela ne sert à rien de fuir, l'obscurité le rattrapera toujours. Alors il reste sur son promontoire à contempler, à méditer et à apprivoiser le dernier morceau de sa route avec sérénité.