L'Amour est sur le quai

—Dépêche-toi, René, dépêche-toi, ils sont tous là

—Je le vois bien, Fifi, mais je ne peux pas aller plus vite que la musique, ou que la poiscaille accrochée au filet, si tu préfères….

—Je sais, je sais, mais ils me stressent ces chats

—Oh, inutile de revenir là-dessus, nous en avons parlé pendant des heures.
Je n’étais pas d’accord, c’est rien de le dire.
Mais Môsieur Fifi a fait le forcing. Môsieur Fifif voulait prouver quelque chose. Et ben, c’est réussi, et maintenant Môsieur Fifi et moi sommes ridicules, et comme il faut, semble-t’il….

—Allez, René, on va s’en sortir, ne râle pas, s’il te plait. C’est important pour moi, tu sais bien…

—Ben évidemment, mais quand même, je me triture l’esprit depuis des jours pour comprendre.
Je te connais depuis trente ans, Fifi, et je ne t’ai jamais laissé tomber, tu le sais très bien.
Mais là, je ne te reconnais plus, et tu m’effraies presque, je suis désorienté.
Même qu’Adèle s’y est mise, à force de me voir rentrer de la pêche l’œil en berne et la mine soucieuse. Je ne voulais rien lui confier, tu t’en doutes, mais le silence finissait par me peser.
Finalement il y a une semaine elle a réussi à me faire tout avouer, tu sais comment sont les femmes….

—Quand tu dis « tout », je comprends bien « tout » ?

—Bah, oui ! Je ne vais pas me choper un ulcère à mon âge parce que tu te sens pousser des ailes. J’ai craché le morceau, comme on dit vulgairement.

—Et, heu, voyons, elle la connait Sidonie, Adèle ?

—Pas encore, mais ça ne saurait tarder, puisqu’elle veut vous inviter un de ces soirs à dîner.
Je crois surtout que la curiosité la ronge, avec tous ces potins qui circulent dans le village.
Pour être honnête, Fifi, les blablas, je m’en balance royalement, mais aujourd’hui, ça va être du lourd, avec tout ce monde qui nous regarde depuis le quai.
Ils nous prennent pour des fous, à distribuer la moitié de notre pêche pour nourrir ces matous impatients.
Jamais pêcheur n’a encore fait chose pareille, c’est de l’inédit, version déjantée.

—Oui, je préfère ne pas y penser, mais encore un effort, s’il te plait, René, mon bonheur en dépend.
Tu ne laisserais pas tomber dans le célibat un vieux pote, quand même ?

—Meuh non, évidemment, mais je trouve quand même que tu dépasses les bornes.
Vouloir conquérir l’éventuelle future femme de ta vie en nourrissant ses vingt chats me parait un poil loufoque, pour ne par dire aberrant.
J’te préviens, Fifi, va falloir qu’elle dise « oui » tout de suite, l’échappée de la SPA, parce que je ne suis pas disposé à recommencer ce cirque une fois de plus.

—Tu dis ça, mais une fois nommé garçon d’honneur à mon mariage, tu oublieras vite ces mots. Et d’ailleurs…

Gluppps ! Je la vois qui s’avance.
Le Moment est arrivé, croise les doigts pour moi !

Que vont ils faire ?
En tout cas, c'est réussi,    tu as entretenu le suspens jusqu'au bout du bout avec tes pêcheurs aussi déjantés que mes chats !!

Tu es la seule à avoir écrit un dialogue entre les pêcheurs et il est très original.
Nourrir les 2O chats de son amoureuse, en voilà un bon moyen de la conquérir !
J'ai bien ri !

Ah ! Enfin voilà un dialogue entre pêcheurs ! Bravo Silhène !   Tu as parfaitement réussi à écrire un texte où se mêlent amour tout court et amour des chats. Et comme le dit Escandélia, on a hâte d'être à la fin de ton texte pour savoir de quoi il en retourne vraiment. Super ! 

C'est super chouette et pleinde suspens jusqu'à la fin.

Moi aussi, j'ai été très intrigué par ce texte et du coup je l'ai lu une première fois très vite, me demandant ce qui se cachait derrière ce dialogue énigmatique. Bravo pour la conduite de l’histoire ! Pourquoi tous ces chats sur le quai ? Tu as élucidé la question de façon très originale.

Décidément l'amour pousse à des extrémités incroyable, jusqu'à nourrir vingt chats pour plaire à sa belle ! A-t-il réfléchi, ce malheureux Fifi, à la suite ? Lui faudra-t-il partager aussi le lit de leur maîtresse ?
Bravo pour cette super idée et ce dialogue plein d'humour !