A coeur ouvert ( 3)
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Escandélia
Amanda.
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A coeur ouvert ( 3)
3. L’opération et le reste…
Enfin, enfin, ça y est. C’est pour ce matin 7h.
Très longue opération entre 8 et 1O h.
Va-t-il supporter l’anesthésie, très lourde ? La dernière fois, il y a 1O ans il voyait des bêbêtes au plafond. Mais l’anesthésiste est prévenu, cette fois, ça devrait aller…
Je me suis organisée, j’ai entrepris de mettre de l’ordre dans mon bureau ce matin. Cela m’occupe, j’écoute la radio, des conneries mais je reste zen.
A partir de 16h je peux téléphoner à un numéro, il sera alors aux soins intensifs.
Ce que je fais.
Non, il est encore en salle d’op’.
Et ça fait « bang » dans mon cœur et je me mets à pleurer. Je lâche tout mon courage du matin. S’il est encore en salle d’op » c’est donc que c’est pas bon, il y a des complications. L’infirmière au téléphone a promis de me rappeler dès qu’il sera sorti. Idiote, je lui ai donné mon n° de téléphone fixe, pas mon portable, je reste donc à côté.
Rien ne se passe.
A 17h mon portable sonne, c’est ma belle-fille ( la fille de mon mari, d’un premier mariage), elle a appelé l’hôpital, il est aux soins intensifs, il va bien.
Je fonds en larmes.
L’autre infirmière ne m’a jamais rappelé. On me dit qu’elles sont surchargées, n’ont pas que cela à faire, mais j’ai du mal…
Le soir, nous allons le voir.
Là, j’encaisse le choc. Je ne suis jamais allée aux soins intensifs, je ne connais pas ce monde souterrain, cette pièce immense séparée en compartiments ( pas vraiment des chambres) avec au centre un bloc où fourmillent des infirmiers et des infirmières avec masques ;
Je découvre les machines et leur bruit constant, des bips, des sifflements et puis, je suis ma belle-fille jusqu’à lui.
Lui ? Méconnaissable, des tuyaux partout même dans la bouche.
La ligne du cœur sur l’écran est stable, les autres dessins aussi, je n’y comprends rien.
Je sais seulement que je suis entrée dans un univers inconnu, étrange et inamical.
Je comprendrai plus tard que ce lieu est celui, où on sauve des vies, que c’est là que mon Homme à moi a failli perdre la sienne et qu’ils ont tout fait, absolument tout pour le sauver.
Je serai éternellement reconnaissante à ces êtres vêtus de vert qui s’affairent autour du patient inanimé, qui le ressuscite à coup de piqûre et d’antibiotiques.
Car les soins intensifs vont devenir mon quotidien. Une heure de 14h à 15h et une autre de 18 h à 19h.
La première semaine a été atroce. Comme déjà dit, mon mari ne supporte pas l’anesthésie. Cette fois, il a fallu l’attacher au lit, il a arraché des fils, sa sonde urinaire, il hurle qu’il veut rentrer à la maison et supplie en larmes ses fils de le détacher. Les garçons sont totalement bouleversés et moi, persuadée qu’il perd la raison.
Les médecins disent que c’est normal après une si lourde anesthésie…
La deuxième semaine est plus calme, il reprend ses esprits, tousse beaucoup, poumons encombrés et fortes douleurs.Un soir, il se met à trembler, forte fièvre, on diagnostique une septicémie, due à un germe sur un cathéter. ( il en a une panoplie sur les épaules pour le nourrir et le soigner) Maladie nosocomiale donc, 5O% de chances d’en sortir. Personne ne prononce le mot « septicémie », on me le dira plus tard quand l’antibiotique aura agi. Merci donc, quand même, un brin d’humanité, car je suis à ramasser avec des pincettes.
Mes enfants, mes amis, même mes amis virtuels de Kaléïdoplumes m’appellent, m’entourent.
C’est mon anniversaire, ils m’envoient un magnifique bouquet et je pense que c’est celui que, lui, m’aurait offert, s’il avait pu.
C’est mon anniversaire, il ne le sait pas. Mes petits-enfants m’ont confectionné un gâteau, je suis invitée chez mon fils aîné, je ne suis pas toute seule.
Si, je le suis car comme dit l’adage désuet « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé »
Comme c’est vrai !
La troisième semaine s’annonce meilleure, il remonte dans sa chambre en cardiologie, recommence à apprendre la déglutition ( réflexe perdu) et commence la kiné.
Trois jours plus tard, j’arrive dans la chambre. Personne ! Le lit est parti ! Immédiatement je pense au pire et je me mets à crier. Personne ne vient, c’est l’heure de table.
Je sens que je deviens folle, enfin, arrive l’infirmière-chef qui me voyant en larmes me dit « Ah, ben oui, c’est vrai, j’ai oublié de vous prévenir, votre mari est redescendu aux soins intensifs, il fait une pneumonie, pas eu le temps de vous téléphoner »
Je m’écroule, elle va chercher une aide-soignante qui m’aide à descendre aux soins intensifs par le chemin des soignants et pas par l’ascenseur qui met un temps fou à arriver.
Aux soins intensifs, branle-bas de combat autour de mon mari, 39, 9°. On essaie un antibiotique, ensuite un second, puis un troisième selon les prises de sang. Le troisième sera le bon …après trois jours !
Le premier soir, quand il est redescendu aux soins intensifs, là, je le confesse, j’ai vraiment perdu courage. J’ai baissé les bras, je me suis dit que c’était foutu, qu’il ne se remettrait jamais, après tout ce qu’il avait déjà enduré.
Mes enfants pleuraient avec moi, au téléphone.
Je m’étais interdit de jamais manquer de courage, de faire face pour nous deux, mais ce soir-là, je n’ai pas tenu parole. C’était trop dur, trop injuste, trop de tout…
Et puis, et puis, le lendemain matin en regardant mon visage boursouflé dans le miroir, je me suis dit que je ne pouvais pas continuer à me lamenter comme cela, qu’ils m’avaient dit au tél, là, juste il y a 5 min que la fièvre avait diminué, qu’il y avait un léger mieux…
Et c’est reparti ! Il s’en est sorti de ce maudit cauchemar, il est remonté dans sa chambre deux semaines plus tard.
Et courageusement à entamé le processus de revalidation, dur et pénible.
Le Ier janvier il est rentré à la maison. Il continue la kiné, apprend doucement à marcher seul, envisage l’avenir avec sérénité.
Il y a encore des couacs parfois, une grosse fatigue.
Mais il est là, vivant et avec moi !
Intacts ? Non, pas vraiment et là, il reste des choses à dire…
Ces choses, je les ai dites plus loin sur le marathon.
J'ai crié ma révolte, mon impuissance, mes interrogations sur le sens de tout cela, sur les autres et sur moi.
J'ai beaucoup, sans doute trop parlé de moi.
Cela m'a épuisée, vidée...
Mais maintenant après une semaine, je réalise que cela m'a fait un bien fou.
Chaque semaine, il y a un mieux, chez lui, qui retrouve sa mobilité, son autonomie, qui redevient Homme alors qu'il fut un moment une sorte de "légume", j'ose le dire !
Chaque semaine, moi aussi je vais mieux, je relative, j'apprends la douceur, la patience, les petits pas comme aller au cinéma ce dimanche.
Comme aller acheter des vêtements plus adaptés à sa perte de poids, comme pouvoir enfin, enfin, se reparler autour d'un bon repas, se retrouver.
Nous ne sommes pas au bout de la route, il reste des progrès à faire.
J'avais parlé d'un psy, à un moment.
Je crois que le marathon et vos commentaires m'en dispensent !
Merci !
Enfin, enfin, ça y est. C’est pour ce matin 7h.
Très longue opération entre 8 et 1O h.
Va-t-il supporter l’anesthésie, très lourde ? La dernière fois, il y a 1O ans il voyait des bêbêtes au plafond. Mais l’anesthésiste est prévenu, cette fois, ça devrait aller…
Je me suis organisée, j’ai entrepris de mettre de l’ordre dans mon bureau ce matin. Cela m’occupe, j’écoute la radio, des conneries mais je reste zen.
A partir de 16h je peux téléphoner à un numéro, il sera alors aux soins intensifs.
Ce que je fais.
Non, il est encore en salle d’op’.
Et ça fait « bang » dans mon cœur et je me mets à pleurer. Je lâche tout mon courage du matin. S’il est encore en salle d’op » c’est donc que c’est pas bon, il y a des complications. L’infirmière au téléphone a promis de me rappeler dès qu’il sera sorti. Idiote, je lui ai donné mon n° de téléphone fixe, pas mon portable, je reste donc à côté.
Rien ne se passe.
A 17h mon portable sonne, c’est ma belle-fille ( la fille de mon mari, d’un premier mariage), elle a appelé l’hôpital, il est aux soins intensifs, il va bien.
Je fonds en larmes.
L’autre infirmière ne m’a jamais rappelé. On me dit qu’elles sont surchargées, n’ont pas que cela à faire, mais j’ai du mal…
Le soir, nous allons le voir.
Là, j’encaisse le choc. Je ne suis jamais allée aux soins intensifs, je ne connais pas ce monde souterrain, cette pièce immense séparée en compartiments ( pas vraiment des chambres) avec au centre un bloc où fourmillent des infirmiers et des infirmières avec masques ;
Je découvre les machines et leur bruit constant, des bips, des sifflements et puis, je suis ma belle-fille jusqu’à lui.
Lui ? Méconnaissable, des tuyaux partout même dans la bouche.
La ligne du cœur sur l’écran est stable, les autres dessins aussi, je n’y comprends rien.
Je sais seulement que je suis entrée dans un univers inconnu, étrange et inamical.
Je comprendrai plus tard que ce lieu est celui, où on sauve des vies, que c’est là que mon Homme à moi a failli perdre la sienne et qu’ils ont tout fait, absolument tout pour le sauver.
Je serai éternellement reconnaissante à ces êtres vêtus de vert qui s’affairent autour du patient inanimé, qui le ressuscite à coup de piqûre et d’antibiotiques.
Car les soins intensifs vont devenir mon quotidien. Une heure de 14h à 15h et une autre de 18 h à 19h.
La première semaine a été atroce. Comme déjà dit, mon mari ne supporte pas l’anesthésie. Cette fois, il a fallu l’attacher au lit, il a arraché des fils, sa sonde urinaire, il hurle qu’il veut rentrer à la maison et supplie en larmes ses fils de le détacher. Les garçons sont totalement bouleversés et moi, persuadée qu’il perd la raison.
Les médecins disent que c’est normal après une si lourde anesthésie…
La deuxième semaine est plus calme, il reprend ses esprits, tousse beaucoup, poumons encombrés et fortes douleurs.Un soir, il se met à trembler, forte fièvre, on diagnostique une septicémie, due à un germe sur un cathéter. ( il en a une panoplie sur les épaules pour le nourrir et le soigner) Maladie nosocomiale donc, 5O% de chances d’en sortir. Personne ne prononce le mot « septicémie », on me le dira plus tard quand l’antibiotique aura agi. Merci donc, quand même, un brin d’humanité, car je suis à ramasser avec des pincettes.
Mes enfants, mes amis, même mes amis virtuels de Kaléïdoplumes m’appellent, m’entourent.
C’est mon anniversaire, ils m’envoient un magnifique bouquet et je pense que c’est celui que, lui, m’aurait offert, s’il avait pu.
C’est mon anniversaire, il ne le sait pas. Mes petits-enfants m’ont confectionné un gâteau, je suis invitée chez mon fils aîné, je ne suis pas toute seule.
Si, je le suis car comme dit l’adage désuet « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé »
Comme c’est vrai !
La troisième semaine s’annonce meilleure, il remonte dans sa chambre en cardiologie, recommence à apprendre la déglutition ( réflexe perdu) et commence la kiné.
Trois jours plus tard, j’arrive dans la chambre. Personne ! Le lit est parti ! Immédiatement je pense au pire et je me mets à crier. Personne ne vient, c’est l’heure de table.
Je sens que je deviens folle, enfin, arrive l’infirmière-chef qui me voyant en larmes me dit « Ah, ben oui, c’est vrai, j’ai oublié de vous prévenir, votre mari est redescendu aux soins intensifs, il fait une pneumonie, pas eu le temps de vous téléphoner »
Je m’écroule, elle va chercher une aide-soignante qui m’aide à descendre aux soins intensifs par le chemin des soignants et pas par l’ascenseur qui met un temps fou à arriver.
Aux soins intensifs, branle-bas de combat autour de mon mari, 39, 9°. On essaie un antibiotique, ensuite un second, puis un troisième selon les prises de sang. Le troisième sera le bon …après trois jours !
Le premier soir, quand il est redescendu aux soins intensifs, là, je le confesse, j’ai vraiment perdu courage. J’ai baissé les bras, je me suis dit que c’était foutu, qu’il ne se remettrait jamais, après tout ce qu’il avait déjà enduré.
Mes enfants pleuraient avec moi, au téléphone.
Je m’étais interdit de jamais manquer de courage, de faire face pour nous deux, mais ce soir-là, je n’ai pas tenu parole. C’était trop dur, trop injuste, trop de tout…
Et puis, et puis, le lendemain matin en regardant mon visage boursouflé dans le miroir, je me suis dit que je ne pouvais pas continuer à me lamenter comme cela, qu’ils m’avaient dit au tél, là, juste il y a 5 min que la fièvre avait diminué, qu’il y avait un léger mieux…
Et c’est reparti ! Il s’en est sorti de ce maudit cauchemar, il est remonté dans sa chambre deux semaines plus tard.
Et courageusement à entamé le processus de revalidation, dur et pénible.
Le Ier janvier il est rentré à la maison. Il continue la kiné, apprend doucement à marcher seul, envisage l’avenir avec sérénité.
Il y a encore des couacs parfois, une grosse fatigue.
Mais il est là, vivant et avec moi !
Intacts ? Non, pas vraiment et là, il reste des choses à dire…
Ces choses, je les ai dites plus loin sur le marathon.
J'ai crié ma révolte, mon impuissance, mes interrogations sur le sens de tout cela, sur les autres et sur moi.
J'ai beaucoup, sans doute trop parlé de moi.
Cela m'a épuisée, vidée...
Mais maintenant après une semaine, je réalise que cela m'a fait un bien fou.
Chaque semaine, il y a un mieux, chez lui, qui retrouve sa mobilité, son autonomie, qui redevient Homme alors qu'il fut un moment une sorte de "légume", j'ose le dire !
Chaque semaine, moi aussi je vais mieux, je relative, j'apprends la douceur, la patience, les petits pas comme aller au cinéma ce dimanche.
Comme aller acheter des vêtements plus adaptés à sa perte de poids, comme pouvoir enfin, enfin, se reparler autour d'un bon repas, se retrouver.
Nous ne sommes pas au bout de la route, il reste des progrès à faire.
J'avais parlé d'un psy, à un moment.
Je crois que le marathon et vos commentaires m'en dispensent !
Merci !
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: A coeur ouvert ( 3)
Je le savais Amanda, tu n'as pas besoin de psy, notre amitié, oui, bien sûr que tu l'as ! Je suis contente que nous parler t'ai soulagée. Tu n'as pas trop parlé de toi, tu nous as parlé, de lui, de sa souffrance, de la tienne, tu nous as aussi donné une leçon de courage. Pour tes mots, merci.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A coeur ouvert ( 3)
Ta vie depuis novembre a été un vrai marathon. Tu en sors gagnante en tout.
Charlotte- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A coeur ouvert ( 3)
Je pense que l'on ne parle jamais trop de soi si nous le faisons pour nous aider à tenir, à avancer, à comprendre, à écouter et à entendre ce que peuvent dire les autres de soi. Et il semblerait que ton marathon t'a permis cela.
Alors je crois que je ne serai pas la seule à penser que tu as bien fait de t'écouter pour exprimer ce dont tu avais besoin d'exprimer.
Tes "à coeur ouvert" ont été accueillis avec beaucoup d'amour et de bienveillance sur le marathon et tu savais que tu pouvais avoir confiance.
Merci encore pour ce partage de toi, de lui, de vous.
:-)
Alors je crois que je ne serai pas la seule à penser que tu as bien fait de t'écouter pour exprimer ce dont tu avais besoin d'exprimer.
Tes "à coeur ouvert" ont été accueillis avec beaucoup d'amour et de bienveillance sur le marathon et tu savais que tu pouvais avoir confiance.
Merci encore pour ce partage de toi, de lui, de vous.
:-)
July_C- Kaléïd'habitué
- Humeur : qui vagabonde
Re: A coeur ouvert ( 3)
Un marathon que j'ai lu et que j'ai aimé. Je n'ai pas grand chose à en dire de plus aujourd'hui, sinon bon courage !
Kz- Kaléïd'habitué
- Humeur : bonne
Re: A coeur ouvert ( 3)
Tu en avais besoin de ce marathon pour lâcher du lest. Beaucoup ont découvert ce que quelques uns savaient : les moment très difficiles que tu as vécus en fin d'année .pourtant ici, tu as été égale à toi- même, présente, disponible, souriante ( sisi, on le sent derrière l'écran )
Si ce marathon t'as fait du bien, s'il t'a permis de repartir du bon pied, c'est formidable
Si ce marathon t'as fait du bien, s'il t'a permis de repartir du bon pied, c'est formidable
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
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