Carnaval

Sur l’invitation était écrit : « Venez fêter avec nous le carnaval. Déguisement obligatoire. »
Je suis donc venue à la fête, déguisée en bonhomme de neige !

Je m’explique : c’était un vrai, de bonhomme de neige avec de la vraie neige bio de mon potager. Il y en avait partout, de la toute blanche et toute fraîche du matin . Il y en avait dans les jardins et sur les toits des voisins, dans les arbres et sur les plumes des oiseaux dans les branches et aussi sur la place de l’église et le coq perché en haut du clocher. C’était beau à voir, c’était surtout bon à se rouler dedans pour me fabriquer mon costume de neige.

C’était un vrai bonhomme de neige sauf que c’était une bonnefemme de neige.
Mais qu’à cela ne tienne, pour affirmer mon genre féminin, je me suis confectionné deux beaux nichons sur mesure. C’est fastoche : y a qu’à se modeler comme il faut, deux bons ballons joufflus et de les plaquer vite fait bien fait à la bonne place.
Pour l’harmonie visuelle, j’ai ajouté encore quelques couches pour arrondir mon ventre, cela me faisait bien un 8 mois dans le bidon de quoi supporter sans douleur les coups en cas d’accouchement de boules de neige.
Je suis donc arrivée à la fête déguisée... et fière et contente du résultat .

J’ai vite déchanté
J’aurais jamais du venir…
La maitresse de maison m’a prié de rester dehors . Madame craignait un dégât des eaux dans son bel intérieur. De toute façon, je n’aurais, d’après elle, pas pu franchir le pas de la porte bien trop étroite pour mon tour de taille et de poitrine. Mais enfin c’est quand même pas compliqué d’ouvrir le garage pour me laisser entrer !
C’est pas juste.
Je fus donc contrainte de quitter les lieux et condamnée à passer le réveillon de carnaval, seule , dans la rue et le froid pendant que les autres invités se tenaient bien au chaud à l’intérieur . Ils m’observaient par la fenêtre en rigolant comme des malades. Ils picolaient ferme à mon nez en trinquant de joie à ma santé.
Les salauds, j’ai pensé… Je les aurai…

J’avais pourtant tout fait pour plaire …
Eh bien non. Pistache alors !
C’est le terme utilisé dans ma famille où il est interdit de dire des gros mots comme celui , par exemple ,en 5 lettres qui commence par un « m » et se termine par un « e ».
« Pistache » leur ai-je donc crié à leur vitrine de voyeurs pourris. Je ne crois pas qu’ils m’ont entendue. La musique marchait à tue tête…
Ils chantaient « Stranger in the night ».J’avais envie de pleurer mais je ne l’ai pas fait , ils auraient été trop contents de me voir chialer comme un veau et les larmes versées n’auraient pas fait long feu sur mon visage frigorifié . Déjà que j’avais ma dose de froid, fallait pas en rajouter sous peine d’overdose. Faut jamais dépasser la dose prescrite .C’est le pharmacien qui me le dit chaque fois que je vais acheter mes médoc s pour calmer les esprits qui me démangent.

Enfin c’est pas tout çà, fallait que je me remue les fesses parce qu’ avec le gel des températures, ces dernières commençaient à ne plus vouloir à répondre à mes quatre volontés…
C’est alors que le pire est arrivé.
Une peau de banane traînait par hasard sur la chaussée.( je me demande encore ce qu’elle faisait là ,par terre, à cette heure du soir )Et c’est sur moi ou plutôt sous moi, sous mes pieds qu’elle s’est plantée.

Ce qui devait arriver arriva.
Et vlan j’ai glissé dessus et revlan je me suis retrouvée les quatre fers en l’air. Ni mon gros ventre ni mes nichons super dimensionnés n’ont pu amortir le choc causé par la chute.
Je me suis cassée la patte. Pistache alors !
Je n’en suis pas trop fâchée : j’ai peut-être ma jambe dans le plâtre mais je suis à la maison .J’ai peut-être une jambe dans le plâtre mais je suis dans mon salon , assise dans un bon fauteuil, devant la télé avec, à la main, un bon verre de vin chaud . Que rêvez de plus ? Et je regarde le carnaval de Rio.

Je constate qu’en matière de déguisements, il y en a vraiment pour tous les goûts, il y a même des gens dans le plus que simple appareil…
Mais ce qui m’interpelle le plus c’est que personne, je dis bien personne, n’a eu la même idée que moi !

Je suis vraiment unique et géniale !
… me suis-je chuchoté tout bas …

J'adore comment tu as placé le mot "pistache"

C'est rondement mené Charlotte ! Quelle bonne idée d'avoir pensé à conjuguer carnaval et bonhomme de neige ! Je me suis démenée pour utiliser le mot pistache de façon quelque peu originale mais chapeau bas   tu as fait tellement mieux que nous tous jusqu'à présent. 
Eh ! Finalement, il valait mieux que tu sois restée à l'extérieur...

Unique et génial sont aussi les deux mots qui conviennent à ce déguisement ! Bravo pour l'originalité !

Quel régal de te lire !!
Unique et génial !
J'adore !

Bien sûr, "unique et géniale Charlotte" ! J'ai bien ri 8
Et tes idées : le déguisement, puis l'interdiction d'entrée, la chute, le carnaval de Rio....
Ca bouillonne là-dedans !

Bien sûr que tu es unique et géniale, Charlotte. Encore un texte plein de malice !

Plein de malice comme le dit Escandalia, drole et imaginatif

Un scénario très original. Beaucoup aimé l'interdiction d'entrer chez la dame. C'est la clef de toute l'histoire et elle est souriante. Bien joué !

un texte très agréable à lire, plein de fantaisie, comme toujours chez toi, charlotte. un régal

Là, j'ai vraiment retrouvé ce que j'aime dans tes meilleurs textes, Charlotte : un ton joyeusement absurde. Cette fois, c'est particulièrement réussi : Une idée déjantée développée avec logique. Et toujours avec allégresse ( la femme la jambe cassée, mais contente) et émaillé de notations farfelues; ma préférée :c’était un vrai, de bonhomme de neige avec de la vraie neige bio de mon potager.

Et puis, il y a de la neige partout et sûrement mille occasions de se casser la figure, mais c'est sur une peau da banane qu'elle glisse. Faut le faire !
Bravo !

j'ai bien ri, très bien!!