Au printemps, je rêvais.
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Myriel
Amanda.
Admin
catsoniou
Escandélia
9 participants
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Au printemps, je rêvais.
Au printemps de quoi rêvais-tu?
Je rêvais d’un marin dur à la discipline, sur un grand cuirassé du nom de Potemkine.
Un marin au cœur qui se burine aux vents et aux marées. Un vent qui porte la raison qui n’est pas toujours du côté du plus fort.
Il portait la révolte sur les mers de ce monde avant de s’échouer sur une plage déserte où se regardaient deux enfants enlacés. Le soleil inondait leur visage pendant que les vagues éclaboussaient de leur souffle leurs cheveux emmêlés. Ils tremblaient devant le miraculeux voyage. Lorsque le vent s’est levé, une alouette dans le ciel est venue les frôler de ses ailes, annonçant des milliers de printemps aux senteurs du mois de mai, de cerisiers en fleurs et de brins de muguet éclos sur le pavé.
Au printemps, ils se mirent à rêver que la vie sera belle. Que le partage sera grand et que mille et un soleils éclaireront de leurs feux des milliers d’enfants noirs qui n’auront plus les yeux tristes, la faim, la misère et la peur disparus à jamais. Dans ce plus bel écho de lendemains qui chantent, ils se prendront par la main, pour imaginer un jour couleur d’orange un jour de feuillage au front, un jour comme un oiseau sur la plus haute branche.
Au printemps de quoi rêvais- tu ?
Je rêvais que l’amour pouvait durer toujours au creux d’un même lit sans les doigts du malheur posés sur notre peau. Sans la guerre qui emporte les fils arrachés à leur mère et qui creuse les tombeaux.
Je rêvais d’un bonheur simple où chaque heure du jour qui passe fait taire les canons, dissipant les brumes lointaines, offrant à chacun l’ivresse d’un bonheur retrouvé loin du grand fracas. Toujours prêt à ouvrir ses bras comme si c’était toujours la première fois.
Je rêvais de Lorca, de Desnos et de Maïakoski, enchantant nos dimanches. Debout la tête haute, en tête d’un immense cortège pour la paix, la liberté et la fraternité.
Je dansais à Cuba, le front dans le soleil, regardant au loin mes frères d’Amérique, les noirs de Harlem, les paysans du Mexique et les indiens sur leurs terres retrouvées dansant dans la poussière au son de la musique dans la nuit étoilée.
A santiago, Neruda n’avait plus peur. Le Chili longue terre où le vent frappe encore les étables s’éveillait d’un cauchemar immonde et célébrait Jara sur un air de guitare faisant danser les doigts sectionnés de l’artiste sur des cordes d’artifices à la lumière retrouvée d’un gout de liberté.
Au printemps de quoi rêvais-tu ?
Je rêvais de Ma France aux genêts de Bretagne. Aux senteurs de Provence. Ma France du journal qu’on vend un matin du dimanche sur la place où on colle une affiche qui chante la belle, la rebelle pour briser les murs d’un vieux monde en déliquescence et croquer l’amour comme une rouge pomme. Ma France qui chante si bien le nom des Camarades… Ma France de la Commune au rouge sang mêlé de tous ses ouvriers. Ma France de l’histoire de 36 à 68 chandelles.
Ma France de la mémoire d’Henri Martin couché sur les rails pour empêcher les trains en partance pour la mitraille, d’aller tuer là-bas, l’indépendance d’un peuple qui rêvait d’un vrai soleil levant. Pendant que D’Ormesson voyait un air de liberté flotter sur Saïgon.
Au printemps de quoi rêvais-tu?
Je rêvais d’une place au soleil où de pauvres vieux séchaient sous les tilleuls pendant que d’autres rêvaient d’un éternel printemps ininterrompu où Picasso faisait danser des colombes au bout de ses pinceaux en haut d’un olivier tout recouvert de feuilles.
Un rossignol chantait sur un air de musette tandis que les joueurs de boules faisaient une triplette. Revenant de la pêche, Félicien se pressait dans un coin de l’auberge, présentant son butin aux copains attablés devant un verre de pastis. Commençait une soirée arrosée de bon vin devant une friture toute fraiche.
Au printemps de quoi rêvais-tu?
Je rêvais que la nuit s’est éloignée du monde. Je rêvais qu’il est temps que le malheur succombe. Et pour un dernier saut au domaine des songes, je rêvais de Ferrat révolté dans sa tombe, nous chantant aujourd’hui, cette France profonde, qui n’est plus qu’hécatombe des piquants d’une rose jusqu’aux crocs d’une blonde.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: Au printemps, je rêvais.
Ode aux thèmes des chansons de Ferrat, toujours si présents et qui n'ont pas fini de susciter la réflexion.
Consigne difficile que, pour ma part, j'avoue ne savoir par quel bout la prendre... avec ou sans réflexion préalable. Et si on ne ne parvient à écrire une seule ligne, la relecture s'avère aléatoire (lol)
Sinon, beau texte avec une dernière phrase réaliste et néanmoins lourde d'inquiétudes pour un futur bien incertain.
Consigne difficile que, pour ma part, j'avoue ne savoir par quel bout la prendre... avec ou sans réflexion préalable. Et si on ne ne parvient à écrire une seule ligne, la relecture s'avère aléatoire (lol)
Sinon, beau texte avec une dernière phrase réaliste et néanmoins lourde d'inquiétudes pour un futur bien incertain.
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: Au printemps, je rêvais.
Délia, ton texte est magnifique et jean ferrat l''aurait certainement adoré
Je me suis demandé de quelle photo tu t'étais inspirée pour l'écrire? Je dirai celle des petits vieux moi.
Cats: merci ne ne pas insister sur cette fameuse relecture imposée , j'ai bien compris que vous étiez contre . L'expérience ne se renouvellera pas, personne n'aime tendre le bâton pour se faire battre !
Je me suis demandé de quelle photo tu t'étais inspirée pour l'écrire? Je dirai celle des petits vieux moi.
Cats: merci ne ne pas insister sur cette fameuse relecture imposée , j'ai bien compris que vous étiez contre . L'expérience ne se renouvellera pas, personne n'aime tendre le bâton pour se faire battre !
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: Au printemps, je rêvais.
C'est un très beau texte qui englobe, à mon avis, les trois photos ainsi que l'ensemble de l'oeuvre de Ferrat.
Je dirais une excellente leçon de Français, d'histoire, de politique aussi et d'humanité enfin !
Je dirais une excellente leçon de Français, d'histoire, de politique aussi et d'humanité enfin !
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: Au printemps, je rêvais.
Merci à vous 3 de vos coms.
Admin, je me suis inspirée de la première photo essentiellement. Le regard si profond de cette femme m'a particulièrement touché. J'y ai vu beaucoup de souffrance et d'amertume. J'ai pensé aux yeux d'Elsa. La condescendance de son compagnon m'a émue, j'ai pensé à Ferrat lui même et à sa promptitude à dénoncer l'inacceptable, avec cette magnifique conclusion d'un printemps ininterrompu. Mais comme le souligne Amanda on peut aussi retrouver un peu des autres deux clichés. En particulier au travers de 400 enfants noirs. Pour ne rien vous cacher, j'attendais cette consigne et j'ai été ravie de l'inaugurer. J'étais même impatiente.
Il est vrai que j'aurais pu joindre aussi la photo.
Cats, où trouver l'espoir désormais ? Je m'interroge beaucoup et ne le vois pas chez nous, en tout cas, pas tout de suite. Des jours bien sombres se profilent encore à l'horizon ! Bien que , n'y a -t-il pas un proverbe (Arabe, je crois) qui dit que c'est lorsque la nuit est la plus noire que l'aube est la plus proche ? Reste la question de savoir quand la nuit est la plus noire. Et puis en aparté, je suis sûre que tu vas trouver rapidement l'inspiration pour cette consigne. Ferrat ne peut pas ne pas t'envoyer de message, pas à toi !
Admin, je me suis inspirée de la première photo essentiellement. Le regard si profond de cette femme m'a particulièrement touché. J'y ai vu beaucoup de souffrance et d'amertume. J'ai pensé aux yeux d'Elsa. La condescendance de son compagnon m'a émue, j'ai pensé à Ferrat lui même et à sa promptitude à dénoncer l'inacceptable, avec cette magnifique conclusion d'un printemps ininterrompu. Mais comme le souligne Amanda on peut aussi retrouver un peu des autres deux clichés. En particulier au travers de 400 enfants noirs. Pour ne rien vous cacher, j'attendais cette consigne et j'ai été ravie de l'inaugurer. J'étais même impatiente.
Il est vrai que j'aurais pu joindre aussi la photo.
Cats, où trouver l'espoir désormais ? Je m'interroge beaucoup et ne le vois pas chez nous, en tout cas, pas tout de suite. Des jours bien sombres se profilent encore à l'horizon ! Bien que , n'y a -t-il pas un proverbe (Arabe, je crois) qui dit que c'est lorsque la nuit est la plus noire que l'aube est la plus proche ? Reste la question de savoir quand la nuit est la plus noire. Et puis en aparté, je suis sûre que tu vas trouver rapidement l'inspiration pour cette consigne. Ferrat ne peut pas ne pas t'envoyer de message, pas à toi !
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: Au printemps, je rêvais.
Et je rappelle ( comme je le dis dans mon livre : " Il pleut toujours plus fort sur ceux qui sont déjà mouillés"
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: Au printemps, je rêvais.
et bien c'est vrai, je l'ai constaté aussi !
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: Au printemps, je rêvais.
C'est Ferrat, c'est la France, c'est le monde,c'est l'espoir, c'est la révolte qui gronde pour supprimer les inégalités, c'est tres beau, c'est bien écrit, on se laisse porter par tes mots, tes images.
Juste envie de te dire merci pour ce texte, merci et encore merci
Juste envie de te dire merci pour ce texte, merci et encore merci
Myriel- Kaléïd'habitué
- Humeur : Girouette
Re: Au printemps, je rêvais.
Ferrat n'a malheureusement pas fait partie de mon éducation ni de ma culture et je ne me rends pas bien compte de la force que tes mots peuvent avoir.
Cependant, j'ai beaucoup aimé ton texte. Autant pour ces rêves - en forme de révolte et d'espoir - qui touchent en plein coeur l'histoire de l'humanité.
Il y a dans tes mots, à plusieurs passages, de jolies images que cela formerait une petite "proésie". Cela a mis en valeur la force de tes mots.
Et je rejoins Myriel. MERCI !
Cependant, j'ai beaucoup aimé ton texte. Autant pour ces rêves - en forme de révolte et d'espoir - qui touchent en plein coeur l'histoire de l'humanité.
Il y a dans tes mots, à plusieurs passages, de jolies images que cela formerait une petite "proésie". Cela a mis en valeur la force de tes mots.
Et je rejoins Myriel. MERCI !
July_C- Kaléïd'habitué
- Humeur : qui vagabonde
Re: Au printemps, je rêvais.
Merci à tous, vous m'enchantez !
Myriel, July, Ferrat a tant fait partie de ce que nous sommes et avec tellement de simplicité. De mes années jeunesse jusqu'à aujourd'hui, Ferrat c'est ma vie, et comme l'a dit un interprète occasionnel récemment, il faisait partie de la famille.
Nerwen, Charlotte, je suis également très sensible à vos mots. Merci.
Myriel, July, Ferrat a tant fait partie de ce que nous sommes et avec tellement de simplicité. De mes années jeunesse jusqu'à aujourd'hui, Ferrat c'est ma vie, et comme l'a dit un interprète occasionnel récemment, il faisait partie de la famille.
Nerwen, Charlotte, je suis également très sensible à vos mots. Merci.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: Au printemps, je rêvais.
Comme je te comprends Delia. Le jour où j'ai appris sa mort par la radio, j'ai pleuré, c'est la première fois que je pleure en apprenant la mort d'un artiste ( à part Coluche)
Sa personnalité, sa voix, sa poésie, sa colère et sa sensibilité me touchaient au coeur et nul autre que lui n'a su aussi bien chanter Aragon.
Et chaque fois que j'entends "que la montagne est belle" je me dis qu'il a mis en mots ce que je ressens lorsque je suis dans ma montagne à moi
Sa personnalité, sa voix, sa poésie, sa colère et sa sensibilité me touchaient au coeur et nul autre que lui n'a su aussi bien chanter Aragon.
Et chaque fois que j'entends "que la montagne est belle" je me dis qu'il a mis en mots ce que je ressens lorsque je suis dans ma montagne à moi
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: Au printemps, je rêvais.
Tout a été dit sur ce texte, je rajoute que j'ai beaucoup aimé ces rêves dans le contexte historique.
Bravo bravo Délia.
Bravo bravo Délia.
trainmusical- Occupe le terrain
- Humeur : à vous de juger :-)
Re: Au printemps, je rêvais.
Re merci Admin. Je me souviens :
Dans les semaines qui ont suivies la disparition de Ferrat, le weeck end de Paques, nous étions en Auvergne. A deux pas de chez une de mes soeurs, la petite commune de Saint Maurice es Allier organisa une expo intitulée : Jean des Sources, Jean des Encres. Quelle ne fut pas notre hâte de découvrir cette exposition, toute la famille ! Nous avons pu discuter avec des proches du chanteur, en toute simplicité, ma France au coeur, à jamais.
Train : merci d'être venu poser tes mots sur mon texte.
Pour ce texte, j 'ai pratiqué comme d'habitude, c'est à dire j'ai écrit, relu plusieurs fois, à voix haute, j'ai retouché, supprimé, rajouté, ajusté. Comme ce n'était pas l'heure de poster, j'ai patienté sans le retoucher, sans le relire puis impatiente je vous l'ai livré. Le thème m'inspirait beaucoup. Peut être que si cela n'avais pas été le cas, j'aurais fait différemment. Alors vos commentaires à tous, sont ma récompense et sincèrement, pour moi ils sont chose précieuse.
Dans les semaines qui ont suivies la disparition de Ferrat, le weeck end de Paques, nous étions en Auvergne. A deux pas de chez une de mes soeurs, la petite commune de Saint Maurice es Allier organisa une expo intitulée : Jean des Sources, Jean des Encres. Quelle ne fut pas notre hâte de découvrir cette exposition, toute la famille ! Nous avons pu discuter avec des proches du chanteur, en toute simplicité, ma France au coeur, à jamais.
Train : merci d'être venu poser tes mots sur mon texte.
Pour ce texte, j 'ai pratiqué comme d'habitude, c'est à dire j'ai écrit, relu plusieurs fois, à voix haute, j'ai retouché, supprimé, rajouté, ajusté. Comme ce n'était pas l'heure de poster, j'ai patienté sans le retoucher, sans le relire puis impatiente je vous l'ai livré. Le thème m'inspirait beaucoup. Peut être que si cela n'avais pas été le cas, j'aurais fait différemment. Alors vos commentaires à tous, sont ma récompense et sincèrement, pour moi ils sont chose précieuse.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
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