Mauvais présage !
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Mauvais présage !
Nerwen Mer 22 Avr - 18:23
Le miroir s’est brisé.
Soudain.
La Dame de Shylott a retenu un cri : inutile d’alerter les servantes qui n’avaient déjà que trop tendance à voir de l’irrationnel partout. « Mauvais présage ! » aurait dit la vieille Ermangarde qui possédait de vastes connaissances sur le sujet. Mais la vieille Ermangarde avait fait une mauvaise chute dans les escaliers, si raides et si mal éclairés, dont la treizième marche, instable et de guingois lui avait été fatale. Elle n’était plus là pour vaticiner à l’envie à la moindre manifestation inhabituelle. Et pourtant… N’avait-elle pas dit : « Malgré toutes vos manigances, Madame, vos philtres et vos sortilèges, vous n’empêcherez pas le fils du baron de venir réclamer son héritage… » Cela juste avant cette mauvaise chute qui lui avait couté la vie. Bon débarras, a pensé la Dame.
Elle s’est approchée de l’étroite fenêtre et, d’une main légère, a essuyé les fleurs de givre qui s’était formées sur les carreaux. Le froid, dehors, était si intense et les pièces du château si difficiles à chauffer, qu’il gelait même à l’intérieur ! Par l’espace dégagé, elle a constaté que la neige qui tombait en abondance depuis plusieurs jours, avait tout recouvert. Difficile d’accéder au château dans ces conditions. Le bel Amaury avait beau être dans son bon droit, ce n’est pas cela qui lui ouvrirait le chemin… Et d’ailleurs le bon droit n’aurait-il pas dû être de son côté à elle, après tout ce qu’elle avait supporté ? L’abandon d’une vie de plaisirs insouciants dans le domaine familial, un vieux mari, très riche mais très pingre, assez âgé pour être son père, la vie dans ce nid d’aigle dépourvu de tout le confort, l’ennui… L’ennui qui donne des idées…
La Dame s’est enveloppée dans une mante de petit-gris, puis elle est descendue dans la grande salle. Le baron, lui a lancé : « Vous êtes bien pâle, Madame, seriez-vous souffrante ?
Le froid, mon ami, le froid, a-elle répondu. Et puis, elle a ajouté : « Avez-vous des nouvelles de notre voyageur ?
—Aucune, ma mie, il se sera sans doute mis à l’abri pour la nuit et arrivera demain. »
Ni demain, ni jamais, a pensé la Dame. J’y ai veillé et si tout se déroule selon mes plans, le bel Amaury aura la neige pour tout linceul et les loups pour ultimes compagnons.
Pour la centième fois, elle a rejoué dans son esprit la scène qui devait se dérouler là-bas : Un jeune homme à cheval, pressé d’arriver au château, un homme en noir embusqué dans la forêt, l’éclair d’une lame, le bruit lourd de la chute d’un corps, le hennissement d’effroi d’un cheval lancé au galop et tout serait dit. Garlon n’avait pas son pareil au lancer du couteau. Efficace et discret. Assez exigeant aussi, mais les promesses ne coutent rien, surtout si quelques prémices sont accordées sur le solde à venir. Et les chutes dans l’escalier ne sont pas réservées aux vieilles folles encombrantes, même l’homme de main le plus adroit peut rater une marche s’il a ingurgité quelque breuvage dont elle a le secret.
La nuit était maintenant tombée, la Dame de Shylott a souhaité le bonsoir à son époux. « J’attends encore un peu, a dit le baron, et puis je vous rejoins… » La Dame, en frissonnant, mais était-ce seulement de froid, est remontée dans sa chambre.
Elle a dénoué ses cheveux et passé un vêtement de nuit, espérant qu’avec un peu de chance et quelques gouttes d’une certaine décoction adroitement administrée au cours du repas, le baron s’endormirait comme une masse et passerait la nuit au coin du feu.
Soudain des coups de heurtoirs ont violemment retenti, il y a eu des exclamations de surprise, des rires… Une servante est entrée dans la chambre avec un grand sourire : « Madame ! Madame ! Le fils de monsieur le baron est arrivé ! » « Sain et sauf ? a questionné la Dame » Mais elle n’a pas écouté la réponse. Trop de questions se bousculaient dans son esprit, Garlon avait-il manqué son coup ? Pire, l’avait-il trahie ? Il fallait qu’elle sache. Sans perdre un instant, enfilant sa robe d’intérieur fourrée, elle s’est élancée dans l’escalier. C’était sans compter sur la treizième marche, sur le miroir brisé et sur, peut-être, ces forces capricieuses qu’elle avait si souvent invoquées. La Dame a senti soudain sa cheville tourner et elle a dévalé tête la première, le reste de l’escalier.
Quand les servantes se sont précipitées à son secours, la dame de Shylott gisait, tout en bas, le col brisé.
Soudain.
La Dame de Shylott a retenu un cri : inutile d’alerter les servantes qui n’avaient déjà que trop tendance à voir de l’irrationnel partout. « Mauvais présage ! » aurait dit la vieille Ermangarde qui possédait de vastes connaissances sur le sujet. Mais la vieille Ermangarde avait fait une mauvaise chute dans les escaliers, si raides et si mal éclairés, dont la treizième marche, instable et de guingois lui avait été fatale. Elle n’était plus là pour vaticiner à l’envie à la moindre manifestation inhabituelle. Et pourtant… N’avait-elle pas dit : « Malgré toutes vos manigances, Madame, vos philtres et vos sortilèges, vous n’empêcherez pas le fils du baron de venir réclamer son héritage… » Cela juste avant cette mauvaise chute qui lui avait couté la vie. Bon débarras, a pensé la Dame.
Elle s’est approchée de l’étroite fenêtre et, d’une main légère, a essuyé les fleurs de givre qui s’était formées sur les carreaux. Le froid, dehors, était si intense et les pièces du château si difficiles à chauffer, qu’il gelait même à l’intérieur ! Par l’espace dégagé, elle a constaté que la neige qui tombait en abondance depuis plusieurs jours, avait tout recouvert. Difficile d’accéder au château dans ces conditions. Le bel Amaury avait beau être dans son bon droit, ce n’est pas cela qui lui ouvrirait le chemin… Et d’ailleurs le bon droit n’aurait-il pas dû être de son côté à elle, après tout ce qu’elle avait supporté ? L’abandon d’une vie de plaisirs insouciants dans le domaine familial, un vieux mari, très riche mais très pingre, assez âgé pour être son père, la vie dans ce nid d’aigle dépourvu de tout le confort, l’ennui… L’ennui qui donne des idées…
La Dame s’est enveloppée dans une mante de petit-gris, puis elle est descendue dans la grande salle. Le baron, lui a lancé : « Vous êtes bien pâle, Madame, seriez-vous souffrante ?
Le froid, mon ami, le froid, a-elle répondu. Et puis, elle a ajouté : « Avez-vous des nouvelles de notre voyageur ?
—Aucune, ma mie, il se sera sans doute mis à l’abri pour la nuit et arrivera demain. »
Ni demain, ni jamais, a pensé la Dame. J’y ai veillé et si tout se déroule selon mes plans, le bel Amaury aura la neige pour tout linceul et les loups pour ultimes compagnons.
Pour la centième fois, elle a rejoué dans son esprit la scène qui devait se dérouler là-bas : Un jeune homme à cheval, pressé d’arriver au château, un homme en noir embusqué dans la forêt, l’éclair d’une lame, le bruit lourd de la chute d’un corps, le hennissement d’effroi d’un cheval lancé au galop et tout serait dit. Garlon n’avait pas son pareil au lancer du couteau. Efficace et discret. Assez exigeant aussi, mais les promesses ne coutent rien, surtout si quelques prémices sont accordées sur le solde à venir. Et les chutes dans l’escalier ne sont pas réservées aux vieilles folles encombrantes, même l’homme de main le plus adroit peut rater une marche s’il a ingurgité quelque breuvage dont elle a le secret.
La nuit était maintenant tombée, la Dame de Shylott a souhaité le bonsoir à son époux. « J’attends encore un peu, a dit le baron, et puis je vous rejoins… » La Dame, en frissonnant, mais était-ce seulement de froid, est remontée dans sa chambre.
Elle a dénoué ses cheveux et passé un vêtement de nuit, espérant qu’avec un peu de chance et quelques gouttes d’une certaine décoction adroitement administrée au cours du repas, le baron s’endormirait comme une masse et passerait la nuit au coin du feu.
Soudain des coups de heurtoirs ont violemment retenti, il y a eu des exclamations de surprise, des rires… Une servante est entrée dans la chambre avec un grand sourire : « Madame ! Madame ! Le fils de monsieur le baron est arrivé ! » « Sain et sauf ? a questionné la Dame » Mais elle n’a pas écouté la réponse. Trop de questions se bousculaient dans son esprit, Garlon avait-il manqué son coup ? Pire, l’avait-il trahie ? Il fallait qu’elle sache. Sans perdre un instant, enfilant sa robe d’intérieur fourrée, elle s’est élancée dans l’escalier. C’était sans compter sur la treizième marche, sur le miroir brisé et sur, peut-être, ces forces capricieuses qu’elle avait si souvent invoquées. La Dame a senti soudain sa cheville tourner et elle a dévalé tête la première, le reste de l’escalier.
Quand les servantes se sont précipitées à son secours, la dame de Shylott gisait, tout en bas, le col brisé.
Nerwen- Modératrice
-
Humeur : Légère
Re: Mauvais présage !
Admin Mer 22 Avr - 18:38
Cette forme de texte te va à merveille Nerwen. Tout est parfaitement mis en place, l'histoire se déroule sans accroc, Et souvent quand tu écris, comme ici, on a envie de savoir ce qui s'est passé avant et ce qui va se passer après.
Pourquoi ne pas avoir mis Amaury dans son lit? Elle gagnait la fortune du baron et un nouvel époux jeune et beau
Le seul reproche que je te ferais, c'est d'avoir mis trop de "si" dans la première partie. (si mal, si intense, si difficile, si raide etc....)
Pourquoi ne pas avoir mis Amaury dans son lit? Elle gagnait la fortune du baron et un nouvel époux jeune et beau
Le seul reproche que je te ferais, c'est d'avoir mis trop de "si" dans la première partie. (si mal, si intense, si difficile, si raide etc....)
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: Mauvais présage !
Pati Mer 22 Avr - 18:38
j'adore 
tel est pris qui croyait prendre, bien fait pour la Dame ^^
une mention particulière pour "Elle n’était plus là pour vaticiner à l’envie", tout simplement un trait de génie
tel est pris qui croyait prendre, bien fait pour la Dame ^^
une mention particulière pour "Elle n’était plus là pour vaticiner à l’envie", tout simplement un trait de génie
Pati- Kaléïd'habitué
- Humeur : mouvante
Re: Mauvais présage !
Sherkane Mer 22 Avr - 23:38
Admin a écrit:Cette forme de texte te va à merveille Nerwen. Tout est parfaitement mis en place, l'histoire se déroule sans accroc, Et souvent quand tu écris, comme ici, on a envie de savoir ce qui s'est passé avant et ce qui va se passer après.
J'adhère totalement à ce que dit Cassy! Tu nous emmènes une fois encore dans ton livre de contes et d'histoires.
Sherkane- Kaléïd'habitué
- Humeur : ....
Re: Mauvais présage !
Myriel Jeu 23 Avr - 13:41
je sais meme pas si y en a assez de ces une histoire non pas merveilleuse mais merveilleusement ecrite, j'ai suivi cette dame dans ses pensée, dans l'escalier.
et j'adhere a l'idée d'Admin, hop la baronne dans le lit du jeune Amaury
Myriel- Kaléïd'habitué
- Humeur : Girouette
Re: Mauvais présage !
Nerwen Jeu 23 Avr - 17:09
Un grand merci pour vos commentaires. Je retiens l'idée de mettre le jeune Amaury dans le lit de la Dame, mais alors il va falloir se débarasser du vieux baron et ceci est une autre histoire...
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Re: Mauvais présage !
Amanda. Ven 24 Avr - 16:47
Génialement conté !
Tel est pris(e) qui croyait prendre...
En effet tu devrais réécrire l'histoire, trucider le vieux baron et faire réchauffer cette pauvre femme par le bel Amaury.
La suite, vite..;
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: Mauvais présage !
tobermory Sam 25 Avr - 18:04
Excellente histoire à partir du personnage de la Dame de Shalott et de son miroir. Une sorte de polar médiéval avec une méchante bien cynique. Très bien raconté, avec un vocabulaire riche. Je m’attendais à ce qu’on nous raconte comment le bel Amaury, par son astuce ou quelque aide surnaturelle avait échappé au couteau de Garlon, et non la mort imprévue de la Dame;aussi j’ai été surpris et c’est tant mieux. N’empêche que j’aimerais quand même bien savoir comment ça s’est passé dans la forêt ( plus précisément ,comment la prédiction de la vieille Ermangarde s’est accomplie.) Très bon texte en tous cas.
tobermory- Kaléïd'habitué
-
Humeur : Changeante
Re: Mauvais présage !
Nerwen Sam 25 Avr - 18:27
Rien ne t'échappe, je vois !
Amaury vient réclamer la part d'héritage qui lui revient de sa mère, décédée dans de bien étranges circonstances
avant le mariage du baron avec la Dame de Shylott.
A vous suivre tous, je tiens-là le thème d'un roman de 500 pages
Amaury vient réclamer la part d'héritage qui lui revient de sa mère, décédée dans de bien étranges circonstances
avant le mariage du baron avec la Dame de Shylott.A vous suivre tous, je tiens-là le thème d'un roman de 500 pages
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Re: Mauvais présage !
Amanda. Dim 26 Avr - 11:05
Il ne te reste plus qu'à t'y mettre. Allez, au boulot ! 
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: Mauvais présage !
Mesange Sam 2 Mai - 19:24
Je me joins aux compliments des commentatrices et -teurs!
Récit magnifiquement rédigé, une de tes façons d'écrire qui te vont le mieux. Toi aussi, tu as une imagination qui me fascine!
Récit magnifiquement rédigé, une de tes façons d'écrire qui te vont le mieux. Toi aussi, tu as une imagination qui me fascine!
Mesange- Kaléïd'habitué
- Humeur : en phase de reconcentration
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