Moi épouse de Monsieur Le Maire.

**trainmusical** Lun 11 Mai - 16:00

Moi épouse de Monsieur Le Maire.

Nom et prénom: De Lahaute Angèle,
Âge: 53 ans
Profession: épouse de Jean-Antoine De Lahaute, Maire d’Ombrac-Le-Duc
Milieu social: bourgeois
Ville: Ombrac-Le-Duc

Je suis toujours confinée dans notre grande demeure lors de votations, je n’ai pas accès à ce droit élémentaire, comme toutes les femmes de France.
Une fois le dépouillement terminé, mon très cher époux, Jean-Antoine, Maire d’Ombrac-Le-Duc, rentre avec quelques-uns de ses conseillers municipaux.
Les verres posés sur la table, mon conjoint débouche la première bouteille, c’est le moment que je choisis pour me retirer afin de les laisser bavarder sérieusement et avec passion des affaires de la commune.

Ces moments appartiennent au passé; aujourd'hui 29 avril, je vais accomplir ce droit citoyen et je ne resterais pas enfermée. Jean-Antoine, y est toujours allé seul, alors c'est à mon tour sans lui, il n'a qu'à se débrouiller. De toute façon il sera occupé, puisqu'il est pour la deuxième fois candidat maire et il sera certainement réélu.

Arrivées devant la mairie, je rencontre Marie, la bonne à tout faire de la Cure et décidons d’aller voter ensemble. D’un pas décidé, nous montons les marches et une fois la grande porte en chêne massif franchie, nous ressentons subitement une certaine émotion, nous réalisons que sommes enfin reconnues égales aux hommes.

Jean-Antoine est en grande discussion avec ses conseillers municipaux et Monsieur le Curé. Nous contournons ce groupe d’hommes. Je les observe de haut, Jean-Antoine ne semble pas s’en offusquer, il sait que je vote pour lui.

Marie me devance, timidement elle glisse son bulletin de vote dans la fente de l’urne. J’accomplis ensuite le même geste. Nous nous regardons sans piper mot, nos yeux rayonnent et sortons de la mairie… avec le sentiment du devoir accompli.

Avant de rentrer chacune de son côté, Marie et moi marquons une pause au Café de La Place, pour boire un thé.
Quelques misogynes installés au comptoir, buvant leur ballon de rouge, nous observent d’un œil frisant le mépris. Qu’importe, je suis une vraie citoyenne, Marie aussi.

***

Chères lectrices et chers lecteurs je vous glisse une confidence: je témoigne ma fierté auprès de Jean-Antoine qu’il va continuer à se faire appeler Monsieur le Maire. Toutefois dans le secret des urnes, j’ai voté pour Pierre, le cordonnier. Il côtoie les habitants, il nous connaît tous et en plus il a défendu bec et ongles le droit de vote des femmes, ainsi il mérite ma voix.

Tard dans la soirée, mon cher époux rentre avec une mine dépitée, teintée de colère: il n’a pas été réélu.
Pierre l’a évincé au premier tour…

Voulez-vous que je vous dise autre chose? Mais de grâce, c’est top confidentiel.
Je n’oublierai jamais ce 29 avril, ce fut un bonheur.
Mais Pierre, le nouveau «Monsieur Le Maire», fréquente depuis quelques temps en cachette une amante qui est mariée.
Devinez de qui il s'agit: c’est moi…