A. Virgul Enfin le retour
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Admin
Amanda.
virgul
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A. Virgul Enfin le retour
Enfin ! Des jours et des jours que j’attends ce moment. C’était ma première estive et, Dieu du ciel, on ne m’y reprendra plus. Qu’est-ce que j’ai hâte de redescendre, de quitter le coin et de retrouver le « monde ».
Au début, quel spectacle et quel bonheur ! Tout m’enchantait, l’immensité et la majesté du décor, la pureté de l’air et de la lumière, le calme, la présence tranquille du troupeau, l’agilité et l’intelligence vive de Galopin, mon chien et fidèle compagnon durant ces longues semaines. Même la rusticité de la cabane me réjouissait, l’odeur âcre du feu, la rugosité du bois et de la pierre, et ma lampe à pétrole qui fumait de rouspétance lorsque je lui tirais trop la mèche. Je me suis laissé pousser la barbe, et je puisais une certaine fierté à vivre dans l’inconfort, comme me laver à l’eau glacée de la source, fendre les bûches, tordre et pendre mon linge. Le Robinson des montagnes !
Les jours s’écoulaient, paisiblement. Le temps était beau et clair, invitant à la contemplation qui, à elle seule, suffisait à meubler les longues journées d’été.
Un soir, après trois semaines je crois, un petit incident a servi de révélateur. En déposant une bûche je me suis brûlé la main et, sous la douleur, j’ai hurlé un chapelet de jurons ! J’en ai véritablement été saisi. D’avoir si peu parlé, j’avais presque oublié ma voix !
Alors la solitude s’est insidieusement installée. Malgré ma volonté de la chasser, elle se rappelait sans cesse, jusqu’à transformer mon regard. Toute la beauté qui m’entourait, ne me suffisait plus, je la voyais encore, mais elle ne se distinguait plus. De l’indifférence et puis de la lassitude. L’état de suffisance s’est mué en manque. De contacts, de paroles, d’échanges.
Ensuite, les orages sont arrivés, et en montagne, comme sur la mer, ils peuvent être effrayants. Gonflée de colère, la nature fait alors démonstration de son énorme puissance devant laquelle elle nous rend minuscules, et j’ai eu peur. Vraiment peur. Et non, je n’ai pas apprécié le spectacle. Quel spectacle ? Demandez aux gardiens de phares s’ils apprécient les tempêtes, ou s’ils prient pour que le phare tienne ? La cabane craquait de partout, le vent hurlait, la pluie claquait sur la fenêtre comme pour la défoncer.
Lorsque le calme revenait, je serrais les dents, habité de rancune contre une nature versatile, qui pouvait changer d’humeur de manière aussi radicale que rapide. Et je ne lui faisais plus confiance. Elle pouvait encore me surprendre, sans crier gare, je m’en méfiais.
Les journées sont devenues longues, très longues, interminables.
Je râlais sur tout, cette p… de cabane, cette eau glaciale, même pas d’électricité, marre de manger cette bouffe de trappeur, et tous ces bestiaux qui ne pensent qu’à brouter. Seul Galopin trouvait encore grâce à mes yeux, oreilles dressées et tête penchée avec son regard de me demander ce qui n’allait pas chez moi. Je lui expliquais alors que j’aurais voulu voir des gens, discuter et partager un verre avec eux, lire un journal, regarder un journal télévisé ou un film, surfer sur internet, et … pousser sur un interrupteur.
Voilà à quoi je pensais lorsque j’ai refermé la porte de la cabane, et sans un regard en arrière, j’ai entamé la descente, vers la civilisation, vers ma vraie vie.
Au début, quel spectacle et quel bonheur ! Tout m’enchantait, l’immensité et la majesté du décor, la pureté de l’air et de la lumière, le calme, la présence tranquille du troupeau, l’agilité et l’intelligence vive de Galopin, mon chien et fidèle compagnon durant ces longues semaines. Même la rusticité de la cabane me réjouissait, l’odeur âcre du feu, la rugosité du bois et de la pierre, et ma lampe à pétrole qui fumait de rouspétance lorsque je lui tirais trop la mèche. Je me suis laissé pousser la barbe, et je puisais une certaine fierté à vivre dans l’inconfort, comme me laver à l’eau glacée de la source, fendre les bûches, tordre et pendre mon linge. Le Robinson des montagnes !
Les jours s’écoulaient, paisiblement. Le temps était beau et clair, invitant à la contemplation qui, à elle seule, suffisait à meubler les longues journées d’été.
Un soir, après trois semaines je crois, un petit incident a servi de révélateur. En déposant une bûche je me suis brûlé la main et, sous la douleur, j’ai hurlé un chapelet de jurons ! J’en ai véritablement été saisi. D’avoir si peu parlé, j’avais presque oublié ma voix !
Alors la solitude s’est insidieusement installée. Malgré ma volonté de la chasser, elle se rappelait sans cesse, jusqu’à transformer mon regard. Toute la beauté qui m’entourait, ne me suffisait plus, je la voyais encore, mais elle ne se distinguait plus. De l’indifférence et puis de la lassitude. L’état de suffisance s’est mué en manque. De contacts, de paroles, d’échanges.
Ensuite, les orages sont arrivés, et en montagne, comme sur la mer, ils peuvent être effrayants. Gonflée de colère, la nature fait alors démonstration de son énorme puissance devant laquelle elle nous rend minuscules, et j’ai eu peur. Vraiment peur. Et non, je n’ai pas apprécié le spectacle. Quel spectacle ? Demandez aux gardiens de phares s’ils apprécient les tempêtes, ou s’ils prient pour que le phare tienne ? La cabane craquait de partout, le vent hurlait, la pluie claquait sur la fenêtre comme pour la défoncer.
Lorsque le calme revenait, je serrais les dents, habité de rancune contre une nature versatile, qui pouvait changer d’humeur de manière aussi radicale que rapide. Et je ne lui faisais plus confiance. Elle pouvait encore me surprendre, sans crier gare, je m’en méfiais.
Les journées sont devenues longues, très longues, interminables.
Je râlais sur tout, cette p… de cabane, cette eau glaciale, même pas d’électricité, marre de manger cette bouffe de trappeur, et tous ces bestiaux qui ne pensent qu’à brouter. Seul Galopin trouvait encore grâce à mes yeux, oreilles dressées et tête penchée avec son regard de me demander ce qui n’allait pas chez moi. Je lui expliquais alors que j’aurais voulu voir des gens, discuter et partager un verre avec eux, lire un journal, regarder un journal télévisé ou un film, surfer sur internet, et … pousser sur un interrupteur.
Voilà à quoi je pensais lorsque j’ai refermé la porte de la cabane, et sans un regard en arrière, j’ai entamé la descente, vers la civilisation, vers ma vraie vie.
virgul- Kaléïd'habitué
- Humeur : optimiste
Re: A. Virgul Enfin le retour
Ah, Virgul, merci pour cette autre vision du métier de berger. Avec toi tout n'est pas tout rose, on redescend les pieds sur terre.
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: A. Virgul Enfin le retour
Encore un qui ne peut pas se passer du monde et de sa modernité ! L'avait qu'à réfléchir au lieu de se lancer à l'aveuglette dans une aventure pas faite pour lui.
Bien vu Virgul ce côté inattendu de la vie d'un berger (?) à l'estive.
Bien vu Virgul ce côté inattendu de la vie d'un berger (?) à l'estive.
Invité- Invité
Re: A. Virgul Enfin le retour
Il n'a sans doute pas bien compris ce qu'était la vie de berger ton bonhomme (soit-dit en passant, les bergers n'ont pas le temps de trouver les journées longues et ennuyeuses car il y a beaucoup de travail à faire, contrairement à ce qu'on peut penser)
J'ai comme l'impression qu'il va changer de métier
J'ai comme l'impression qu'il va changer de métier
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: A. Virgul Enfin le retour
L'envers du décor pour un berger d'opérette, ou comment la réalité se charge de lui remettre les pieds sur terre! Tout n'est pas rose à l'estive et tu le décris avec force détails qui nous feraient presque plaindre ce doux rêveur.
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Re: A. Virgul Enfin le retour
Je parlais de sacerdoce à propos du berger d'Yvanne, mais le tien va se défroquer. C'est plus l'estive, c'est l'esquive. Un texte original, car le seul dans lequel on voit un personnage qui s'est fourvoyé dans le métier. Il fait un peu figure d'hurluberlu qui n'a guère dû réfléchir avant de se lancer là dedans, mais tu décris bien sa brusque prise de consciences et ses angoisses.
Dernière édition par tobermory le Dim 27 Sep - 16:54, édité 1 fois
tobermory- Kaléïd'habitué
- Humeur : Changeante
Re: A. Virgul Enfin le retour
Tober a écrit:Il fait un peu figure d'hurluberlu
Nerwen a écrit: un berger d'opérette,
Admin a écrit:Il n'a sans doute pas bien compris ce qu'était la vie de berger ton bonhomme
Il devait tourner une scène pour une série de TF1 celui là !
Ceci dit, cela n'enlève rien à la qualité de ton texte qui dépeint très bien le contraste avec la vie moderne et les contrainte de l'estive.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A. Virgul Enfin le retour
Texte super bien construit, atmosphère se faisant plus lourde de paragraphe en paragraphe jusqu'à la jubilation finale, la délivrance! J'ai bien aimé ton angle de vue tout à fait original.
Mesange- Kaléïd'habitué
- Humeur : en phase de reconcentration
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