La maraude
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Charlotte
plumentete
Kz
7 participants
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La maraude
Il suffit de passer le pont, c’est tout de suite l’aventure. Le pont traverse les voies de la gare de marchandise puis descend pour rejoindre le hall de la gare des voyageurs.
Au bout du couloir, deux tableaux accrochés au mur, sous les écrans, qui jurent avec l’élégance de la voûte de grès rouge. Sur les quais, les feux rouges, rassurants. A cette heure-ci, la gare est vide, et les néons blafards ne portent pas à l’euphorie. Seuls, les rails luisent de bonheur. Ils aiment le contact appuyé.
Le couloir vers le hall d’arrivée brille de tous ses feux. Les bureaux commerciaux des loueurs de voiture illuminent de leurs couleurs crues la solitude silencieuse de la nuit. La salle d’attente est déserte ; au mur le tableau des trains au départ, vide, désespérément vide.
Sur la place de la gare, les façades illuminées des hôtels, les enseignes sur les toits et les lampadaires puissants, donnent une certaine pâleur à la grand place. Le lieu est hostile, du moins pour ceux qui ont peur !
J’aime la nuit des rôdeurs, celle qui scrute le monde endormi, à l’affût de sa proie. Ce soir, je pars en maraude, je vais chasser. Cette nuit, j’ai décidé que tout m’était égal. Il va falloir parler en noir et blanc.
Je prends la rue Déserte – elle porte bien son nom, celle-là – une rue vieillotte, aux portes étroites, riche de gouttières épuisées. La boutique du « Bric à Brac » - un soldeur de fringues à bon marché - est allumée. Un néon clignote. Et là, tout à coup, au milieu de la chaussée, un homme allongé, la face contre terre, inerte et bleu. Je le reconnais tout de suite, Chabal, c’était son surnom pour ceux de la rue, tellement il lui ressemblait : grand, carré, les cheveux longs, un visage ingrat. En fait, son vrai nom, c’était Paulo.
Paulo, sous son visage affublé de cicatrices, a le teint blafard des fumeurs impénitents. A l’époque, il habitait au bout de la digue, derrière le port à conteneurs, là où la darse rejoint le fleuve.
Ses yeux sont encore ouverts. Sa veste en jean est luisante de crasse. Tout près de lui, la bouteille de rouge, vide, forcément vide. Dans le coin, à côté du rideau de fer de l’épicerie de Mohamed, son sac Tati et son duvet, posés sur le carton. Il porte son caleçon à fleur sur ses jambes nues de diabétique. On dirait un lépreux. Toujours est-il qu’il est mort Paulo ! Raide mort !
Je lui ferme les yeux, j’appelle la Police et j’allume une cigarette en m’asseyant sur le bord du trottoir. La maraude est terminée pour ce soir. Avec le passage au poste, l’attente, les interrogatoires, j’en ai jusqu’à l’aube.
Je le sais, je fais un coupable idéal !
Au bout du couloir, deux tableaux accrochés au mur, sous les écrans, qui jurent avec l’élégance de la voûte de grès rouge. Sur les quais, les feux rouges, rassurants. A cette heure-ci, la gare est vide, et les néons blafards ne portent pas à l’euphorie. Seuls, les rails luisent de bonheur. Ils aiment le contact appuyé.
Le couloir vers le hall d’arrivée brille de tous ses feux. Les bureaux commerciaux des loueurs de voiture illuminent de leurs couleurs crues la solitude silencieuse de la nuit. La salle d’attente est déserte ; au mur le tableau des trains au départ, vide, désespérément vide.
Sur la place de la gare, les façades illuminées des hôtels, les enseignes sur les toits et les lampadaires puissants, donnent une certaine pâleur à la grand place. Le lieu est hostile, du moins pour ceux qui ont peur !
J’aime la nuit des rôdeurs, celle qui scrute le monde endormi, à l’affût de sa proie. Ce soir, je pars en maraude, je vais chasser. Cette nuit, j’ai décidé que tout m’était égal. Il va falloir parler en noir et blanc.
Je prends la rue Déserte – elle porte bien son nom, celle-là – une rue vieillotte, aux portes étroites, riche de gouttières épuisées. La boutique du « Bric à Brac » - un soldeur de fringues à bon marché - est allumée. Un néon clignote. Et là, tout à coup, au milieu de la chaussée, un homme allongé, la face contre terre, inerte et bleu. Je le reconnais tout de suite, Chabal, c’était son surnom pour ceux de la rue, tellement il lui ressemblait : grand, carré, les cheveux longs, un visage ingrat. En fait, son vrai nom, c’était Paulo.
Paulo, sous son visage affublé de cicatrices, a le teint blafard des fumeurs impénitents. A l’époque, il habitait au bout de la digue, derrière le port à conteneurs, là où la darse rejoint le fleuve.
Ses yeux sont encore ouverts. Sa veste en jean est luisante de crasse. Tout près de lui, la bouteille de rouge, vide, forcément vide. Dans le coin, à côté du rideau de fer de l’épicerie de Mohamed, son sac Tati et son duvet, posés sur le carton. Il porte son caleçon à fleur sur ses jambes nues de diabétique. On dirait un lépreux. Toujours est-il qu’il est mort Paulo ! Raide mort !
Je lui ferme les yeux, j’appelle la Police et j’allume une cigarette en m’asseyant sur le bord du trottoir. La maraude est terminée pour ce soir. Avec le passage au poste, l’attente, les interrogatoires, j’en ai jusqu’à l’aube.
Je le sais, je fais un coupable idéal !
Kz- Kaléïd'habitué
- Humeur : bonne
Re: La maraude
Un texte qui décrit magistralement une certaine réalité et qui ferait un excellent point de départ pour un roman policier...
plumentete- Kaléïd'habitué
- Humeur : heureuse attentive
Re: La maraude
Moi aussi je suis complètement captivée par ce thriller... Tu ferais, avec ton regard pointu et froid, un bon commissaire de police.
Charlotte- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: La maraude
Une plongée inquiétante dans cette "nuit des rôdeurs" que tu dépeins avec un superbe réalisme.
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Re: La maraude
Une histoire sombre, parfaitement écrite.
Malgré tout, j'aurais aimé que le fameux pont ait plus d'importance dans ton texte.
Au final, il n’apporte rien à ton récit qui se suffit à lui même sans l'incipit ni l'évocation du pont.
Reste que le décor est extrêmement bien planté, avec force détails.
J'aime particulièrement cette phrase:
Malgré tout, j'aurais aimé que le fameux pont ait plus d'importance dans ton texte.
Au final, il n’apporte rien à ton récit qui se suffit à lui même sans l'incipit ni l'évocation du pont.
Reste que le décor est extrêmement bien planté, avec force détails.
J'aime particulièrement cette phrase:
Kz a écrit:Ce soir, je pars en maraude, je vais chasser. Cette nuit, j’ai décidé que tout m’était égal. Il va falloir parler en noir et blanc.
Cassy- Admin
- Humeur : Déterminée
Re: La maraude
Je me joins aux autres pour te féliciter, en particulier pour l'atmosphère que tu as su insuffler à ton texte. C'est vrai qu'on le verrait bien figurer en début d'une histoire plus longue !
J'ai aussi particulièrement aimé ta description de la gare et cette expression : "Seuls, les rails luisent de bonheur."
D'autant plus étonnant de trouver ce terme de bonheur étant donné l'atmosphère sombre du reste du texte...Mais il n'est là (le bonheur) que pour des rails ! Donc, cela accentue bien l'effet !
Bref, vraiment
J'ai aussi particulièrement aimé ta description de la gare et cette expression : "Seuls, les rails luisent de bonheur."
D'autant plus étonnant de trouver ce terme de bonheur étant donné l'atmosphère sombre du reste du texte...Mais il n'est là (le bonheur) que pour des rails ! Donc, cela accentue bien l'effet !
Bref, vraiment
Sel.- Kaléïd'habitué
- Humeur : Entre bleu clair et bleu foncé
Re: La maraude
Sel. a écrit:Je me joins aux autres pour te féliciter, en particulier pour l'atmosphère que tu as su insuffler à ton texte. C'est vrai qu'on le verrait bien figurer en début d'une histoire plus longue !
J'ai aussi particulièrement aimé ta description de la gare et cette expression : "Seuls, les rails luisent de bonheur."
D'autant plus étonnant de trouver ce terme de bonheur étant donné l'atmosphère sombre du reste du texte...Mais il n'est là (le bonheur) que pour des rails ! Donc, cela accentue bien l'effet !
(mais tu peux être sûr que j'y penserai la prochaine fois que je verrai des rails !)
Bref, vraiment
Sel.- Kaléïd'habitué
- Humeur : Entre bleu clair et bleu foncé
Re: La maraude
Oups, il semblerait que j'ai fait "citer" au lieu d'"'éditer"...Pardon. Admin, si tu peux supprimer ce post et le précédent ? Merci.
Sel.- Kaléïd'habitué
- Humeur : Entre bleu clair et bleu foncé
Re: La maraude
Je trouve ton titre très bien choisi : en fait, ton texte y est condensé.
On suit ton personnage pas à pas dans sa quête d'aventure et aventure qui semble à première vue dangereuse puisqu'il "part en chasse".
Tu décris fort bien son cheminement jusqu'au pont qui arrive en fin pour plaquer le décor. On voit très bien que l'aventure commence là avec la découverte du clochard.
Question : ton personnage est-il un dangereux prédateur ou bien une bonne âme en quête de malheureux à secourir ? Tu n'es pas obligé de répondre KZ ! A nous d'imaginer, je crois que c'est voulu .
On suit ton personnage pas à pas dans sa quête d'aventure et aventure qui semble à première vue dangereuse puisqu'il "part en chasse".
Tu décris fort bien son cheminement jusqu'au pont qui arrive en fin pour plaquer le décor. On voit très bien que l'aventure commence là avec la découverte du clochard.
Question : ton personnage est-il un dangereux prédateur ou bien une bonne âme en quête de malheureux à secourir ? Tu n'es pas obligé de répondre KZ ! A nous d'imaginer, je crois que c'est voulu .
Invité- Invité
Re: La maraude
La nuit, la solitude, les lumières crues, et un personnage énigmatique : une très bonne atmosphère de polar
Seuls, les rails luisent de bonheur. Ils aiment le contact appuyé. : j’ai vu ça comme une notation désabusée, un humour de dérision.
Seuls, les rails luisent de bonheur. Ils aiment le contact appuyé. : j’ai vu ça comme une notation désabusée, un humour de dérision.
tobermory- Kaléïd'habitué
- Humeur : Changeante
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