A. Le vieux marin
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A. Le vieux marin
Le Petit Poucet n’avait pas tort en affirmant, « mieux vaut être petit et malin que grand, fort et stupide ! ». Je suis le vivant exemple de cette maxime.
Petit, vieux et rondouillard, tel que vous me voyez là, je ne l’ai pas toujours été ! Enfin, pour ce qui est de la taille, je n’ai pas beaucoup changé, mais pour le reste, quand commence mon histoire, je me qualifierais de jeune, chétif et malingre.
« Nous allons en faire un marin, a dit mon père ! Ça l’endurcira ! » Et aussitôt dit, aussitôt fait, j’ai été embarqué, en qualité de mousse, à bord de la Marie-Georgette, en partance pour la Barbade.
Tout ce qu’on vous a raconté sur les sévices subis par le mousse à bord des bateaux de Sa Gracieuse Majesté peut vous sembler relever du folklore, mais moi, je vous dis que ces récits, pour horribles qu’ils soient, sont encore bien en dessous de la réalité… Bref, pour ce qui est de l’endurcissement, ça marchait !
Au terme du voyage, côté caractère, j’étais passé de l’état de fiente de goéland, à celui de l’acier le mieux trempé, et je ne m’en laissais plus conter !
La Barbade, grâce à ses plantations de canne à sucre, était le cadre d’un commerce florissant, et des bateaux, venus de tous les ports européens, croisaient dans ses eaux. Hélas, y croisaient aussi toutes les racailles de la mer des Antilles, à l’affût d’un gain facile et souvent malhonnêtement acquis.
Avant d’accoster dans le port de Town of Saint Michael, nous fîmes escale dans une petite crique de la côte ouest afin de réparer quelques avaries causées par les Alysée qui soufflent fort dans ces régions.
L’endroit me plut beaucoup et je décidais d’y rester. En une matinée, grâce à quelque menue monnaie, je réussis à me faire un ami parmi les villageois, un Caraïbe, dont j’ai du mal à croire qu’il fut le descendant de ces cruels guerriers qui avaient mangé un équipage français en 1596.
Quelques heures avant le départ, il m’aida à me cacher dans la mangrove et, de loin, je vis la Marie-Georgette, prendre la mer et s’éloigner sur les flots… Je jubilais intérieurement en pensant au capitaine qui avait perdu à la fois un mousse efficace et un souffre-douleur.
Ma satisfaction fut de courte durée quand j’appris, de la bouche de mon ami Caraïbe, que la région était mise en coupe réglée par un individu sans scrupules, le Capitaine Eymet, plus connu ici sous le nom de Tronche-en-Biais, suite à un méchant coup de sabre reçu au cours d’une dispute qui avait mal tourné.
Il ne me fallut que quelques jours pour, qu’à force de flagornerie et de soumission, je devins le bras droit de ce forban. Il vaut toujours mieux se placer auprès des puissants que des subalternes et j’avais été à bonne école sur la Marie-Georgette. Ne me jugez pas mal, car ce-faisant, j’avais une idée derrière la tête. Les villageois qui subissaient ses exactions, m’étaient devenus sympathiques et si j’envisageais de m’établir ici, il n’était pas question de rester sous la férule de Tronche-en Biais.
Un soir de beuverie— qui dit canne à sucre, dit rhum, et celui-ci ne manquait pas à la taverne — je profitai du coma éthylique dans lequel le Capitaine Eymet avait rapidement plongé, pour lui couper proprement la gorge.
Je fus fêté comme un héros par les Caraïbes en délire et traité comme un roi dans le village, désormais pacifié.
C’est là que j’ai vécu le reste de mon existence, vieillissant et m’arrondissant au soleil, entre sable blanc et rochers noirs, dans «l'air parfumé de l'île, cet air qui sentait le poivre et le bois de cèdre» comme l’écrira plus tard Rafael Sabatini, dans un de ses romans sur la piraterie.
Je fais, maintenant, partie de la légende locale. Elle s’est emparée de mon image, sous la forme de statuettes reproduites à des centaines d’exemplaires, comme celle que vous avez sous les yeux.
Petit, vieux et rondouillard, tel que vous me voyez là, je ne l’ai pas toujours été ! Enfin, pour ce qui est de la taille, je n’ai pas beaucoup changé, mais pour le reste, quand commence mon histoire, je me qualifierais de jeune, chétif et malingre.
« Nous allons en faire un marin, a dit mon père ! Ça l’endurcira ! » Et aussitôt dit, aussitôt fait, j’ai été embarqué, en qualité de mousse, à bord de la Marie-Georgette, en partance pour la Barbade.
Tout ce qu’on vous a raconté sur les sévices subis par le mousse à bord des bateaux de Sa Gracieuse Majesté peut vous sembler relever du folklore, mais moi, je vous dis que ces récits, pour horribles qu’ils soient, sont encore bien en dessous de la réalité… Bref, pour ce qui est de l’endurcissement, ça marchait !
Au terme du voyage, côté caractère, j’étais passé de l’état de fiente de goéland, à celui de l’acier le mieux trempé, et je ne m’en laissais plus conter !
La Barbade, grâce à ses plantations de canne à sucre, était le cadre d’un commerce florissant, et des bateaux, venus de tous les ports européens, croisaient dans ses eaux. Hélas, y croisaient aussi toutes les racailles de la mer des Antilles, à l’affût d’un gain facile et souvent malhonnêtement acquis.
Avant d’accoster dans le port de Town of Saint Michael, nous fîmes escale dans une petite crique de la côte ouest afin de réparer quelques avaries causées par les Alysée qui soufflent fort dans ces régions.
L’endroit me plut beaucoup et je décidais d’y rester. En une matinée, grâce à quelque menue monnaie, je réussis à me faire un ami parmi les villageois, un Caraïbe, dont j’ai du mal à croire qu’il fut le descendant de ces cruels guerriers qui avaient mangé un équipage français en 1596.
Quelques heures avant le départ, il m’aida à me cacher dans la mangrove et, de loin, je vis la Marie-Georgette, prendre la mer et s’éloigner sur les flots… Je jubilais intérieurement en pensant au capitaine qui avait perdu à la fois un mousse efficace et un souffre-douleur.
Ma satisfaction fut de courte durée quand j’appris, de la bouche de mon ami Caraïbe, que la région était mise en coupe réglée par un individu sans scrupules, le Capitaine Eymet, plus connu ici sous le nom de Tronche-en-Biais, suite à un méchant coup de sabre reçu au cours d’une dispute qui avait mal tourné.
Il ne me fallut que quelques jours pour, qu’à force de flagornerie et de soumission, je devins le bras droit de ce forban. Il vaut toujours mieux se placer auprès des puissants que des subalternes et j’avais été à bonne école sur la Marie-Georgette. Ne me jugez pas mal, car ce-faisant, j’avais une idée derrière la tête. Les villageois qui subissaient ses exactions, m’étaient devenus sympathiques et si j’envisageais de m’établir ici, il n’était pas question de rester sous la férule de Tronche-en Biais.
Un soir de beuverie— qui dit canne à sucre, dit rhum, et celui-ci ne manquait pas à la taverne — je profitai du coma éthylique dans lequel le Capitaine Eymet avait rapidement plongé, pour lui couper proprement la gorge.
Je fus fêté comme un héros par les Caraïbes en délire et traité comme un roi dans le village, désormais pacifié.
C’est là que j’ai vécu le reste de mon existence, vieillissant et m’arrondissant au soleil, entre sable blanc et rochers noirs, dans «l'air parfumé de l'île, cet air qui sentait le poivre et le bois de cèdre» comme l’écrira plus tard Rafael Sabatini, dans un de ses romans sur la piraterie.
Je fais, maintenant, partie de la légende locale. Elle s’est emparée de mon image, sous la forme de statuettes reproduites à des centaines d’exemplaires, comme celle que vous avez sous les yeux.
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Re: A. Le vieux marin
Ah non alors, ma statuette est unique ! Au prix où je l'ai payée !
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: A. Le vieux marin
C'est un destin hors du commun que celui de ce mousse. Rusé et malin. Une histoire de pirate captivante.Un joli moment de lecture.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A. Le vieux marin
Quelle aventure bien racontée.
Dernière édition par Charlotte le Lun 30 Mai - 10:23, édité 1 fois
Charlotte- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A. Le vieux marin
On reconnait ici chez l'auteure une connaissance approfondie des moeurs en vigueur chez les corsaires.
Ce qui me convient à observer à une certaine prudence au cas où elle m'inviterait à goûter son rhum : mourir égorgé ne me chaut guère
Ce qui me convient à observer à une certaine prudence au cas où elle m'inviterait à goûter son rhum : mourir égorgé ne me chaut guère
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: A. Le vieux marin
Ton histoire est complète , comme toujours tres bien écrite
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: A. Le vieux marin
Ce n'est point imbibée que tu as pu nous écrire si réaliste histoire.
J'ai beaucoup le surnom du capitaine
Cara1234- Kaléïd'habitué
- Humeur : Badine
Re: A. Le vieux marin
Tu nous plonges dans l'histoire des marins d'antan et des pirates. Un agréable moment de lecture.
Sherkane- Kaléïd'habitué
- Humeur : ....
Re: A. Le vieux marin
Une belle tranche d'aventure maritime ! Les personnages sont tellement vivants que je me suis demandé s'ils n'avaient pas réellement existé.
tobermory- Kaléïd'habitué
- Humeur : Changeante
Re: A. Le vieux marin
Barbade, pirates, Caraîbes, mangrove, les conditions de vie du mousse à l'époque, tout cela me semble bien documenté pour planter le décor d'une histoire fichtrement bien racontée. J'ai beaucoup aimé.
virgul- Kaléïd'habitué
- Humeur : optimiste
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