A. Mauvais baiser
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Escandélia
Myrte
AlainX
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A. Mauvais baiser
Mauvais baiser
Je l'ai reconnu tout de suite. Enfin presque… il m'aura quand même fallu quelques instants pour réaliser vraiment ce que j'avais sous les yeux. C'était tellement inattendu, pour ne pas dire incroyable. À mon âge, on a vécu bien des choses, on pense toujours que rien de bien nouveau ne peut nous arriver. Et cependant. J'ai failli en chanceler sur ma canne. L'émotion est montée du fond de moi-même, s’en est suivi une sorte d'angoisse qui me prit dans toute la poitrine.
Ainsi donc il avait osé. Je n'en croyais pas mes yeux. Mon mari aussi semblait troublé. J'ai cru qu'il allait lâcher le panier des commissions, alors que justement nous venions d'acheter deux bonnes bouteilles de vins fins qui valaient leur prix et c'était pas le moment de les faire exploser sur le pavé.
Il a dit :
— c'est incroyable, non ? On dirait des vrais. Il y a quand même des gens qui savent faire des trompe-l'œil bluffant. Et puis ça nous rappelle nos années de jeunesse, tu ne trouves pas ?
J'ai bafouillé quelque chose. Je ne sais plus quoi exactement. Donc il s'extasiait sur la réussite artistique. Heureusement, semblait-il, il n'avait rien reconnu d'autre. Pas comme moi.
Ainsi donc il avait osé. Après tant d'années. Venir ainsi nous narguer, sans même nous rendre visite. C'était totalement indécent. Honteux. Ignoble même. Qu'est-ce qu'on avait donc fait pour qu'il agisse ainsi à notre égard : nous, ses parents !
C'est vrai, nous l'avions mis à la porte par ce que ce petit monsieur sorti par hasard de mon ventre, par erreur, avait prétendu qu'il avait « un talent artistique », alors que nous le destination à des hautes études pour reprendre l'usine de mon père et continuer à amasser la fortune familiale. Il en était ainsi chez nous depuis quatre générations. C'est pas ce petit con qui allait se mettre à délirer avec des barbouillages qu'il avait la prétention d'appeler de l'art.
Je le détestais. Mais comme il arrive souvent, j'étais une mère ambiguë. En même temps je l'adorais. C'était quand même mon fils. Même si j'avais dû épouser son père pour réparer la grossesse qu'il m'avait flanquée un soir de 14 juillet.
Et donc voilà, il est revenu nous narguer au coin de cette rue de notre petite ville. Il nous a peint sur le mur, à l'angle de cette rue. C'est bien lui. Mon fils qui embrasse. Qui m'embrase, moi, dans un raccourci une contraction des années. Et cette autre femme qui le tire par la main sur l'autre rue. Qui veut l'entraîner ailleurs. Qu'a-t-il pu lui raconter de son géniteur et de moi ? Des choses pas bien belles sûrement puisqu'elle désire l'emporter loin de nous et surtout loin de moi qui est pourtant sa mère. La petite garce, elle lui a fait tournebouler la cervelle.
Je me fais vieille. Le reverrai-je un jour ? Je ne sais plus rien de lui depuis tant d'années.
Mon cancer des os a métastasé partout.
Fils reviens !
Ainsi donc il avait osé. Je n'en croyais pas mes yeux. Mon mari aussi semblait troublé. J'ai cru qu'il allait lâcher le panier des commissions, alors que justement nous venions d'acheter deux bonnes bouteilles de vins fins qui valaient leur prix et c'était pas le moment de les faire exploser sur le pavé.
Il a dit :
— c'est incroyable, non ? On dirait des vrais. Il y a quand même des gens qui savent faire des trompe-l'œil bluffant. Et puis ça nous rappelle nos années de jeunesse, tu ne trouves pas ?
J'ai bafouillé quelque chose. Je ne sais plus quoi exactement. Donc il s'extasiait sur la réussite artistique. Heureusement, semblait-il, il n'avait rien reconnu d'autre. Pas comme moi.
Ainsi donc il avait osé. Après tant d'années. Venir ainsi nous narguer, sans même nous rendre visite. C'était totalement indécent. Honteux. Ignoble même. Qu'est-ce qu'on avait donc fait pour qu'il agisse ainsi à notre égard : nous, ses parents !
C'est vrai, nous l'avions mis à la porte par ce que ce petit monsieur sorti par hasard de mon ventre, par erreur, avait prétendu qu'il avait « un talent artistique », alors que nous le destination à des hautes études pour reprendre l'usine de mon père et continuer à amasser la fortune familiale. Il en était ainsi chez nous depuis quatre générations. C'est pas ce petit con qui allait se mettre à délirer avec des barbouillages qu'il avait la prétention d'appeler de l'art.
Je le détestais. Mais comme il arrive souvent, j'étais une mère ambiguë. En même temps je l'adorais. C'était quand même mon fils. Même si j'avais dû épouser son père pour réparer la grossesse qu'il m'avait flanquée un soir de 14 juillet.
Et donc voilà, il est revenu nous narguer au coin de cette rue de notre petite ville. Il nous a peint sur le mur, à l'angle de cette rue. C'est bien lui. Mon fils qui embrasse. Qui m'embrase, moi, dans un raccourci une contraction des années. Et cette autre femme qui le tire par la main sur l'autre rue. Qui veut l'entraîner ailleurs. Qu'a-t-il pu lui raconter de son géniteur et de moi ? Des choses pas bien belles sûrement puisqu'elle désire l'emporter loin de nous et surtout loin de moi qui est pourtant sa mère. La petite garce, elle lui a fait tournebouler la cervelle.
Je me fais vieille. Le reverrai-je un jour ? Je ne sais plus rien de lui depuis tant d'années.
Mon cancer des os a métastasé partout.
Fils reviens !
AlainX- Kaléïd'habitué
- Humeur : stable
Re: A. Mauvais baiser
Mais quelle histoire effroyable ! Bien écrit mais qui laisse un gout amer...
C'est pourtant malheureusement si banal de ne pas correspondre au désir de ses parents ! De là à le détester !...
C'est pourtant malheureusement si banal de ne pas correspondre au désir de ses parents ! De là à le détester !...
Myrte- Kaléïd'habitué
- Humeur : Curieuse
Re: A. Mauvais baiser
Une belle fresque d'une certaine société, il me semble. Perso, je me suis toujours interrogée sur les sentiments et les rapports parents enfants,(mère fils surtout). Comme tu le dis, l'ambigüité n'est pas si rare. Une autre question que je me pose : comment une mère peut elle détester son enfant ? Pourtant...
Peut être un jour je trouverai la réponse.
Peut être un jour je trouverai la réponse.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A. Mauvais baiser
Je le détestais. Mais comme il arrive souvent, j'étais une mère ambiguë. En même temps je l'adorais.
Sentiment ambigü que je ne m'explique pas très bien ...
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: A. Mauvais baiser
catsoniou a écrit:
Sentiment ambigü que je ne m'explique pas très bien ...
Est ce qu'un jour on arrivera à comprendre les femmes ?
AlainX- Kaléïd'habitué
- Humeur : stable
Re: A. Mauvais baiser
On ne sait plus trop s'il faut plaindre ou pas cette mère si ambigüe comme tu dis !
Martine27- Kaléïd'habitué
- Humeur : Carpe diem
Re: A. Mauvais baiser
C'est très noir : comme si l'histoire n'était pas assez triste, tu en rajoutes avec la fin pour nous retirer tout espoir.
Quand aux sentiments mère/ fils, ils sont aussi ambigus que les relations mère/fille tant exploitées dans la littérature.
Quand aux sentiments mère/ fils, ils sont aussi ambigus que les relations mère/fille tant exploitées dans la littérature.
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Re: A. Mauvais baiser
Histoire bien noire en effet, d'un enfant non désiré et rebelle de surcroît. Et pourtant c'est avec une certaine jubilation que j'ai lu que c'est ce fils justement qui a eu la force, avec ses armes, de leur plaquer cette fresque en pleine figure. Je vois dans ce geste de provocation libératoire comme une victoire sur la vie. J'ai bien aimé.
virgul- Kaléïd'habitué
- Humeur : optimiste
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