A - Le labour qui creuse les sillons du songe *
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Cassy
Amanda.
catsoniou
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A - Le labour qui creuse les sillons du songe *
Elles et ils sont là, à flanc de coteau. Au dessus d'eux, quelques maisons et l'oratoire peut-être presque aussi ancien que l'église. A gauche, il y avait le forgeron et à l'opposé, l'épicerie, café, restaurant qui, dans le premier tiers du 20ème siècle, était l'école communale.
Le mari de l'épicière était menuisier, et garde-champêtre. A la sortie de la messe, le roulement de son tambour imposait le silence. Il pouvait alors, d' une voix de stentor, proclamer l'avis à la population. Pour la fête annuelle, dès le vendredi, il tirait les pétards … Comme le forgeron, il était d'un humour à toute épreuve.
Il fabriquait aussi les cercueils et il a certainement mis en bière la plupart de ceux qui reposent autour de lui.
Parce que là, à flanc de coteau, c'est le cimetière, là où gisent celles et ceux qui habitaient de part et d'autre de la vallée du Rieu mort.
Au sommet de la colline, le château dont un des habitants du siècle dernier poussait parfois la chansonnette qu'on entendait de la colline en face. Sur la même crête, comme en écho, il y avait ce laboureur qui pour aiguillonner ces animaux de trait, ou pour se donner du cœur à l'ouvrage, chantait à tue-tête.
Et puis, tout en bas, à côté du Rieu mort, ce ruisseau au nom révélant la faiblesse de l'eau qui l'alimente, il y avait ce couple surnommé, sans qu'on sut vraiment pourquoi, le Poulet et la Poulette. Le quotidien de la couturière et du charpentier s'émaillait de disputes proverbiales. Ils avaient baptisé leur fille Pâquerette …
Si vous remontiez vers l'autre château au sommet du coteau opposé au cimetière, de part et d'autre de la route qui serpente, il y avait aussi des personnages hauts en couleur. Henri, retraité cheminot, révolutionnaire n° 1 dans la commune, Marie qui parlait haut, surnommée « la gazette ». Et en face Melle T. dite « la Muette » quand elle avait le dos tourné. Elle compensait son handicap par le colportage des nouvelles d'une maison à l'autre. Parce qu'en fait, elle baragouinait un charabia que les habitués parvenaient à déchiffrer.
Et puis, plus haut dans la côte, un chemin à droite. La première maison, c'était nous, une famille paysanne parmi d'autres … Les parents et une des sœurs gisent eux aussi au cimetière sur le coteau en face.
Oui, bien sûr, les morts se taisent … Que sait-on de leurs vies passées ? Peu de choses en vérité et les vivants, surtout celles et ceux qui n'ont pas connu le forgeron, le garde-champêtre ou La Muette, voudraient-ils entendre ressasser anecdotes et façon de vivre du temps passé ? Quant aux survivants de cette époque révolue, pour la plupart, ils ont d'autres chats à fouetter que de se souvenir de La Muette si injustement surnommée …
Seuls, les nostalgiques de mon acabit s'évertuent à se remémorer la campagne des années 50 et selon moi, (moi seulement?) ce qui n'a pas été écrit mériterait peut-être qu'on s'y attache …
* http://club.quomodo.com/biblibre/le-monde-de-bernard-le-quillec-
Le mari de l'épicière était menuisier, et garde-champêtre. A la sortie de la messe, le roulement de son tambour imposait le silence. Il pouvait alors, d' une voix de stentor, proclamer l'avis à la population. Pour la fête annuelle, dès le vendredi, il tirait les pétards … Comme le forgeron, il était d'un humour à toute épreuve.
Il fabriquait aussi les cercueils et il a certainement mis en bière la plupart de ceux qui reposent autour de lui.
Parce que là, à flanc de coteau, c'est le cimetière, là où gisent celles et ceux qui habitaient de part et d'autre de la vallée du Rieu mort.
Au sommet de la colline, le château dont un des habitants du siècle dernier poussait parfois la chansonnette qu'on entendait de la colline en face. Sur la même crête, comme en écho, il y avait ce laboureur qui pour aiguillonner ces animaux de trait, ou pour se donner du cœur à l'ouvrage, chantait à tue-tête.
Et puis, tout en bas, à côté du Rieu mort, ce ruisseau au nom révélant la faiblesse de l'eau qui l'alimente, il y avait ce couple surnommé, sans qu'on sut vraiment pourquoi, le Poulet et la Poulette. Le quotidien de la couturière et du charpentier s'émaillait de disputes proverbiales. Ils avaient baptisé leur fille Pâquerette …
Si vous remontiez vers l'autre château au sommet du coteau opposé au cimetière, de part et d'autre de la route qui serpente, il y avait aussi des personnages hauts en couleur. Henri, retraité cheminot, révolutionnaire n° 1 dans la commune, Marie qui parlait haut, surnommée « la gazette ». Et en face Melle T. dite « la Muette » quand elle avait le dos tourné. Elle compensait son handicap par le colportage des nouvelles d'une maison à l'autre. Parce qu'en fait, elle baragouinait un charabia que les habitués parvenaient à déchiffrer.
Et puis, plus haut dans la côte, un chemin à droite. La première maison, c'était nous, une famille paysanne parmi d'autres … Les parents et une des sœurs gisent eux aussi au cimetière sur le coteau en face.
Oui, bien sûr, les morts se taisent … Que sait-on de leurs vies passées ? Peu de choses en vérité et les vivants, surtout celles et ceux qui n'ont pas connu le forgeron, le garde-champêtre ou La Muette, voudraient-ils entendre ressasser anecdotes et façon de vivre du temps passé ? Quant aux survivants de cette époque révolue, pour la plupart, ils ont d'autres chats à fouetter que de se souvenir de La Muette si injustement surnommée …
Seuls, les nostalgiques de mon acabit s'évertuent à se remémorer la campagne des années 50 et selon moi, (moi seulement?) ce qui n'a pas été écrit mériterait peut-être qu'on s'y attache …
* http://club.quomodo.com/biblibre/le-monde-de-bernard-le-quillec-
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: A - Le labour qui creuse les sillons du songe *
Ta conclusion est claire...
Cependant quand une plume comme la tienne fait revivre les morts, on les retrouve bien vivants, tu excelles à les "re-créer" eux et leur environnement.
D'où l'importance de quelqu'un comme toi qui n'a pas peur des les évoquer !
Seuls les écrits restent....
A voir !!!
Cependant quand une plume comme la tienne fait revivre les morts, on les retrouve bien vivants, tu excelles à les "re-créer" eux et leur environnement.
D'où l'importance de quelqu'un comme toi qui n'a pas peur des les évoquer !
Seuls les écrits restent....
A voir !!!
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: A - Le labour qui creuse les sillons du songe *
Je suis aussi une grande nostalgique et j'espère que nous sommes beaucoup à l'être, pour ne pas oublier ceux qui sont partis et raconter encore ce qui n'a pas été écrit
Cassy- Admin
- Humeur : Déterminée
Re: A - Le labour qui creuse les sillons du songe *
D'abord le titre d'une très grande beauté, puis un tableau que l'on découvre peu à peu, des clichés souvenirs comme des photos légèrement jaunies, des noms authentiques : le Rieu mort, le Poulet, la Poulette, leur fille Pâquerette, la Muette... Un décor où le passé s'est enfui mais tes mots écrits le retiennent...
Myrte- Kaléïd'habitué
- Humeur : Curieuse
Re: A - Le labour qui creuse les sillons du songe *
J'adore l'histoire que tu nous racontes avec plein de détails croustillants.C'est tout à fait passionnant.Grâce à toi les morts revivent pour notre plus grand plaisir.
Charlotte- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A - Le labour qui creuse les sillons du songe *
Prémonition ?
Lundi, Jeannot rejoindra ses parents et son fils
A flanc de coteau...
Il fut mon premier "patron"
Auguste, son père,
Avant lui, un ancien de 14-18 avait transbahuté l'alambic
Et chez eux aussi,
Dans la ferme qui m'employait,
On y faisait l'eau - de - vie.
J'avais 14 ans et Patrick, trois ans.
Il y a 4 ans, il est mort, écrasé entre remorque et tracteur.
Il y aura sans doute du monde pour accompagner Jeannot
C'est une figure qui disparait
Une mémoire s'en va.
Puissent ces quelques mots
Rendre hommage à un des derniers anciens.
Il était né en 1928.
Ci dessous, une vue du bourg prise par un neveu ...
Lundi, Jeannot rejoindra ses parents et son fils
A flanc de coteau...
Il fut mon premier "patron"
Auguste, son père,
Avant lui, un ancien de 14-18 avait transbahuté l'alambic
Et chez eux aussi,
Dans la ferme qui m'employait,
On y faisait l'eau - de - vie.
J'avais 14 ans et Patrick, trois ans.
Il y a 4 ans, il est mort, écrasé entre remorque et tracteur.
Il y aura sans doute du monde pour accompagner Jeannot
C'est une figure qui disparait
Une mémoire s'en va.
Puissent ces quelques mots
Rendre hommage à un des derniers anciens.
Il était né en 1928.
Ci dessous, une vue du bourg prise par un neveu ...
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: A - Le labour qui creuse les sillons du songe *
Nous abritons tous des mondes oubliés par les autres, l'écrit est une bonne manière de rendre la parole à nos disparus qu'ils soient proches ou lointains
Martine27- Kaléïd'habitué
- Humeur : Carpe diem
Re: A - Le labour qui creuse les sillons du songe *
Très émouvant !
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: A - Le labour qui creuse les sillons du songe *
Tu excelles toujours dans les chroniques du temps passé; temps pas si lointain que ça, et qui, sous ta plume, revit pour nous.
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
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