A. Souvenir heureux

Les parents n’avaient aucune difficulté à nous réveiller très tôt le matin, juste avant le lever du jour. Les valises étaient déjà dans le coffre de la voiture, une 203 noire, intérieur cuir rouge. A cette époque, pas de ceinture de sécurité, pas de siège-auto ni de climatisation. On partait tôt sur la route des vacances pour ne pas avoir trop chaud. On avait même le droit de s’allonger sur la lunette arrière pour regarder la route défiler derrière l’auto et admirer les étoiles dans le ciel noir. C’était  le plus beau jour de notre vie car on partait à Bouznika dans le cabanon bleu que mon grand-père avait construit. Malgré la nuit écourtée et nos yeux fatigués, l’excitation était à son comble.

On prenait la route de Casablanca où on croisait très peu d’automobiles. Mon père donnait alors un petit coup de klaxon pour saluer et nous faisions un petit geste de la main. La plupart du temps, mon frère était à l’avant, sur les genoux de ma mère. Ma soeur et moi  à l’arrière avec nos poupées et nos magazines.

Dans la plaine de Ben Guerir, les yeux écarquillés, encore un peu ensommeillés, on s’émerveillait devant l’immense soleil orange qui se pointait à l’horizon et montait doucement dans le ciel.

Puis, au bout d’un temps qui nous paraissait interminable, se dessinait enfin au loin une ligne indigo et le jeu était d’être le premier à dire « La mer ! ».