A - Les fraises du Seigneur
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Amanda.
Escandélia
catsoniou
7 participants
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A - Les fraises du Seigneur
Je suis sorti pour faire une chose incompréhensible. Une heure du matin, le clair de lune incitait-il à la promenade nocturne ? Au poulailler, les deux oies blanches tentèrent de me dissuader par des cacardements offusqués :
- Non, n’écoute pas cette folle qui prétend t’emmener au septième ciel !
-D’abord, ton échelle est trop courte …
- Et ce n’est plus de ton âge, surenchérit le coq.
- Oiseaux de mauvaise augure ! Vous, les oies, contentez-vous de vous gaver de maïs. A la Noël, tâchez d’être à point. Et toi, le coq, veille à accomplir ton devoir multi conjugal. Cette nuit, votre maître n’obéit qu’à moi. Prends, prends donc ton échelle et suis-moi !
Subjugué, que pouvais-je faire d’autre qu’obtempérer ? Eve était une vieille connaissance noctambule qui, d’ordinaire, se limitait à peupler mes rêves. Mais, cette nuit … Cette nuit, elle se fit impérieuse :
- Lève-toi et marche !
- Mais, mon Eve, à c’tte heure, de quoi aurais-je l’air ?
- L’air de rien, tu vas gagner le 7ème ciel.
- Mais il faudrait faire le plein de gas-oil pour mon auto …
- Le 7ème ciel, ça se mérite. A-t-on vu grimper au Paradis au volant d’une voiture ? Le pied sur l’échelle, et de barreau en échelon, le firmament, tu gagneras, je te le promets !
- Et le billet de retour ? Parce que j’ai encore beaucoup à faire ici-bas …
- Là n’est pas la question. Chaque chose en son temps. Moi, mon rayon, c’est la montée. Cesse donc tes jérémiades. Appuie l’échelle au mur du jardin.
Surprise : au lieu et place de la haie, une muraille aux pierres disjointes se dressait. Sans peine, je gravis l’échelle et je ne fus pas autrement surpris par le champ de fraisiers en pleine floraison. A l’extrémité des deux douzaines de rangées, une deuxième muraille.
- Allez ! Pressons, tire l’échelle et suis-moi. Ne touche surtout pas les fraisiers …
Sans peine excessive, je me retrouvais au sommet et là … Là, nouveau champ de fraisiers, mais quoiqu’à peine mûres, elle me tentaient.
- Veux-tu ne pas toucher les fraises du Seigneur ! Allez, tire l’échelle !
- Encore ? M’enfin, tu en as encore beaucoup de murs ?
- Six, forcément : du rez-de chaussée au septième, il y a six niveaux différents …
- Mais, les fraises, elles vont être grosses comme des coucourdes ?
- Je répète : pas touche, les fraises …
- Même une petite poignée ? Le Seigneur n’est-il pas connu pour sa prodigalité ?
- Certes ! Mais si on donnait la fortune aux miséreux, où irait-on ? A l’anarchie ! Alors, mets-toi bien ça dans la tête : les fraises ne sont pas pour toi !
On devine aisément la suite : les 4ème et 5ème niveaux aiguisaient la tentation. Rouges vermeil, formes rebondies, parfum enivrant, des fraises par milliers. La traversée des champs devint un supplice de Tantale.
Le raffinement fut atteint au 6ème niveau. Le blanc de la crème chantilly mettait en valeur le rouge des fraises dans des soucoupes à portée de main. Et il y avait celles qui s’étalaient paresseusement sur un lit de crème pâtissière. Bref, tartelettes et soucoupes, sans oublier les bols de fraises au vin, c’était trop pour un impénitent amateur de fraises. Au diable, le Seigneur et son Eve rabat joie : l’échelle chut n’importe où. Mes deux mains libérées portèrent à ma bouche affamée les fraises si bien accommodées. Dieu, qu’elles étaient délicieuses ces fraises interdites !
- Ramasse ton échelle et file droit devant, m’ordonna l’Eve garde-chiourme qui avait troqué sa douce voix et ses yeux de biche pour un ton de commandement sans réplique et un regard furibard.
Au septième ciel, je crus être revenu sur terre : un champ de courges parsemé de pastèques s’étendait à perte de vue.
- Allez ! Ramasse et jette par dessus ton épaule, citrouilles et pastèques. Tu en auras besoin pour compléter ton assortiment de confitures. Comprendras-tu enfin qu’au septième ciel, en guise de jardin d’Eden, il n’y a rien que l’ordinaire du quotidien …
Et si vous nourrissez un doute sur la véracité de cette histoire, voyez l’image : Man, le chien, surveillant citrouilles et melons, attend le retour de son maître …
- Non, n’écoute pas cette folle qui prétend t’emmener au septième ciel !
-D’abord, ton échelle est trop courte …
- Et ce n’est plus de ton âge, surenchérit le coq.
- Oiseaux de mauvaise augure ! Vous, les oies, contentez-vous de vous gaver de maïs. A la Noël, tâchez d’être à point. Et toi, le coq, veille à accomplir ton devoir multi conjugal. Cette nuit, votre maître n’obéit qu’à moi. Prends, prends donc ton échelle et suis-moi !
Subjugué, que pouvais-je faire d’autre qu’obtempérer ? Eve était une vieille connaissance noctambule qui, d’ordinaire, se limitait à peupler mes rêves. Mais, cette nuit … Cette nuit, elle se fit impérieuse :
- Lève-toi et marche !
- Mais, mon Eve, à c’tte heure, de quoi aurais-je l’air ?
- L’air de rien, tu vas gagner le 7ème ciel.
- Mais il faudrait faire le plein de gas-oil pour mon auto …
- Le 7ème ciel, ça se mérite. A-t-on vu grimper au Paradis au volant d’une voiture ? Le pied sur l’échelle, et de barreau en échelon, le firmament, tu gagneras, je te le promets !
- Et le billet de retour ? Parce que j’ai encore beaucoup à faire ici-bas …
- Là n’est pas la question. Chaque chose en son temps. Moi, mon rayon, c’est la montée. Cesse donc tes jérémiades. Appuie l’échelle au mur du jardin.
Surprise : au lieu et place de la haie, une muraille aux pierres disjointes se dressait. Sans peine, je gravis l’échelle et je ne fus pas autrement surpris par le champ de fraisiers en pleine floraison. A l’extrémité des deux douzaines de rangées, une deuxième muraille.
- Allez ! Pressons, tire l’échelle et suis-moi. Ne touche surtout pas les fraisiers …
Sans peine excessive, je me retrouvais au sommet et là … Là, nouveau champ de fraisiers, mais quoiqu’à peine mûres, elle me tentaient.
- Veux-tu ne pas toucher les fraises du Seigneur ! Allez, tire l’échelle !
- Encore ? M’enfin, tu en as encore beaucoup de murs ?
- Six, forcément : du rez-de chaussée au septième, il y a six niveaux différents …
- Mais, les fraises, elles vont être grosses comme des coucourdes ?
- Je répète : pas touche, les fraises …
- Même une petite poignée ? Le Seigneur n’est-il pas connu pour sa prodigalité ?
- Certes ! Mais si on donnait la fortune aux miséreux, où irait-on ? A l’anarchie ! Alors, mets-toi bien ça dans la tête : les fraises ne sont pas pour toi !
On devine aisément la suite : les 4ème et 5ème niveaux aiguisaient la tentation. Rouges vermeil, formes rebondies, parfum enivrant, des fraises par milliers. La traversée des champs devint un supplice de Tantale.
Le raffinement fut atteint au 6ème niveau. Le blanc de la crème chantilly mettait en valeur le rouge des fraises dans des soucoupes à portée de main. Et il y avait celles qui s’étalaient paresseusement sur un lit de crème pâtissière. Bref, tartelettes et soucoupes, sans oublier les bols de fraises au vin, c’était trop pour un impénitent amateur de fraises. Au diable, le Seigneur et son Eve rabat joie : l’échelle chut n’importe où. Mes deux mains libérées portèrent à ma bouche affamée les fraises si bien accommodées. Dieu, qu’elles étaient délicieuses ces fraises interdites !
- Ramasse ton échelle et file droit devant, m’ordonna l’Eve garde-chiourme qui avait troqué sa douce voix et ses yeux de biche pour un ton de commandement sans réplique et un regard furibard.
Au septième ciel, je crus être revenu sur terre : un champ de courges parsemé de pastèques s’étendait à perte de vue.
- Allez ! Ramasse et jette par dessus ton épaule, citrouilles et pastèques. Tu en auras besoin pour compléter ton assortiment de confitures. Comprendras-tu enfin qu’au septième ciel, en guise de jardin d’Eden, il n’y a rien que l’ordinaire du quotidien …
Et si vous nourrissez un doute sur la véracité de cette histoire, voyez l’image : Man, le chien, surveillant citrouilles et melons, attend le retour de son maître …
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: A - Les fraises du Seigneur
L'image de ton chien et de tes courges est belle, mais celle de la consigne, elle, propose et suppose un bel exercice. Enfin tu as dû bien te régaler avec toutes ces fraises et le kamasutra en prime pour gagner le 7ème. Bref, de là à voir des fraises partout, moi je n'y ai vu que des roses (je suis surement pas assez terre à terre ou alors je sucre déjà les fraises).
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A - Les fraises du Seigneur
Très belle photo en effet !
J'ai vu que tu as fait des confitures ce weekend, à mon avis tu as du en rêver sinon comment croire à ces fraises invisibles et à la crème Chantilly ?
J'ai vu que tu as fait des confitures ce weekend, à mon avis tu as du en rêver sinon comment croire à ces fraises invisibles et à la crème Chantilly ?
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: A - Les fraises du Seigneur
Voilà un conte campagnard pour petits citadins, plein d'enseignements…
tant d'efforts dans la vie… pour finir dans de l'ordinaire…
c'est à la fois amusant et attristant.
On rêve de grimper au septième ciel… et on n'y trouve que du banal.
c'est le moment de modifier la célèbre phrase de Clemenceau :
« Le meilleur moment de l'amour c'est quand on monte [ l'échelle] »
tant d'efforts dans la vie… pour finir dans de l'ordinaire…
c'est à la fois amusant et attristant.
On rêve de grimper au septième ciel… et on n'y trouve que du banal.
c'est le moment de modifier la célèbre phrase de Clemenceau :
« Le meilleur moment de l'amour c'est quand on monte [ l'échelle] »
AlainX- Kaléïd'habitué
- Humeur : stable
Re: A - Les fraises du Seigneur
Je comprends maintenant pourquoi Man ne veux pas venir aider Médor au bas du falaise
trainmusical- Occupe le terrain
- Humeur : à vous de juger :-)
Re: A - Les fraises du Seigneur
Tu m'as donné l'eau à la bouche avec tes fraises, tu en fais de telles descriptions qu'elles en deviennent irrésistibles! J'apprécie aussi la morale de la fin, finalement profitons surtout des choses d'ici bas et vivons au maximum le moment présent.
virgul- Kaléïd'habitué
- Humeur : optimiste
Re: A - Les fraises du Seigneur
Belle leçon de sagesse... Mais la gourmandise n'est pas un vilain défaut !
Myrte- Kaléïd'habitué
- Humeur : Curieuse
Page 1 sur 1
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