A. L'histoire de Nadège

Nadège adorait la littérature depuis toujours. Heureusement, car sa situation l'amenait à être souvent seule, trop seule. Elle trouvait son refuge dans les romans fantastiques et autres aventures extraordinaires, inaccessibles au commun des mortels.
Dans la contrée lointaine où elle résidait, Internet n'était même pas connu de quiconque. En revanche, dans un château abandonné, elle avait découvert cette immense bibliothèque de plusieurs milliers de livres. Il y en avait pour des années à les lire. Le jour où elle aurait fini de tourner toutes les pages, elle pourrait reprendre le premier ouvrage pour le redécouvrir avec des yeux neufs.

Il n'y avait rien d'autre à faire. Aucune activité ne lui était proposée. Dans la meilleure chambre du château, elle pouvait s'installer confortablement dans un sofa moelleux. Elle se nourrissait des feuilles des livres, et cela suffisait à la rassasier.

Nadège était d'une rare beauté. Elle avait découvert cela en lisant la courte nouvelle de Vladimir Nabokov : « une beauté russe ». Comme l'héroïne, elle menait une vie insouciante, telle celle que l'on peut rencontrer à Saint-Pétersbourg et nulle part ailleurs. Une vie de dilettante enrichie par la littérature positive ne peut que concourir à une beauté d'exception.
Elle se mit à rêver d'une croisière sur la Néva au bras du prince Dimitri Romanovitch, qui serait encore jeune et vivant.


Ce fut il y a un an que j'entendis parler de Nadège pour la première fois. L'évidence se fit aussitôt qu'il fallait que je me mette en quête de la trouver. Ce que j'ai entrepris dès le lendemain.
L'affaire n'est pas facile quand on ne dispose que d'un prénom.
Mais le désir était tellement puissant que je me sentais prêt à partir en exploration jusqu'au bout du monde, dont je ferai le tour en moins de 80 jours
Ce que j'ai fait.

Je me mis à parcourir l'Europe, mais sans succès. À Varsovie je pris un avion d'AirBaltic pour Saint-Pétersbourg. Je descendis au Pushka Inn Hotel où l'accueil à la soviétique fut particulièrement de qualité. Je me suis renseigné auprès de nombreux bibliothécaires pour chercher un personne qui aurait entendu parler de ce vieux château à l'immense bibliothèque. On m'indiqua des endroits où je me rendis, mais sans succès.

Le lendemain j'ai dirigé mes pas vers l'île L'île Vassilievski (en russe :  Васильевский остров) où se trouve le quartier culturel et universitaire. Je vis dans une rue commerçante une petite boutique à l'enseigne"  Франция книги "ce qui signifie :" la France des livres". Évidemment aussitôt je suis entré.
Sur une table de présentation figurait cet ouvrage : « le livre des mystères » par Nadège CHIPDEL
aussitôt je me saisis du livre et lu la quatrième de couverture :

« Dans un château abandonné, l'héroïne du livre découvre une immense bibliothèque de plusieurs milliers de livres. Elle en lira un par jour pendant des années. Puis recommencera inlassablement sa lecture.
Sauf qu'il arrivera un jour…
à vous futurs lecteurs de découvrir la suite… de la vie mystérieuse de Nadège CHIPDEL, cette oeuvre fantastique étant autobiographique »

J'ai acheté le livre évidemment. Je suis empressé de rentrer à l'hôtel pour le lire. C'est ainsi que j'appris que l'héroïne était une Russe d'une rare beauté qui avait longtemps peuplé les rêves de Nabokov.

Déçu, j'ai continué mon périple pour essayer d'oublier, puis je suis rentré en France.
J'aurais tellement aimé que Nadège ait existé vraiment..
Moi aussi d'ailleurs j'aurais vraiment voulu exister.

Phileas.