Dernière montée
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Dernière montée
Les bêtes envahissent le chemin, à flanc de montagne. Pressées de retrouver les alpages, elles forment un groupe compact. Elles aussi, elles le sentent l’appel de la montagne, elles aussi elles ont hâte.
De là-haut, on dirait un long ruban blanc qui se faufile sur la pente. Marquées aux couleurs rose ou verte, elles se mélangent dans un joyeux tintement de clochettes.
Ce sera ma dernière montée aux estives. J’en savoure chaque seconde. Au rythme de mon bâton de berger cognant sur le sentier, je me souviens. Je connais le trajet par cœur, je sais à quels endroits la roche friable représente un danger. Je reconnais chaque arbre, chaque changement de dénivelé.
Je monte au son des cloches et de l’eau du torrent que nous longeons.
Je grimpe, mon sac à dos rempli de toutes sortes de choses, lourd de tout ce qui fera ma vie durant l’été. Et pourtant, au fil des mètres gravis je m’allège, de tout ce que je laisse derrière moi. C’est comme une mue qui me transcende, une fuite de tout ce qui me pèse.
Après quatre heures de marche, la cabane apparaît, près de l’eau, sous un ciel sans nuage, minuscule dans ce cirque grandiose. Alors mon corps fatigué retrouve son énergie. Alors mon cœur las, désabusé par ce monde qui ne tourne plus rond en bas, dans la vallée, ce cœur plus tout jeune se met à palpiter comme il y a longtemps, lorsque je suis monté pour la première fois.
Les bêtes s’éparpillent sur le col couvert d’herbes folles. Je les regarde faire, pose mon sac à dos sur le banc de pierre, accroche mon bâton de berger à sa place, sur le vieux clou rouillé près de la porte d’entrée et embrasse du regard mon domaine.
Le ruisseau tout proche, le col ou paissent les moutons et plus haut, les grands pics Pyrénéens.
Comment décrire cet immense bonheur qui me submerge. Ce sentiment que je suis lié à cette terre de tout mon être, de toute mon âme.
La montagne m’enveloppe d’une douce plénitude, elle m’accueille en se parant de son habit le plus beau, de la transparence de l’eau au bleu azur du ciel, de la blancheur des neiges éternelles au vert puissant tapissant les estives, elle me crie que c’est ici et nulle part ailleurs que je revis, parce qu’ici, la montagne est comme moi, elle ne triche pas, elle ne parait pas, elle est.
A l’automne, j’aurais soixante-dix ans, c’est ma dernière montée aux estives, j’en savoure chaque seconde. Je sais au fond de moi que le temps presse pour vivre intensément ici et maintenant. Dans trois mois, le retour dans la vallée me crèvera le cœur.
L’hiver viendra et l’espoir disparaîtra. Je n’y survivrai pas.
De là-haut, on dirait un long ruban blanc qui se faufile sur la pente. Marquées aux couleurs rose ou verte, elles se mélangent dans un joyeux tintement de clochettes.
Ce sera ma dernière montée aux estives. J’en savoure chaque seconde. Au rythme de mon bâton de berger cognant sur le sentier, je me souviens. Je connais le trajet par cœur, je sais à quels endroits la roche friable représente un danger. Je reconnais chaque arbre, chaque changement de dénivelé.
Je monte au son des cloches et de l’eau du torrent que nous longeons.
Je grimpe, mon sac à dos rempli de toutes sortes de choses, lourd de tout ce qui fera ma vie durant l’été. Et pourtant, au fil des mètres gravis je m’allège, de tout ce que je laisse derrière moi. C’est comme une mue qui me transcende, une fuite de tout ce qui me pèse.
Après quatre heures de marche, la cabane apparaît, près de l’eau, sous un ciel sans nuage, minuscule dans ce cirque grandiose. Alors mon corps fatigué retrouve son énergie. Alors mon cœur las, désabusé par ce monde qui ne tourne plus rond en bas, dans la vallée, ce cœur plus tout jeune se met à palpiter comme il y a longtemps, lorsque je suis monté pour la première fois.
Les bêtes s’éparpillent sur le col couvert d’herbes folles. Je les regarde faire, pose mon sac à dos sur le banc de pierre, accroche mon bâton de berger à sa place, sur le vieux clou rouillé près de la porte d’entrée et embrasse du regard mon domaine.
Le ruisseau tout proche, le col ou paissent les moutons et plus haut, les grands pics Pyrénéens.
Comment décrire cet immense bonheur qui me submerge. Ce sentiment que je suis lié à cette terre de tout mon être, de toute mon âme.
La montagne m’enveloppe d’une douce plénitude, elle m’accueille en se parant de son habit le plus beau, de la transparence de l’eau au bleu azur du ciel, de la blancheur des neiges éternelles au vert puissant tapissant les estives, elle me crie que c’est ici et nulle part ailleurs que je revis, parce qu’ici, la montagne est comme moi, elle ne triche pas, elle ne parait pas, elle est.
A l’automne, j’aurais soixante-dix ans, c’est ma dernière montée aux estives, j’en savoure chaque seconde. Je sais au fond de moi que le temps presse pour vivre intensément ici et maintenant. Dans trois mois, le retour dans la vallée me crèvera le cœur.
L’hiver viendra et l’espoir disparaîtra. Je n’y survivrai pas.
Cassy- Admin
- Humeur : Déterminée
Re: Dernière montée
Très beau texte ! D'une bien belle écriture. Le bonheur de ton berger est poignant puisqu'il sait qu'il ne reviendra plus tout en haut. On voit que tu connais bien l'esprit de la montagne, Cassy et que tu as toi-même parcouru les sentiers maintes fois comme ce vieux berger.
Invité- Invité
Re: Dernière montée
On voit que tu es une experte. Ton texte est très riche, on a mal pour ce berger. Une dernière estive, c'est un peu des racines coupées.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
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