Par la fenêtre
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Amanda.
catsoniou
Escandélia
Nerwen
8 participants
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Par la fenêtre
« Remets-toi au travail petite, ce n’est pas le moment de regarder par la fenêtre, Madame ne sera pas contente si les ruchés de sa robe ne sont pas tuyautés à sa convenance…
—Les fers chauffent, j’ai le temps…
—Mais qu’est-ce que tu guettes ainsi, le spectacle de la rue est donc si attrayant ?
—C’est vivant dehors, j’aime quand Madame m’envoie en course, mais le repassage je déteste !
—Tu n’es pas là pour faire ce que tu aimes sais-tu ? Mais pour gagner ta vie. Que deviendrais-tu si tu te faisais renvoyer ?
—Je ne sais pas… Une chose est sûre je ne retournerais pas à la ferme !
—On est bien ici, les patrons ne sont pas très durs, Bien sûr, Madame est exigeante mais juste.
—Pas toujours !
—Veux-tu te taire ! Et mets-toi bien quelque chose dans la tête : les patrons ont toujours raison !
—Pas toujours !
—Tu devrais être contente de t’occuper de ce beau linge, de ces bonnets, de ces collerettes de dentelles, légères, fragiles… tout ce tulle, ce crêpe, cette soie…
—Je serais contente si ce linge était à moi ! Tu veux que je te dise, et bien, l’autre jour j’ai essayé le caraco de soie rose, c’était doux sur ma peau, une vraie merveille…
—Le caraco de Madame ? Tu es folle ma p’tite. Et si elle t’avait surprise ?
—Pas de risque, elle était sortie… Il m’allait bien tu sais, le caraco…
—Arrête de rêver et remets-toi au travail, je t’ai préparé la pattemouille pour la nappe damassée. Elle doit être impeccable pour ce soir et si tu n’utilises pas la pattemouille, tu n’arriveras jamais à enlever les faux-plis… Tu m’écoutes ?
—Tiens, il y a Monsieur de Lautrec qui traverse la rue…
—Le peintre ? Il vient pour le portrait de Madame.
—Ou pour le mien !
—Le tien ? Mais c’est bien ce que je dis : tu es folle !
—Apprenez Madame la Raisonnable que Monsieur de Lautrec me l’a proposé l’autre jour quand je l’ai croisé dans le couloir, il m’a regardé d’un drôle d’air et puis il m’a suivi à l’office pour me dire « Mademoiselle, je veux faire votre portrait, vous avez un joli visage ! »
—Ah ! Je ne crois pas que ce soit ton visage qui l’intéresse. Tous ces artistes, on les connaît, débauchés, ivrognes, et lui particulièrement, il a une réputation…
—Ne sois pas rabat-joie ! Tu es jalouse on dirait.
—Jalouse ? De ce petit homme contrefait ? Tu délires !
—Il a de si beaux yeux noirs …
—Mais ma parole, tu es amoureuse ! De cet infirme !
—Quand il me regarde, je ne vois qu’un homme profondément sensible. Si ce qu’il m’a dit l’autre jour est vrai, alors oui, je suis amoureuse…
—C’est sûrement un beau parleur, qu’est-ce qu’il t’a dit ?
—L'amour, c'est quand l'envie vous prend qu'on ait envie de vous.
—….
—Tu ne dis rien ?
—Je… pensais à quelque chose… à quelqu’un… Ça fait si longtemps… Tiens, on sonne, va vite ouvrir, je terminerai le repassage ! »
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Re: Par la fenêtre
A quand même ! la rabat joie se décide à faire une bonne action ! mais il aura fallu du temps de la patience et la fin du texte. Par contre j'ai bien aimé cette graine de syndicaliste en devenir qui voit juste et apprécie les belles choses. Je crois que cela aurait pu être moi !
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: Par la fenêtre
A n'en pas douter, cette blanchisseuse-là fera son chemin : déjà, son statut s'est élevé d'un cran par rapport à la fille de ferme et l'approche de Toulouse-Lautrec conforte son désir de bien se vêtir et d'être immortalisée sur la toile du peintre.
J'aime l'impertinence de la jeune repasseuse
J'aime l'impertinence de la jeune repasseuse
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: Par la fenêtre
Excellent ce dialogue entre la servante conservatrice et la jeune rebelle ! Pimenté d'un amour avec Toulouse-Lautrec, c'est encore mieux !
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: Par la fenêtre
Quel plaisir de lire un tel dialogue entre la petite bonne effrontée et la gouvernante donneuse de leçons !
Ta blanchisseuse voit sans doute en Toulouse-Lautrec un moyen d'échapper à sa condition. Et rêve de porter - grâce à lui - des caracos de soie comme Madame.
Ta blanchisseuse voit sans doute en Toulouse-Lautrec un moyen d'échapper à sa condition. Et rêve de porter - grâce à lui - des caracos de soie comme Madame.
Invité- Invité
Re: Par la fenêtre
J'adore cette petite bonne et son esprit de rébellion, son désir de s’élever au dessus de sa condition. Encore un texte qui retranscris bien une époque
Myriel- Kaléïd'habitué
- Humeur : Girouette
Re: Par la fenêtre
C'est un très beau dialogue et une description très précise du métier de blanchisseuse. Cerise sur le gâteau: tu as intégré Toulouse-Lautrec à ton texte, c'est parfait
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: Par la fenêtre
Très bon dialogue.j'ai beaucoup aimé cette blanchisseuse: elle ira loin avec son franc parler.
Charlotte- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: Par la fenêtre
Dialogue bien enlevé et J’aime bien ce texte, où, comme dans le mien, on trouve l’idée que les gens du peuple intéressaient largement autant Toulouse-Lautrec que les « grands » ; et aussi les sentiments qu’il pouvait inspirer malgré sa disgrâce physique.
J’aime beaucoup :
Tu devrais être contente de t’occuper de ce beau linge, de ces bonnets, de ces collerettes de dentelles, légères, fragiles… tout ce tulle, ce crêpe, cette soie… (Ben voyons !)
Pour en revenir à TL, je pense que cet aristo très « fin de race », produit de mariages consanguins, était, en dehors même de tout son talent, un être extrêmement attachant. Sa peinture respire l’amour de la vie et le mépris des conventions. Il a beaucoup eu recours aux prostituées, mais pour lui, elles étaient des êtres humains qu’il respectait et non de simples instruments de plaisir et quantité négligeable.
Et sans doute que des femmes l’ont vraiment aimé, capable de voir sa « beauté intérieure ».
J’aime beaucoup :
Tu devrais être contente de t’occuper de ce beau linge, de ces bonnets, de ces collerettes de dentelles, légères, fragiles… tout ce tulle, ce crêpe, cette soie… (Ben voyons !)
Pour en revenir à TL, je pense que cet aristo très « fin de race », produit de mariages consanguins, était, en dehors même de tout son talent, un être extrêmement attachant. Sa peinture respire l’amour de la vie et le mépris des conventions. Il a beaucoup eu recours aux prostituées, mais pour lui, elles étaient des êtres humains qu’il respectait et non de simples instruments de plaisir et quantité négligeable.
Et sans doute que des femmes l’ont vraiment aimé, capable de voir sa « beauté intérieure ».
tobermory- Kaléïd'habitué
- Humeur : Changeante
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