La manière

« Pour que l’évènement le plus banal devienne une aventure, il faut et il suffit qu’on se mette à le raconter  »

Ce n’est pas faux » se dit Antoine en refermant le livre de Sartre avec un soupir.
Ce n’est quand même pas réaliste non plus, un exemple au hasard : Moi !

Une supposition : Si je me mettais à écrire ma vie ? Je ne suis pas certain que cela passionnerait un grand nombre de lecteurs !
Je ne serais certainement pas invité à la Foire du Livre, ni chez Laurent Ruquier !

Car tout dépend de la manière ! Comme le dit Cyrano de Bergerac avec ses tirades !
La manière de raconter…

Avant, c’était facile, les mots sortaient tout seuls.
Mes enfants adoraient que je leur  raconte une histoire, même si souvent  c’était une histoire  à dormir debout.

Je parlais, ils m’écoutaient, fascinés, yeux brillants et bouche bée.
Ils en redemandaient !

Aujourd’hui quand je tente de leur parler, c’est à peine s’ils m’écoutent.
Ou plutôt non, ils ne m’écoutent pas, ils sont ailleurs dans leur petite vie bien calée entre Facebook et le foot.

Ou alors, ils tendent vaguement l’oreille en baillant.
Ou bien encore en m’interrompant «  Allez, abrège, accouche, on n’a pas le temps… »

Certes je n’ai rien d’un Fabrice Lucchini, ni sa verve, ni son talent.
Ma manière de raconter n’est plus la bonne, je parle trop lentement en vieillissant…

Pourtant, avant, parler lentement, à haute et intelligible voix c’était le must dans ma profession.
J’étais enseignant, prof d’anglais.

Mes élèves m’écoutaient avec la soif de répéter ensuite les mots que je leur apprenais
Passion et patience et ils réussissaient, tous, enfin presque.

Ce soir, j’ai l’impression d’être seul au monde…

Comme le gardien de phare de La Jument,
Seul et abandonné  au milieu des éléments en furie…

Perdre la manière de raconter, ce doit être cela,
Etre un vieux…

Oh non, A manda ! je ne suis pas d'accord avec toi, tu racontes bien les histoires, et puis tu n'es pas vieille d'abord !

C'est pas moi, c'est Antoine, enfin !!!!!

Ah bon ! mais moi j'avais pourtant bien cru te reconnaitre, enfin ta plume, c'est drôlement bien raconté, il a du talent cet Antoine !

Il souffle sur Antoine comme un brin de nostalgie et de solitude...
Comme si le temps avait emporté avec lui toute la confiance qu'il avait lorsqu'il enseignait, lorsqu'il partageait avec ses enfants. Puis il a été rattrapé par le temps... la technologie, le manque de temps et l'indisponibilité de ses enfants.

Le temps ici a été utilisée sous toutes ses coutures ! Le temps qui passe (avant-aujourd'hui), le temps (l'indisponibilité), et le temps (éléments en furie)...

J'inviterai Antoine à lire le conte Le nouveau Voyage d'Hector, à la poursuite du temps qui passe de Lelord :-D ;-)

July a écrit:J'inviterai Antoine à lire le conte Le nouveau Voyage d'Hector, à la poursuite du temps qui passe de Lelord :-D ;-) Surprised

Je crois que le lire ne me ferait pas de mal non plus ! on est tous à la poursuite du temps qui passe, et souvent même encore plus à celle du temps perdu !

Ben il raconte bien Antoine!
encore, encore...

Aujourd’hui quand je tente de leur parler, c’est à peine s’ils m’écoutent.
Ou plutôt non, ils ne m’écoutent pas, ils sont ailleurs dans leur petite vie bien calée entre Facebook et le foot.

Evidence d'autant plus forte qu'on n'a pas  tous l'expérience d'Antoine (ou Amanda)  dont le métier  a consisté à dialoguer avec les jeunes au fil des ans.  La jeunesse d'aujourd'hui n'est-elle pas un épais mystère ?  Encore ne faut-il pas faire d'amalgame parce qu'il y  a une infinie diversité parmi les jeunes. Peut-être comme on peut lire sur un autre sujet, rendront-ils hommage aux anciens une fois disparus  ? Dommage !!!

Moi, j'aurais bien aimé que tu fasses un peu plus de place à ce fameux phare

Oui, je sais, mon texte n'est pas fameux, mais le phare ne m'a pas inspirée...je n'y connais rien....
Alors j'ai détourné la consigne en pensant au sentiment de solitude.

Très intéressante exploitation de la phrase.

Mais le phare brille…
… Par son absence.


Cependant, il te sera beaucoup pardonné.

Un p'tit coup de déprime Amanda ? 

Pas du tout !

Ah bon ! Me voilà rassurée. Mais tu sais, vivement le printemps ! Et le soleil ! 

Ton idée de sentiment de solitude est intéressante car c'est bien ce que l'on ressent en regardant la photo et le gardien, tout petit, face aux éléments prêts à l'engloutir. Après tout c'est bien ça réinterpréter une consigne, non ?

Merci Nerwen !

Après le bélier contre le chêne, voilà les élèves à l’assaut du prof ! Peut-être un coup de mou dans l’inspiration, mais je suis sûr que ça ne va pas durer.