Le lutin du Chafol
+2
Nerwen
catsoniou
6 participants
Page 1 sur 1
Le lutin du Chafol
Toute aire d'autoroute qui se respecte doit aux automobilistes fatigués, ratatinés sous le soleil de plomb de ce début juillet caniculaire, l'offre de reconstitution des forces, ou pour le moins le nécessaire pour poser leurs fesses sur un de ces bancs solidaires d'une table sur laquelle déposer glacière, thermos et tutti quanti.
Pech Montat n'échappe pas à cette règle immuable. Solidement fixée au sol pour ne pas tenter les dérobeurs de tables d'aire, cet équipement bucolique, au meilleur emplacement de la clairière, invite au délassement. On lui donnerait le Bon Dieu sans confession tant elle symbolise l'innocence.
Ce fut certainement une dernière pensée sensée de quatre joyeux lurons qui, lors d'un automne récent, s'installèrent autour de ce guéridon champêtre. Entre eux, trônait le panier qui laissait s'évader une suave odeur de charcuteries, cabecous et pain cuit au feu de bois. Stoïques, deux bouteilles de Buzet attendaient qu'on les appelle à la rescousse.
En chien de bonne société, le cocker levait une truffe quémandeuse, sachant en mendiant avisé qu'une tartine ne tarderait guère à lui échoir, à moins que pingrerie aidant, il se contente d'une croûte charbonneuse ou peaux de saucisson …
Et cette éventuelle pénurie l'inquiétait : comment, avec un estomac frissonnant de gargouillis incontrôlables, serait-il en capacité de jouer son rôle de renifleur ? En l'occurrence, on comptait sur lui pour détecter têtes noires, petits bouchons ou éventuellement girolles. Car la mission des quatre passagers de la berline - non invitée au festin - consistait à ramener dans leurs foyers respectifs les champignons qui accommodent si bien les œufs.
Entrant subrepticement en scène, le Buzet, en qualité de soporifique, eut-il sa part de responsabilité dans ce qui s'ensuivit ? Le cabot eut pu affranchir le curieux, vu qu'il se tint, contraint et forcé, éloigné du nectar du Lot-et-Garonne. Hélas ! Comme son maître et ses trois compagnons, il est aujourd'hui au royaume des ombres…
Le coupable n'est guère éloigné de ces lieux proches de la foret de Turenne. Dans cette disparition, la table ne saurait esquiver sa complicité avec le lutin du Chafol, sculpteur à ses heures, et néanmoins redevable d'une obscure dette à cette table d'aire.
En fait, les quatre amateurs de Buzet, selon Dame Table de Pech Montat, méritaient une peine exemplaire pour un forfait accompli lors de la création de l'A20 : ils avaient abattu le bouquet d'arbres qui, débité, trône aujourd'hui sous cette forme ridicule de table à touristes fatigués.
Ce bouquet d'arbre, uni comme les cinq doigts de la main nourrissait une autre ambition …
A titre de consolation, le lutin du Chafol, en guise de stèle, reproduisit plus ou moins fidèlement, au sommet des souches, le portrait des quatre bûcherons qu'il affubla de couvre-chefs rappelant quelque peu têtes et queues de champignons. Quant au cocker, il porte sans sourciller entre ses deux oreilles coupée rasibus ce qui subsiste du Buzet : le bouchon du dernier carafon …
Automobilistes, sans crainte, n'hésitez pas à enfiler la bretelle de l'aire de Pech-Montat.
La table de bois a retrouvé sa sérénité à l'inverse de la maréchaussée qui, soucieuse de l'environnement et faute de réclamation des épouses des amateurs de cèpes, a fait enlever la berline avec l'idée de la fourguer aux prochaines enchères des Domaines, en vue de renflouer les fonds de ses œuvres sociales.
Ayant d'autres chats à fouetter, de temps à autre, elle poursuit ses investigations dans le vague espoir d'une piste fiable conduisant aux quatre chercheurs de champignons, évitant toutefois soigneusement les labyrinthes de la forêt de Turenne et le facétieux lutin du Chafol.
Pech Montat n'échappe pas à cette règle immuable. Solidement fixée au sol pour ne pas tenter les dérobeurs de tables d'aire, cet équipement bucolique, au meilleur emplacement de la clairière, invite au délassement. On lui donnerait le Bon Dieu sans confession tant elle symbolise l'innocence.
Ce fut certainement une dernière pensée sensée de quatre joyeux lurons qui, lors d'un automne récent, s'installèrent autour de ce guéridon champêtre. Entre eux, trônait le panier qui laissait s'évader une suave odeur de charcuteries, cabecous et pain cuit au feu de bois. Stoïques, deux bouteilles de Buzet attendaient qu'on les appelle à la rescousse.
En chien de bonne société, le cocker levait une truffe quémandeuse, sachant en mendiant avisé qu'une tartine ne tarderait guère à lui échoir, à moins que pingrerie aidant, il se contente d'une croûte charbonneuse ou peaux de saucisson …
Et cette éventuelle pénurie l'inquiétait : comment, avec un estomac frissonnant de gargouillis incontrôlables, serait-il en capacité de jouer son rôle de renifleur ? En l'occurrence, on comptait sur lui pour détecter têtes noires, petits bouchons ou éventuellement girolles. Car la mission des quatre passagers de la berline - non invitée au festin - consistait à ramener dans leurs foyers respectifs les champignons qui accommodent si bien les œufs.
Entrant subrepticement en scène, le Buzet, en qualité de soporifique, eut-il sa part de responsabilité dans ce qui s'ensuivit ? Le cabot eut pu affranchir le curieux, vu qu'il se tint, contraint et forcé, éloigné du nectar du Lot-et-Garonne. Hélas ! Comme son maître et ses trois compagnons, il est aujourd'hui au royaume des ombres…
Le coupable n'est guère éloigné de ces lieux proches de la foret de Turenne. Dans cette disparition, la table ne saurait esquiver sa complicité avec le lutin du Chafol, sculpteur à ses heures, et néanmoins redevable d'une obscure dette à cette table d'aire.
En fait, les quatre amateurs de Buzet, selon Dame Table de Pech Montat, méritaient une peine exemplaire pour un forfait accompli lors de la création de l'A20 : ils avaient abattu le bouquet d'arbres qui, débité, trône aujourd'hui sous cette forme ridicule de table à touristes fatigués.
Ce bouquet d'arbre, uni comme les cinq doigts de la main nourrissait une autre ambition …
A titre de consolation, le lutin du Chafol, en guise de stèle, reproduisit plus ou moins fidèlement, au sommet des souches, le portrait des quatre bûcherons qu'il affubla de couvre-chefs rappelant quelque peu têtes et queues de champignons. Quant au cocker, il porte sans sourciller entre ses deux oreilles coupée rasibus ce qui subsiste du Buzet : le bouchon du dernier carafon …
Automobilistes, sans crainte, n'hésitez pas à enfiler la bretelle de l'aire de Pech-Montat.
La table de bois a retrouvé sa sérénité à l'inverse de la maréchaussée qui, soucieuse de l'environnement et faute de réclamation des épouses des amateurs de cèpes, a fait enlever la berline avec l'idée de la fourguer aux prochaines enchères des Domaines, en vue de renflouer les fonds de ses œuvres sociales.
Ayant d'autres chats à fouetter, de temps à autre, elle poursuit ses investigations dans le vague espoir d'une piste fiable conduisant aux quatre chercheurs de champignons, évitant toutefois soigneusement les labyrinthes de la forêt de Turenne et le facétieux lutin du Chafol.
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: Le lutin du Chafol
Bravo ! J'adore ton histoire ! Un accent du terroir et la magie en plus, c'est un régal ( comme devait l'être le pique-nique bien arrosé des quatre compères )
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Re: Le lutin du Chafol
Je trouve que to texte est très bien illustré par la photo de la consigne. Je ne connaissais bien sûr rien de cette légende, ni de l'aire de Pech Monta. La prochaine fois que je traverserai le Lot, je m'arrêterai pour vérifier tes dires et j'aurais une pensée pour le lutin de Chafol.
Tu es un excellent chroniqueur et si j'avais l'eau à la bouche en pensant à truffes et autres bouchons (y compris ceux des bouteilles de Buzet) je me suis régalée à te lire.
Tu es un excellent chroniqueur et si j'avais l'eau à la bouche en pensant à truffes et autres bouchons (y compris ceux des bouteilles de Buzet) je me suis régalée à te lire.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: Le lutin du Chafol
La canicule t'inspire, on dirait ! Je trouve ce texte absolument remarquable à tous points de vue !
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: Le lutin du Chafol
ma grand-mère, qui a été femme de chambre au chateau de Buzet il y a bien longtemps, aurait beaucoup aimé ton histoire, cats.
elle a ce petit quelque chose de mystérieux qui plait toujours, mais tout en gardant un solide sens de l'humour, et c'est ce qui rend ton texte si plaisant à lire
quant au Buzet.... miam !!
elle a ce petit quelque chose de mystérieux qui plait toujours, mais tout en gardant un solide sens de l'humour, et c'est ce qui rend ton texte si plaisant à lire
quant au Buzet.... miam !!
Pati- Kaléïd'habitué
- Humeur : mouvante
Re: Le lutin du Chafol
Je rejoins les autres lecteurs, ton texte est parfait en tout point et on y reconnaît bien ta patte
Cette consigne était faite pour toi
Cette consigne était faite pour toi
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
|
|