A. C'était il y a un an

Ils avaient particulièrement aimé cet automne-là. Une douceur extrême, des couleurs magnifiques. Un véritable été de la Saint Martin.

Elle avait sillonné la forêt au-dessus, appareil photo en main. Elle en avait tiré deux posters. La frondaison rouille d’un hêtre illuminée par les rayons de soleil et une vue d’ensemble de la hêtraie avec ses futs gris dominant un tapis de feuilles mortes.

Ils avaient accueillis leurs petits-enfants le temps des vacances scolaires. Cueillette de champignons,  parties de ballon, cavalcade dans la hêtraie. Il les avait emmenés au belvédère de la petite chapelle. Il leur avait montré le Mont Blanc au loin, majestueux, éclatant de blancheur, quasi à portée de main. Il leur avait cité les différents sommets des Alpes, le Vercors avec le Grand Veymont et plus au Sud les trois becs de la forêt de Saou. Il leur avait promis de les amener là-haut l’été prochain.

Les enfants partis leur maison avait retrouvé sa tranquillité. Ils ont installé leur salon de jardin sur le terre-plein. La douceur persistante les avait incités à s’installer ici face aux collines. Ils lisaient ou alors laissaient leur regard glisser sur le paysage. Parfois quelques feuilles tournoyaient autour d’eux avant de se déposer sur le sol. Bientôt eux aussi allaient devoir repartir.

C’était il y a un an. Ils ne reviendront plus. Leurs vies se sont brutalement arrêtées un soir de novembre sur la terrasse d’un café parisien.

Je n’ai pas eu le cœur de rentrer la table et les chaises. Elles se sont enfoncées dans le sol et font maintenant partie intégrante du paysage. Le soleil de l’été en a écaillé la peinture. Du vers de gris commence à se déposer sur les fauteuils en fer forgé. Parfois il me semble les voir assis là et les entendre parler à voix basse.

Tu dépeins un tableau dont on devine chaque détail, c'est superbe, et puis tout à coup le monde s'écroule. C'est d'une simplicité et d'un efficacité effrayante.

Un texte très beau et très percutant.

Un très beau texte empreint d'une terrible réalité. Un beau moment de lecture aussi.

Sherkane, ce qui m'interpelle, c'est combien cette photo de paysages  alpins *   se rapproche de paysages de chez nous, à des centaines de kilomètres.

Des noms de chez nous  qui y  ressemblent : le Puy de Toul ou le Puy du Pont, la Méchaussée. Et en balade avec des amis, il m'arrive de leur dire :
- vous voyez là-bas, c'est Ligneyrac, la commune aux trois chateaux, ou Turenne et  l'histoire de sa vicomté, ou encore le chateau de Langlade où il y avait le Maquis  qui a servi de point de départ à mon 2ème roman ...

Quant au lien avec les évènements dramatiques récents,  elle est très percutant parce que très plausible.

Combien de vies ont été ainsi brutalement arrêtées par la folie d'hommes téléguidés par des monstres ?

De ton texte se dégage malgré tout une certaine sérénité, ce qui fait que je l'aime beaucoup.
Peu d'importance mais je me suis demandé pourquoi tu écris "il y a un an".

Belle et sensible évocation ce coin de nature et la paisible vie familiale qui s’y déroulait, dont ne reste plus que cette table et ces chaises. Et le Haïku exprime l’essence du texte avec justesse et sobriété comme ils savent si bien le faire.

Ton texte tire sa force percutante de sa simplicité descriptive.
Des gens ordinaires comme nous le sommes, comme ils étaient tous, et puis l'horreur.

Une douceur d'existence virant au cauchemar, et tout cesse.....

Terrible !