A- Vendredi 13

Le 13 tombe un vendredi et nous sommes treize à table ! Je me demande bien ce qui va encore m’arriver ?
Je n’aime pas les vendredis 13. Surtout si je dois passer sous une échelle avec un chat noir sous le bras. Ridicule, me direz-vous. Et le ridicule ne tue pas ! Cependant, j’ai constaté que le chiffre 13 ne me portait pas chance. La dernière fois, j’ai joué toute ma paie au loto. Et bien j’ai perdu ! Obligée de manger des patates tout le mois.
Heureusement la fois d’avant, nous étions treize à table et ma grand-mère (qui était la treizième) est décédée la semaine suivante, me laissant un copieux héritage. Cela m’a un peu consolé de l’avoir perdu, et du coup atténué la perte due à ces jeux de hasard que tant de monde affectionne.
Cette fois ci, je suis en bout de table et la dernière à avoir pris place. Sûr, la catastrophe est imminente. Vais-je me recevoir une saucière sur la tête ?
Pire avoir les pieds écrasés par cette charmante créature qui déambule l’air pressé ?
Vais-je tomber à la renverse quand le serveur va m’apporter l’addition, le nez dans le caniveau, sans que Rousseau n’y soit pour quelque chose ?  
Vais-je devoir faire la plonge quand mes amis de comptoir (non, pardon nous sommes en terrasse) m’auront laissée choir ?
Et si la catastrophe n’est pas pour maintenant, cela ne saurait tarder. De loin je vois le regard de Jean Louis, tourné vers Sandra. Ces deux-là semblent bien complices. Eho ! Sandra ! Jean Louis, il est pour moi ! C’est ma chasse gardée. Mon jardin secret. Mon César. Tu n’as pas le droit d’y toucher ! Occupes toi donc plutôt de ton voisin de gauche qui te reluque derrière ses lunettes noires !
J’avais accepté cette invitation uniquement parce qu’il était là Jean Louis. Je passais devant le bistrot de la gare quand je les ai vu tous attablés, alors je me suis assise. C’est pour ça que je suis tout au bout et la treizième de surcroit. Sinon, j’allais de ce pas directement chez mon banquier, chercher mes derniers francs (enfin ceux de la grand-mère).  Mais s’ils ne se dépêchent pas de siroter leur boisson gazeuse, les autres là bas, la banque va être fermée quand j’arriverais.
Il ne me restera plus qu’à faire la manche à nouveau. Il faudra que je fasse bien attention, car la dernière fois, je me suis faite voler mon blouson, celui que Jean Claude, mon petit ami, m'avait laissé, avant de sauter dans la Seine. C’était aussi un vendredi 13 !