A - Derrick, vous avez dit derrick ?

"L'inspecteur Derrick veut de parler."

J'étais tranquillement en train de finir de peindre l'enseigne qui devait servir de maquette pour ma future chaîne de distribution, lorsque mon assistant me lança cette phrase sibylline.

Un inspecteur ? Un inspecteur de quoi ? De police, des travaux finis, des impôts. Non mais franchement, il aurait pu demander, je le paye pour quoi cet incapable ?

Laissant là mes pinceaux, je me dirige vers mon bureau.

Là, je tombe nez à nez avec…, voyons comment le décrire sans être trop méchante ? Un échalas, un épouvantail, un croque-mort ? Un mélange de tout ça en fait.

Donc, me voilà avec un inspecteur de je ne sais trop quoi, grand, très grand, filiforme, très filiforme, habillé en noir plus d'espoir, le nez … enfin, un nez et des yeux probablement foncés mais tellement enfoncés sous les sourcils que j'ai du mal à les distinguer.

Une chose est sûre, il me donne le frisson.

Alors que je vais pour le saluer, sa voix réfrigérante me gèle sur place.

"Enchanté. Thomas Derrick 13ème du nom, inspecteur des derricks."

Voui, voui, voui, mais encore ?

Il reprend.
"J'ai entendu dire que vous aviez installé deux derricks dans cette ville. Je venais vérifier s'ils étaient bien conformes. Comme vous devez le savoir, il est important que l'installation soit suffisamment solide pour hisser ou laisser tomber les sujets et supporter ces charges, parfois plusieurs mois."

Alors là, je sens que des points d'interrogation me sortent par les oreilles. Non mais, il me veut quoi ce gugusse ? En quoi mes derricks l'intéressent-il. Jusqu'à preuve du contraire j'ai eu toutes les autorisations nécessaires pour construire et exploiter mon gisement. J'ouvre la bouche pour remettre ce grand flandrin à sa place, lorsqu'il reprend, l'air rêveur.

"Ceci dit, je ne savais pas que la peine de mort avait été rétablie dans votre pays."

Dans ma tête résonne à la fois les musiques de X-files et de la Quatrième Dimension, je balbutie.
"La peine de mort ? Mais que racontez-vous ?"

Il me regarde sévèrement.
"Vous avez bien installé des derricks !"
"Euh ! Oui."
"Donc, vous devez être la bourrelle chargée des hautes œuvres en ce lieu."

Ca y est, maintenant j'en suis sûre j'ai basculé dans un monde parallèle.

Et là, miracle !

Mon assistant me tend son smartphone, dessus une définition de google : Derrick "Mot anglais qui a d'abord signifié « potence, gibet », de Thomas Derrick, nom d'un célèbre bourreau du XVIIe siècle".

Péniblement, nous arrivons à expliquer à cet échappé de l'asile le quiproquo né de cette étymologie tendancieuse et nous le voyons franchir notre porte en marmottant dans la barbe qu'il n'a pas des mots où il est question de pendaison, de cols, de cordes et autres joyeusetés.

Je félicite mon assistant pour sa présence d'esprit, l'augmente derechef de 5 € par mois et retourne dans mon atelier terminer mon projet d'enseigne.

C'est que mine de rien, le forage des premiers puits de bière du monde est presque terminé et nos derricks vont bientôt pouvoir abreuver les assoiffés de la planète !

Je sais, j'ai très peu mis en avant la photo, mais le mot Derrick m'a plus inspirée qu'elle, vous voudrez bien m'excuser pour cette entorse à la consigne.