A Derrière la porte

Chaque fois que je l’imagine à distance, je ne la vois pas lisant un journal, mais un livre.
Journal, c’est synonyme de mauvaises nouvelles.
Journal, ça veut dire bombes et morts
Le journal, c’est tout ce qu’elle peut croiser tous les jours de ce côté-ci de la porte, dans ce monde gris et sinueux.
Avec le journal elle risque à tout moment l’ensablement définitif.
Et il m’est impossible de l’imaginer ensablée.
Elle, elle n’abandonne jamais, elle s’accroche à ses rêves et à ses espoirs avec l’énergie du désespoir.
Alors le journal, c’est non ! Je refuse catégoriquement de lui coller entre les mains un pauvre journal triste.
Non, quand je l’imagine c’est un livre à la main, là-bas, de l’autre côté de la porte qu’elle a enfin franchie.
Elle a laissé derrière elle le grand désert noir et dangereux.
Elle est simplement adossée à un arbre.
Elle se chauffe aux doux rayons du soleil.
Elle sourit en découvrant les personnages de son livre.
Elle est apaisée et détendue.

Chaque fois que je lève les yeux, elle est là, assise bien droite sur une mauvaise chaise en métal.
L’oeil inquiet, elle parcourt fébrilement les papiers soigneusement rangées dans une vieille chemise cartonnée.
Elle scrute avec une angoisse non dissimulée cette porte obstinément close.
Autour d’elle on s’agite et on parle dans toutes les langues du monde. Chacun porte sur soi l’inquiétude…
Derrière cette porte se jouent tant de destins….
La réalité est bien trop douloureuse pour que j’accepte de l’imaginer lisant un journal.

Non, chaque fois que je l’imagine à distance, elle ou une de ses semblables, c’est un livre à la main et un sourire aux lèvres, le sourire de celle qui est enfin arrivée dans un havre de paix.

un très beau texte sur un sujet qui t'est cher. et qui dit à petites touches tout le courage qu'il faut pour parfois franchir une simple porte...

Toute la misère du monde racontée avec un infini raffinement....

Pour moi un hymne à l'amour de la lecture.
Magnifique!

Ah les pauvres journaleux !


On se doute évidemment qu'elle lit Proust...


et toujours écrit de ta jolie plume

Je suis contente que tu écrives à nouveau Mad. c'est l'effet marathon ça. Alors merci à Alainx

J'ai d'abord pensé que tu parlais de ta moitié. C'était déjà un beau texte, plein d'espoir et d'amour.
Et dans la seconde partie je me rends compte que tu parles d'une autre femme. Et le texte prend encore plus de sens. Et ton texte n'en est que plus beau

Le livre comme moyen d'échapper à la misère du monde, c'est si bien écrit !

Merci à tous.
@Cassy: l'effet marathon oui, mais pas que... ça me manquait vraiment de ne plus écrire ici!

Je suis d'accord avec toi . Rien de mieux qu'un bon livre pour oser penser et rêver qu'il existe un monde meilleur plus beau et plus serein.
C'est un très beau texte qui m'a fait rêver !

Journal, c’est synonyme de mauvaises nouvelles.

Hélas, c'est assez vrai ...

On peut regretter le temps où il y  avait les feuilletons  qui donnaient un attrait au journal
à l'époque où l'audiovisuel  n'occupait pas l'espace.

Aujourd'hui, il reste les mots fléchés et autres sudoku ...
Et sur les quotidiens régionaux, il y  a une page très consultée
et qui, certainement, fait vendre du papier  : les avis d'obsèques .

Les livres qui la mettent en communion avec le monde qui lui est ouvert depuis qu'elle a osé franchir la porte. C'est beau et tout en délicatesse.

Franchir cette porte vers une sorte de jardin d'Eden, l'imaginaire... Fuir la dure réalité en parcourant les pages d'un livre...

Choisir son monde, choisir ce qui fait du bien.... les livres peuvent être de fabuleux dépaysements. Beau texte Madeleine, contente que Kalé t'ait manqué et que tu reviennes écrire ici.