A- La pièce du fond
+8
catsoniou
Zéphyrine
Charlotte
Amanda.
madeleinedeproust
Nerwen
Pati
Cassy
12 participants
Page 1 sur 1
A- La pièce du fond
Chaque fois que je l'imagine à distance, je ne la vois pas lisant un journal mais un livre.
Je l’imagine laisser son époux dans le salon, trop occupé avec la page sport de son quotidien pour la voir s’éloigner.
Elle se dirigerait vers la pièce du fond d’une démarche aussi gracieuse que l’est sa main lorsqu’elle la tend vers moi pour caresser avec infiniment de douceur une joue rougie par le froid du dehors.
Elle pousserait la porte avec autant de délicatesse que lorsqu’elle essuie du bout de ses doigts fins la goutte de pluie accrochée à mes cils.
Je l’imagine parcourir de son regard clair les étagères de la bibliothèque, allant d’un roman à l’autre, d’un titre à l’autre, d’un auteur à l’autre, à la recherche du livre qui ferait vibrer son cœur et l’emporterait ailleurs, à des années lumières de la vie étriquée qu’elle s’est fabriquée.
Je l’imagine s’en remettre finalement au hasard et se saisir d’un ouvrage, sans en regarder le titre ni l’auteur.
Elle s’installerait confortablement sur le fauteuil à bascule, tout près de la fenêtre pour bénéficier de la lumière du jour.
Il y a plusieurs fauteuils dans la pièce mais celui-ci est son préféré. Il a toujours été là, au même endroit. Elle y a attendu son amant, elle y a bercé ses enfants, elle y a pleuré d’ennui et aussi de désespoir. Elle y a dormi, rêvé, espéré. C’est tout contre son coussin moelleux qu’elle s’enfoncerait entre les lignes et qu’elle oublierait tout le reste.
Car une fois la première page tournée, je l’imagine disparaitre de la surface du monde réel, et se laisser porter par les mots. Plus rien ne compterait pour elle que la phrase d’après, la page d’après, le chapitre suivant.
J’imagine que sans les livres, elle serait comme une fleur de tournesol sans soleil, elle se recroquevillerait et je ne verrais plus ni le bleu de ses yeux, ni le rouge de ses lèvres, ni le noir profond de ses cheveux.
Parfois, lorsque j’ai la chance d’être auprès d’elle, je l’observe feuilleter les pages, le regard dans le vague. Alors je ressens cette immense tristesse qui l’envahit. Elle me parait si fragile que j’ai envie de la prendre dans mes bras, de la serrer fort contre moi et de lui dire que je l’aime si fort que tout cela n’est pas si grave. Rien n’a plus d’importance que l’amour qu’elle m’offre depuis tant d’années.
Mais je sais au fond de moi sa souffrance profonde. Maman ne sait pas lire et c’est tout un monde qui lui échappe.
Alors je l’imagine lire, pas un journal mais un livre, un roman qui l’emporterait loin, très loin de la vie étriquée qu’elle s’est fabriquée.
Je l’imagine laisser son époux dans le salon, trop occupé avec la page sport de son quotidien pour la voir s’éloigner.
Elle se dirigerait vers la pièce du fond d’une démarche aussi gracieuse que l’est sa main lorsqu’elle la tend vers moi pour caresser avec infiniment de douceur une joue rougie par le froid du dehors.
Elle pousserait la porte avec autant de délicatesse que lorsqu’elle essuie du bout de ses doigts fins la goutte de pluie accrochée à mes cils.
Je l’imagine parcourir de son regard clair les étagères de la bibliothèque, allant d’un roman à l’autre, d’un titre à l’autre, d’un auteur à l’autre, à la recherche du livre qui ferait vibrer son cœur et l’emporterait ailleurs, à des années lumières de la vie étriquée qu’elle s’est fabriquée.
Je l’imagine s’en remettre finalement au hasard et se saisir d’un ouvrage, sans en regarder le titre ni l’auteur.
Elle s’installerait confortablement sur le fauteuil à bascule, tout près de la fenêtre pour bénéficier de la lumière du jour.
Il y a plusieurs fauteuils dans la pièce mais celui-ci est son préféré. Il a toujours été là, au même endroit. Elle y a attendu son amant, elle y a bercé ses enfants, elle y a pleuré d’ennui et aussi de désespoir. Elle y a dormi, rêvé, espéré. C’est tout contre son coussin moelleux qu’elle s’enfoncerait entre les lignes et qu’elle oublierait tout le reste.
Car une fois la première page tournée, je l’imagine disparaitre de la surface du monde réel, et se laisser porter par les mots. Plus rien ne compterait pour elle que la phrase d’après, la page d’après, le chapitre suivant.
J’imagine que sans les livres, elle serait comme une fleur de tournesol sans soleil, elle se recroquevillerait et je ne verrais plus ni le bleu de ses yeux, ni le rouge de ses lèvres, ni le noir profond de ses cheveux.
Parfois, lorsque j’ai la chance d’être auprès d’elle, je l’observe feuilleter les pages, le regard dans le vague. Alors je ressens cette immense tristesse qui l’envahit. Elle me parait si fragile que j’ai envie de la prendre dans mes bras, de la serrer fort contre moi et de lui dire que je l’aime si fort que tout cela n’est pas si grave. Rien n’a plus d’importance que l’amour qu’elle m’offre depuis tant d’années.
Mais je sais au fond de moi sa souffrance profonde. Maman ne sait pas lire et c’est tout un monde qui lui échappe.
Alors je l’imagine lire, pas un journal mais un livre, un roman qui l’emporterait loin, très loin de la vie étriquée qu’elle s’est fabriquée.
Cassy- Admin
- Humeur : Déterminée
Re: A- La pièce du fond
il y a des rêves qu'on voudraient réels, ô combien... j'aime comme tu décris ce qu'elle aurait pu ressentir, ses vibrations, son immersion. c'est très doux, et très beau
je vois qu'encore une fois, nos muses ont cheminé sur un sentier parallèle. j’arrête de m'en étonner.
et pour le sourire, je me suis demandé en lisant la description, si d'un coup tu n'étais pas devenue la fille de blanche-neige ^^
je vois qu'encore une fois, nos muses ont cheminé sur un sentier parallèle. j’arrête de m'en étonner.
j'aime cette phraseJ’imagine que sans les livres, elle serait comme une fleur de tournesol sans soleil, elle se recroquevillerait et je ne verrais plus ni le bleu de ses yeux, ni le rouge de ses lèvres, ni le noir profond de ses cheveux.
et pour le sourire, je me suis demandé en lisant la description, si d'un coup tu n'étais pas devenue la fille de blanche-neige ^^
Pati- Kaléïd'habitué
- Humeur : mouvante
Re: A- La pièce du fond
Ton texte m'a touchée , il s'en dégage une émotion rare, en particulier dans les deux dernières phrases:
"Mais je sais au fond de moi sa souffrance profonde. Maman ne sait pas lire et c’est tout un monde qui lui échappe.
Alors je l’imagine lire, pas un journal mais un livre, un roman qui l’emporterait loin, très loin de la vie étriquée qu’elle s’est fabriquée. "
J'aime à penser que l'objet livre lui apportait aussi du bonheur par la puissance de l'imagination...
"Mais je sais au fond de moi sa souffrance profonde. Maman ne sait pas lire et c’est tout un monde qui lui échappe.
Alors je l’imagine lire, pas un journal mais un livre, un roman qui l’emporterait loin, très loin de la vie étriquée qu’elle s’est fabriquée. "
J'aime à penser que l'objet livre lui apportait aussi du bonheur par la puissance de l'imagination...
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Re: A- La pièce du fond
La chute m'a mis une belle claque....
madeleinedeproust- Kaléïd'habitué
- Humeur : littéraire
Re: A- La pièce du fond
A moi aussi !
Je suis émue, chamboulée, je pense que les comm's précédents ont tout dit ou presque...
Je suis émue, chamboulée, je pense que les comm's précédents ont tout dit ou presque...
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: A- La pièce du fond
Ton texte m'a bouleversée. Il est très émouvant et puis la fin m'a laissée sans voix je l'ai relu deux fois pour être sûre d'avoir bien lu.
Merci pour ce beau texte.
Merci pour ce beau texte.
Charlotte- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A- La pièce du fond
Cassy, il me semble que c'est le plus beau texte que j'ai lu de toi.
Je l'ai relu trois fois sans me lasser...
Tu es vraiment tès inspirée en ce moment.
Je l'ai relu trois fois sans me lasser...
Tu es vraiment tès inspirée en ce moment.
Zéphyrine- Modératrice écriture libre
- Humeur : Méditerranéenne
Re: A- La pièce du fond
ne sait pas lire et c’est tout un monde qui lui échappe.
L'insuffisance de lecture chez nos contemporains ne puise-t-elle pas ici, en partie, sa source
d'une part, parce que l' illetrisme n'est peut être pas tellement en recul
et aussi parce que du déchiffrage à la compréhension d'un texte sur des centaines de pages, il y a un pas qu'on hésite à franchir. Et puis, comme en matière de cuisine avec les plats tous prêts, il y a la télé, Internet et les jeux de toutes sortes ...
Sinon, ton sujet est très émouvant
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: A- La pièce du fond
ton texte est bien construit, laissant l'interrogation sur le personnage jusqu'à la fin
la fin est inattendue et émouvante
la fin est inattendue et émouvante
Coumarine- Kaléïd'habitué
- Humeur : concentrée
Re: A- La pièce du fond
Très très émouvant, vraiment. Un texte magnifique Cassy.
virgul- Kaléïd'habitué
- Humeur : optimiste
Re: A- La pièce du fond
La fin, inattendue, nous scotche car on ne peut imaginer une vie sans lire et, pourtant, cela existe...
Myrte- Kaléïd'habitué
- Humeur : Curieuse
Re: A- La pièce du fond
Moi aussi, je suis touchée par ton très beau texte plein de douceur, de tendresse et un lien fort qui vous unit, merveilleusement tangible à travers tes mots posés.
Mesange- Kaléïd'habitué
- Humeur : en phase de reconcentration
Sujets similaires
» Au fond du verre
» A- Au fond du pré de mes Enclos
» B- le fond de mon jardin
» B. Au fond des jardins
» B-Au fond du jardin
» A- Au fond du pré de mes Enclos
» B- le fond de mon jardin
» B. Au fond des jardins
» B-Au fond du jardin
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
|
|