A. Arthur
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FrançoiseB
Myrte
Cassy
Zéphyrine
AlainX
Amanda.
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A. Arthur
1910 :
Arthur a 18 ans. Il est menuisier dans le petit village de Flandres où il est né.
Apprenti à 14 ans, après l’école primaire d’où il est sorti parmi les meilleurs.
Mais dans la famille, on a besoin de lui depuis que le père est tombé d’une échelle et décédé sur le coup.
Arthur est un fringant jeune homme, grand, beau et sa moustache frisottante tourne la tête aux filles, en particulier à Emilie, qu’il « fréquente ».
C’est un doux, Arthur, jamais un mot plus haut que l’autre, le préféré de sa mère Henriette, qui en a eu quatre.
Le plus proche aussi de la petite dernière, Juliette, une gamine de 10 ans qui n’a d’yeux que pour lui.
En Belgique à l’époque, le service militaire n’est pas obligatoire : l’appelé peut se faire remplacer par plus pauvre que lui, moyennant une coquette somme d’argent.
Arthur aurait pu ne pas y aller, vu sa situation familiale.
Mais Arthur ne se dérobe pas, il y va. Car il y croit à sa Belgique, à sa patrie, à son armée qui ne doit pas être constituée uniquement de ratés ou de paumés.
Arthur n’écoute personne, ni Henriette, ni Juliette. Et si les pleurs d’Emilie lui pincent le cœur, il part quand même. Il ne la fuit pas, non, le mariage se fera dans quatre ans.
Un homme peut bien donner quatre ans de sa vie à son pays.
Arthur est têtu, convaincu, patriote dans l’âme.
1914 :
Quelques jours avant sa démobilisation, l’Allemagne déclare la guerre à la Belgique.
Et Arthur en reprend pour…quatre ans !
Il ne sait pas au juste ce qui l’attend.
Quatre ans de tranchées dans l’Yser, de boue humide, quatre ans de froid, la peur au ventre, la faim tout le temps et la crasse, la vermine…
Un obus siffle à son oreille gauche et en arrache un morceau, le laissant sourd à vie d’un côté.
1918 :
Arthur rentre enfin, amaigri, malade, sans forces.
Emilie est partie, mariée à un Français de Roubaix.
Henriette aussi, minée par l’attente et le chagrin.
Ne reste que Juliette, devenue une jolie femme mais qui refuse de se marier.
Elle restera aux côtés d’Arthur jusqu’à ce que la mort les sépare.
Arthur aussi reste vieux garçon. Il fait des affaires, ouvre une briquetterie qui fait travailler les villageois. Il s’y rend chaque jour à vélo et par tous les temps.
Il est élu bourgmestre ( maire) et couvert de décorations par le Roi Albert Ier, le Roi Chevalier et la Reine Elisabeth, la Reine Infirmière, qu’il vénère.
Arthur devient un « Ancien Combattant » et ne rate aucune célébration de l’ Armistice ni aucune réunion.
Arthur vivra jusqu’en 1965, entouré du respect de tous et de l’affection des siens. Juliette le dorlotera jusqu’à son propre épuisement quelques années plus tôt. Il encaissera le choc de sa disparition avec dignité.
Une de ses nièces prendra alors soin de lui au village.
Son autre nièce habitait Bruxelles. C’était ma mère.
Arthur était mon parrain. Il m’a légué son histoire, ses médailles et ses croix de guerre.
Quand je les contemple ce soir, je le revois, me souriant tristement en me caressant les cheveux (j’étais toute gamine), tout en tirant lentement une bouffée de ces cigares qui ne le quittaient jamais.
Tristement ?
Qu’est-ce que j’en sais ?
Arthur, mon parrain, as-tu été heureux ?
Arthur a 18 ans. Il est menuisier dans le petit village de Flandres où il est né.
Apprenti à 14 ans, après l’école primaire d’où il est sorti parmi les meilleurs.
Mais dans la famille, on a besoin de lui depuis que le père est tombé d’une échelle et décédé sur le coup.
Arthur est un fringant jeune homme, grand, beau et sa moustache frisottante tourne la tête aux filles, en particulier à Emilie, qu’il « fréquente ».
C’est un doux, Arthur, jamais un mot plus haut que l’autre, le préféré de sa mère Henriette, qui en a eu quatre.
Le plus proche aussi de la petite dernière, Juliette, une gamine de 10 ans qui n’a d’yeux que pour lui.
En Belgique à l’époque, le service militaire n’est pas obligatoire : l’appelé peut se faire remplacer par plus pauvre que lui, moyennant une coquette somme d’argent.
Arthur aurait pu ne pas y aller, vu sa situation familiale.
Mais Arthur ne se dérobe pas, il y va. Car il y croit à sa Belgique, à sa patrie, à son armée qui ne doit pas être constituée uniquement de ratés ou de paumés.
Arthur n’écoute personne, ni Henriette, ni Juliette. Et si les pleurs d’Emilie lui pincent le cœur, il part quand même. Il ne la fuit pas, non, le mariage se fera dans quatre ans.
Un homme peut bien donner quatre ans de sa vie à son pays.
Arthur est têtu, convaincu, patriote dans l’âme.
1914 :
Quelques jours avant sa démobilisation, l’Allemagne déclare la guerre à la Belgique.
Et Arthur en reprend pour…quatre ans !
Il ne sait pas au juste ce qui l’attend.
Quatre ans de tranchées dans l’Yser, de boue humide, quatre ans de froid, la peur au ventre, la faim tout le temps et la crasse, la vermine…
Un obus siffle à son oreille gauche et en arrache un morceau, le laissant sourd à vie d’un côté.
1918 :
Arthur rentre enfin, amaigri, malade, sans forces.
Emilie est partie, mariée à un Français de Roubaix.
Henriette aussi, minée par l’attente et le chagrin.
Ne reste que Juliette, devenue une jolie femme mais qui refuse de se marier.
Elle restera aux côtés d’Arthur jusqu’à ce que la mort les sépare.
Arthur aussi reste vieux garçon. Il fait des affaires, ouvre une briquetterie qui fait travailler les villageois. Il s’y rend chaque jour à vélo et par tous les temps.
Il est élu bourgmestre ( maire) et couvert de décorations par le Roi Albert Ier, le Roi Chevalier et la Reine Elisabeth, la Reine Infirmière, qu’il vénère.
Arthur devient un « Ancien Combattant » et ne rate aucune célébration de l’ Armistice ni aucune réunion.
Arthur vivra jusqu’en 1965, entouré du respect de tous et de l’affection des siens. Juliette le dorlotera jusqu’à son propre épuisement quelques années plus tôt. Il encaissera le choc de sa disparition avec dignité.
Une de ses nièces prendra alors soin de lui au village.
Son autre nièce habitait Bruxelles. C’était ma mère.
Arthur était mon parrain. Il m’a légué son histoire, ses médailles et ses croix de guerre.
Quand je les contemple ce soir, je le revois, me souriant tristement en me caressant les cheveux (j’étais toute gamine), tout en tirant lentement une bouffée de ces cigares qui ne le quittaient jamais.
Tristement ?
Qu’est-ce que j’en sais ?
Arthur, mon parrain, as-tu été heureux ?
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: A. Arthur
Un destin singulier que celui d'Arthur.
Merci de nous faire partager ce morceau d'histoire, en mémoire de tous ces anonymes qui ont combattu.
Il avait une sacrée trempe le Arthur ! Un filleul émérite !
C'est un peu en marge :
mais quelle étrange loi était offerte de payer quelqu'un pour aller (éventuellement) à la guerre à sa place en le payant…
je n'avais jamais entendu parler de ce possible chez vous.
Merci de nous faire partager ce morceau d'histoire, en mémoire de tous ces anonymes qui ont combattu.
Il avait une sacrée trempe le Arthur ! Un filleul émérite !
C'est un peu en marge :
mais quelle étrange loi était offerte de payer quelqu'un pour aller (éventuellement) à la guerre à sa place en le payant…
je n'avais jamais entendu parler de ce possible chez vous.
AlainX- Kaléïd'habitué
- Humeur : stable
Re: A. Arthur
Tu nous racontes avec beaucoup de simplicité l'histoire d'Arthur.
Je me demande comme toi s' il a été heureux...Il devait avoir la satisfaction quand même du devoir accompli, comme beaucoup de soldats à cette époque.
Quel retour frustrant!
Je me demande comme toi s' il a été heureux...Il devait avoir la satisfaction quand même du devoir accompli, comme beaucoup de soldats à cette époque.
Quel retour frustrant!
Zéphyrine- Modératrice écriture libre
- Humeur : Méditerranéenne
Re: A. Arthur
J'ai les larmes aux yeux en lisant l'histoire d'Arthur. Je te vois avec dans les mains les médailles de guerre, juste avant ou peut-être juste après avoir écrit ce texte.
Arthur a pas mal de choses en commun avec mon Gabriel qui fut aussi élu maire de sa commune. Il fut aussi grièvement blessé par 2 fois. Mon Gabriel s'est marié très tard (39 ans). sans doute le traumatisme de cette boucherie qui les a fait se renfermer pendant des années.
Ils ont peut-être combattu ensemble, car Gabriel parle souvent dans ses lettres de la Belgique et du vin qui y est trop cher
Merci pour ce beau témoignage
Arthur a pas mal de choses en commun avec mon Gabriel qui fut aussi élu maire de sa commune. Il fut aussi grièvement blessé par 2 fois. Mon Gabriel s'est marié très tard (39 ans). sans doute le traumatisme de cette boucherie qui les a fait se renfermer pendant des années.
Ils ont peut-être combattu ensemble, car Gabriel parle souvent dans ses lettres de la Belgique et du vin qui y est trop cher
Merci pour ce beau témoignage
Cassy- Admin
- Humeur : Déterminée
Re: A. Arthur
Oui, merci pour ce très beau témoignage et partage, Amanda !
Chacun de nos récits rend hommage à tous ces hommes tous différents mais pourtant si proches...
Chacun de nos récits rend hommage à tous ces hommes tous différents mais pourtant si proches...
FrançoiseB- Kaléïd'habitué
- Humeur : Sereine
Re: A. Arthur
Quelle force ton parrain Arthur! Une trempe qui force l'admiration. J'ai aussi une pensée particulière pour sa soeur Juliette qui l'a accompagné jusqu'à sa fin. Merci de nous avoir restitué ces beaux portraits.
virgul- Kaléïd'habitué
- Humeur : optimiste
Re: A. Arthur
Quelle force il a du lui falloir pour se relever et quelle tendresse de la part de sa jeune soeur, comme avec Zéphyrine j'ai encore la larme à l'oeil. Assez bizarrement je suis bien plus émue par le récit des retours que par les horreurs des tranchées !
Martine27- Kaléïd'habitué
- Humeur : Carpe diem
Re: A. Arthur
En Belgique à l’époque, le service militaire n’est pas obligatoire : l’appelé peut se faire remplacer par plus pauvre que lui, moyennant une coquette somme d’argent.
Cette pratique existait en France sous Napoléon III : Arnaud, mon arrière grand père, simple journalier agricole, partit à la place d'un autre qui avait tiré un mauvais numéro. Engagé en 1850 pour sept ans, il renouvela pour sept autres années. Affecté à la Garde Impériale, il connut Sébastopol ... et la guerre de Crimée. Revenu indemne, il s'éteignit en 1905 à 75 ans ...
dans le récit d'Amanda, on retrouve une vie d'ancien combattant qui joua un rôle important dans la vie de sa localité. Selon, des ouvrages d'après la guerre de 14-18, les anciens combattants regroupés dans des Associations jouèrent un rôle important ...
L'histoire valait d'être contée !
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: A. Arthur
Je vois bien cette main d'homme, de l'âge d'un grand-père, caresser les cheveux d'une petite fille. Avec un mouvement doux, léger, le sourire un peu triste aux lèvres.
Mon grand-père avait le même.
Mon grand-père avait le même.
Chimilouve- Prend ses marques
- Humeur : curieuse
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