Lettre à moi pour conjurer le sort
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Admin
Amanda.
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Lettre à moi pour conjurer le sort
Chère moi,
Ce soir, il est tard, et j’ai peur. Je m’écris cette lettre pour me rassurer, je sais bien que je ne peux pas communiquer avec un moi qui serait plus âgé, ce serait de la science-fiction. Je ne sais pas si mes goûts vont changer à ce point, mais pour l’instant c’est un genre que je ne supporte pas. Bref, si je t’écris ce soir, moi du futur, c’est que j’ai peur et personne à qui parler, et comme j’aime être originale, au lieu de simplement me parler à moi-même, je me parle à un moi-même du futur.
Pourquoi j’ai peur ? Tu le sais. Je reviens de chez le médecin, et encore une fois il m’a dit que si j’ai si mal au ventre, c’est psychologique. Il me croit folle ou quoi ? Et si je l’étais au fond ? Tu comprends pourquoi j’ai peur. Tu comprends pourquoi je n’ose en parler à personne. Oui tu comprends forcément tu es moi. J’ai vraiment peur. Et si le médecin avait raison ? Si j’étais folle ? J’ai de plus en plus peur, de son diagnostic, mais aussi de moi-même. Je ne sais pas de quoi je serai capable s’il avait raison. La période noire est passée pourtant. J’espère que tu ne te souviens même plus ce que c’est. Ça a été trop dur. Je me sens idiote de t’écrire aujourd’hui, mais qui sais, ça sera peut-être une preuve de plus de ma folie…
Les fous ont-ils des projets ? Moi je veux toujours être médecin légiste. Oui on est d’accord, ça n’atteste en rien de ma santé mentale. Ça pencherait même plutôt vers le mauvais côté de la balance. Les fous aiment-ils ? Moi je sais que j’aime Kévin, et ça durera toujours, je le sais, je le sens au plus profond de moi, j’en suis sûre et certaine, si tu pouvais me répondre, tu me dirais qu’il va bien et qu’il est à côté de toi. Les fous pensent-ils ? Moi je ne fais que ça, toute la journée je me pose mille questions auxquelles je ne sais pas répondre, notamment pleins de questions sur la folie. Si tu étais là, j’aimerai te poser une seule et unique question : « est-ce que je suis folle ? » et je n’aimerai entendre qu’une seule réponse « non ».
J’ai quinze ans, je sais bien que tout cela est enfantin, mais j’avais besoin de m’épancher sur ce que je ressens, parce que je n’ai personne à qui parler. Je me suis encore disputée avec Marine et Pauline il y a deux jours, et maman, j’espère que ça changera, maman a l’air de ne rien comprendre à ma vie et à mes doutes. Maman travaille et elle est fatiguée, mais plus que ça j’ai l’impression qu’elle s’en fout. Quant à parrain, il est loin et j’ai peur de lui en parler parce que je sais qu’il me dira que si je suis folle c’est juste de penser que je peux l’être. Et puis marraine, n’en parlons pas, elle est encore en voyage je sais pas où, ce n’est vraiment pas pratique pour parler et s’interroger. *
Je me pose beaucoup de question sur moi, mais aussi sur toi. Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? Combien d’enfants Kévin et toi avez-vous eu ? Pauline, Marine et toi êtes-vous inséparables comme nous le sommes malgré les disputes ? Aurai-je mon bac ? Plein de question auxquelles je ne peux pas répondre pour l’instant et qui viennent s’ajouter aux questions que je me pose sur le moi d’aujourd’hui.
Merci, merci d’avoir pris le temps d’écouter, ou plutôt de lire ce que j’avais à te dire, ça m’a libéré, je ne sais pas si ça m’aidera, mais savoir que je peux me confier à toi me soulage. Même si on ne peut pas dire que tu sois de bon conseil.
Ce soir, il est tard, et j’ai peur. Je m’écris cette lettre pour me rassurer, je sais bien que je ne peux pas communiquer avec un moi qui serait plus âgé, ce serait de la science-fiction. Je ne sais pas si mes goûts vont changer à ce point, mais pour l’instant c’est un genre que je ne supporte pas. Bref, si je t’écris ce soir, moi du futur, c’est que j’ai peur et personne à qui parler, et comme j’aime être originale, au lieu de simplement me parler à moi-même, je me parle à un moi-même du futur.
Pourquoi j’ai peur ? Tu le sais. Je reviens de chez le médecin, et encore une fois il m’a dit que si j’ai si mal au ventre, c’est psychologique. Il me croit folle ou quoi ? Et si je l’étais au fond ? Tu comprends pourquoi j’ai peur. Tu comprends pourquoi je n’ose en parler à personne. Oui tu comprends forcément tu es moi. J’ai vraiment peur. Et si le médecin avait raison ? Si j’étais folle ? J’ai de plus en plus peur, de son diagnostic, mais aussi de moi-même. Je ne sais pas de quoi je serai capable s’il avait raison. La période noire est passée pourtant. J’espère que tu ne te souviens même plus ce que c’est. Ça a été trop dur. Je me sens idiote de t’écrire aujourd’hui, mais qui sais, ça sera peut-être une preuve de plus de ma folie…
Les fous ont-ils des projets ? Moi je veux toujours être médecin légiste. Oui on est d’accord, ça n’atteste en rien de ma santé mentale. Ça pencherait même plutôt vers le mauvais côté de la balance. Les fous aiment-ils ? Moi je sais que j’aime Kévin, et ça durera toujours, je le sais, je le sens au plus profond de moi, j’en suis sûre et certaine, si tu pouvais me répondre, tu me dirais qu’il va bien et qu’il est à côté de toi. Les fous pensent-ils ? Moi je ne fais que ça, toute la journée je me pose mille questions auxquelles je ne sais pas répondre, notamment pleins de questions sur la folie. Si tu étais là, j’aimerai te poser une seule et unique question : « est-ce que je suis folle ? » et je n’aimerai entendre qu’une seule réponse « non ».
J’ai quinze ans, je sais bien que tout cela est enfantin, mais j’avais besoin de m’épancher sur ce que je ressens, parce que je n’ai personne à qui parler. Je me suis encore disputée avec Marine et Pauline il y a deux jours, et maman, j’espère que ça changera, maman a l’air de ne rien comprendre à ma vie et à mes doutes. Maman travaille et elle est fatiguée, mais plus que ça j’ai l’impression qu’elle s’en fout. Quant à parrain, il est loin et j’ai peur de lui en parler parce que je sais qu’il me dira que si je suis folle c’est juste de penser que je peux l’être. Et puis marraine, n’en parlons pas, elle est encore en voyage je sais pas où, ce n’est vraiment pas pratique pour parler et s’interroger. *
Je me pose beaucoup de question sur moi, mais aussi sur toi. Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? Combien d’enfants Kévin et toi avez-vous eu ? Pauline, Marine et toi êtes-vous inséparables comme nous le sommes malgré les disputes ? Aurai-je mon bac ? Plein de question auxquelles je ne peux pas répondre pour l’instant et qui viennent s’ajouter aux questions que je me pose sur le moi d’aujourd’hui.
Merci, merci d’avoir pris le temps d’écouter, ou plutôt de lire ce que j’avais à te dire, ça m’a libéré, je ne sais pas si ça m’aidera, mais savoir que je peux me confier à toi me soulage. Même si on ne peut pas dire que tu sois de bon conseil.
Maryline, ta moi du passé.
Invité- Invité
Re: Lettre à moi pour conjurer le sort
De bon conseil ? C'est cela qui serait de la science fiction !
J'aime beaucoup ton texte, non, tu n'es pas folle, si ça se trouve tu viens simplement d'avoir mal au ventre parce que tu es devenue femme. Ou alors de ta peur de l'avenir...La peur au ventre, tout le monde a connu cela, avant le bac par ex.
Tu adoptes bien le ton qui convient à la consigne, c'est enlevé, vif,j'enlèverais juste la toute dernière phrase qui sonne comme un reproche non justifié....
Bravo !
J'aime beaucoup ton texte, non, tu n'es pas folle, si ça se trouve tu viens simplement d'avoir mal au ventre parce que tu es devenue femme. Ou alors de ta peur de l'avenir...La peur au ventre, tout le monde a connu cela, avant le bac par ex.
Tu adoptes bien le ton qui convient à la consigne, c'est enlevé, vif,j'enlèverais juste la toute dernière phrase qui sonne comme un reproche non justifié....
Bravo !
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: Lettre à moi pour conjurer le sort
Merci.
Il m'a été difficile de me séparer de ma moi adolescente d'il y a 10 ans. C'est vrai que la dernière phrase sonne comme un reproche, maintenant que je la relie. Je la laisse pour l'instant pour que les autres profitent du texte brut, mais il est vrai qu'elle serait à retirer.
Il m'a été difficile de me séparer de ma moi adolescente d'il y a 10 ans. C'est vrai que la dernière phrase sonne comme un reproche, maintenant que je la relie. Je la laisse pour l'instant pour que les autres profitent du texte brut, mais il est vrai qu'elle serait à retirer.
Invité- Invité
Re: Lettre à moi pour conjurer le sort
Et bien moi, je n'enlèverais rien de ce très beau texte qui m'a beaucoup touchée. Bien que bien plus âgée que toi (je pourrais être ta mère) , je me suis pleinement retrouvée dans la première partie de ton texte. J'aurais envie de savoir si ça va mieux, si tu es en accord avec toi-même, si la vie est plus belle pour toi . Et si aujourd'hui, tu changerais la dernière phrase
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: Lettre à moi pour conjurer le sort
Ce "mal-être" est je crois, propre à l'adolescence et (?) plus particulièrement au féminin, au point de se demander si on est bien dans sa tête ... Et le doute, ta lettre en apporte la démonstration, est un atout pour affronté l'avenir, contrairement à celle ou celui qui serait bardé de certitudes...
Oui, très belle lettre , y compris la chute qui conforte l'état de doute si bien développé ici ...
Oui, très belle lettre , y compris la chute qui conforte l'état de doute si bien développé ici ...
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: Lettre à moi pour conjurer le sort
Admin a écrit:J'aurais envie de savoir si ça va mieux, si tu es en accord avec toi-même, si la vie est plus belle pour toi . Et si aujourd'hui, tu changerais la dernière phrase
Pour répondre à ta question je dirais que ça va mieux, je suis en accord avec moi même enfin, même si j'en bave encore dans certains domaines (par exemple : je viens d'apprendre que je suis diabétique). Mais je ne changerai pas la dernière phrase pour moi-même en tous cas : j'ai pris en maturité mais je suis toujours de mauvais conseil pour moi-même, j'ai toujours une petite part de pessimisme en moi qui me donne de mauvais conseils. Enfin bref, à presque 25 ans je croque enfin la vie à pleines dents, ou du moins j'essaie.
Invité- Invité
Re: Lettre à moi pour conjurer le sort
Voilà un très beau texte ! Très juste !
C'est assez terrible de se ressentir seule avec une question aussi fondamentale que « suis-je folle ? »…
Comme s'il était impossible de l'aborder avec quiconque.
(Au passage…Toutes mes félicitations à ce docteur à-la-con et son péremptoire « c'est psychologique » qui tombe comme un couperet et constitue une parole totalement absurde. Encore un qui n'a rien compris que le corps et l'esprit ça ne fait qu'un… Mais bref… Passons…)
Tu n'es pas folle, c'est l'évidence ! En réalité tu as plutôt un solide bon sens et une intelligence du regard sur toi même, auquel tu pourrais faire plus confiance.
Je n'enlèverai pas la dernière phrase. Elle fait sens. Justement sans doute dans ce domaine d'une confiance à faire grandir en toi…
Je comprends que tu as 25 ans : alors tout l'avenir est ouvert !
C'est assez terrible de se ressentir seule avec une question aussi fondamentale que « suis-je folle ? »…
Comme s'il était impossible de l'aborder avec quiconque.
(Au passage…Toutes mes félicitations à ce docteur à-la-con et son péremptoire « c'est psychologique » qui tombe comme un couperet et constitue une parole totalement absurde. Encore un qui n'a rien compris que le corps et l'esprit ça ne fait qu'un… Mais bref… Passons…)
Tu n'es pas folle, c'est l'évidence ! En réalité tu as plutôt un solide bon sens et une intelligence du regard sur toi même, auquel tu pourrais faire plus confiance.
Je n'enlèverai pas la dernière phrase. Elle fait sens. Justement sans doute dans ce domaine d'une confiance à faire grandir en toi…
Je comprends que tu as 25 ans : alors tout l'avenir est ouvert !
AlainX- Kaléïd'habitué
- Humeur : stable
Re: Lettre à moi pour conjurer le sort
Folle ? Toi ? Ce n'est pas ce qui nous saute aux yeux en te lisant. Au contraire. Tu as le mérite de te poser des questions sur toi même. C'est ce qui moi m'a fait grandir quand j'étais dans le doute. Les certitudes ne mènent pas toujours sur le bon chemin. Continue le tien, il est sans doute plein d'imprévus, mais tu sauras y faire face raisonnablement, j'en suis convaincue.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: Lettre à moi pour conjurer le sort
Je trouve ce texte très fort, dans l’ensemble et surtout dans le second paragraphe, où les phrases courtes, le style haché traduisent admirablement l’obsession et l’angoisse. Les considérations du début à propos de la SF me semblent de trop. Je serais passé directement de Ce soir, il est tard, et j’ai peur. Je m’écris cette lettre pour me rassurer, je serais passé directement au texte du second paragraphe.
Ce qui importe, ce n’est pas la crédibilité d’une communication avec son moi plus âgé, mais l’envie de le faire.
Même avis qu'Amanda sur le dernier paragraphe.
Ce qui importe, ce n’est pas la crédibilité d’une communication avec son moi plus âgé, mais l’envie de le faire.
Même avis qu'Amanda sur le dernier paragraphe.
tobermory- Kaléïd'habitué
- Humeur : Changeante
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