Mutuelle étrangeté

Pas de fil rouge ! Ah, bon, on part de rien ? Difficile à croire ? De quoi vais-je donc parler sinon du double écueil de la situation.
Je commencerai donc par là !

Comme tout un chacun, j'écris pour être lu.

Je pourrai parler des événements récents, je veux dire les attentats du 11 janvier. Le sujet est rassembleur, il est d'actualité.
Mais qu'ai-je à dire sur le sujet que d'autres n'ont pas dit et mieux que moi. (...)
Je pourrai parler de moi, mais à part moi-même, qui cela peut-il vraiment intéresser ? D'ailleurs je n'ai aucune raison de dire quoi que ce soit de personnel à des personnes - sans aucun doute amicales - mais que je connais peu ou de loin. S'il s'agit de ce dont je puis éventuellement souffrir au nom de quoi irais-je sur un forum déposer mon fardeau pour encombrer des gens qui ne m'ont rien demandé et qui par ailleurs ne sont pas forcément outillées pour m'aider, à supposer que j'ai besoin de leur aide et qu'ils soient disposés à me la fournir.

Je pourrai bien entendu me centrer sur l'image que j'ai des personnes qui participent à cet atelier et essayer de leur offrir un texte dont j'espère qu'à un moment ou autre il rencontrera leurs attentes, les distraira, les émouvra, les convaincra. Mais pour ce faire j'ai besoin d'un point de départ, d'un fil rouge à partir duquel je pourrai dérouler quelque chose.

N'est-ce pas d'ailleurs la base même d'un atelier d'écriture que de proposer à ses participants une consigne qui leur permette de développer un travail dont chacun pourra se faire l'écho. Un atelier d'écriture est-il possible sans consigne ? Peut-être, mais nous ne sommes pas ici dans un atelier d'écriture mais dans un marathon d'écriture. Il va falloir maîtriser à la fois la difficulté d'écrire pendant un temps long et à la fois le problème que représente l'absence de fil rouge de départ.

Pas de fil rouge ? Cette injonction est d'ailleurs d'un certain point de vue totalement irréaliste.

Je sais à l'évidence au moment où j'écris cette ligne ce à quoi je vais aboutir. D'abord parce que je suis celui qui écris. et à la vérité, celui qui écris a tout naturellement une longueur d'avance sur celui qui lit. Ensuite parce que l'écriture est ainsi faite que l'écrivant doit en permanence avoir devant lui cette idée force que sa pensée - claire pour lui - ne l'est pas forcément pour celui qui va la lire. Qu'il convient donc que l'écrivant prenne soin de suffisamment développer sa pensée pour permettre au lecteur, à défaut de la recevoir, du moins de la comprendre. En d'autres termes,faire le travail qui consiste à permettre au lecteur de pénétrer la pensée de l'écrivant.

A raisonner sur le thème : "Pas de fil rouge", j'en arrive à l'évidence d'une sorte de mission impossible. D'un côté je ne souhaite pas parler de moi ici et maintenant et de l'autre j'ignore si ce qui traverse mon esprit est de nature à séduire mon lectorat. Je me sens pris dans une sorte d'alternative diabolique c'est à dire que quoique je fasse, je manque la cible !

Devant cette situation délicate il m'a semblé pouvoir sortir de cette double impasse en appliquant à ce marathon d'écriture un concept développé par des urbanistes pour étudier la circulation des piétons dans une ville.

Les participants à ce marathon, ceux qui vont me lire, ceux que je vais lire peuvent être comparés assez exactement à des habitants d'une ville qui déambulent sur un trottoir. Chacun se déplace pour les raisons qui sont propres : travail, flânerie, exercice physique, déplacement d'un point à un autre, etc...

Notre expérience la plus ordinaire est que ces déplacements, quelque soit le nombre d'individus, se déroulent dans l'ensemble de façon satisfaisante. Quand il y a peu de monde, c'est plus facile chacun fait plus ou moins attention, mais les déplacements piétonniers se font à un rythme satisfaisant et ce malgré la multitude des motivations qui font qu'un individu se trouve avec moi dans la rue. (...)

Les concepteurs de ces études d'urbanisme ont appelé cet art d'être ensemble dans la rue comme une "mutuelle étrangeté", c'est à dire que les piétons savent qu'il ne sont pas seuls, connaissent peu ou prou les règles du jeu mais n'en sont pas pour autant à se lier aux autres en dehors de leur propre motivation.

Puisque l'image du marathon est celle qui s'impose, chacun fait sa course, chacun regarde ce qui se passe autour de lui, quelquefois jalouse la foulée élégante d'un autre coureur, jouit de son propre rythme, c'est celle-ci que je vais garder pour ce marathon d'écriture.

Nous sommes tous, écrivants de ce marathon, dans une situation de "mutuelle étrangeté" qui me permet de faire en mon for intérieur le vœu que chacun y trouve son compte.

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Mes impressions : J'avais décidé de revenir un peu sur Kalé et il y avait ce marathon au menu. Un exercice qui ne me motive qu'à moitié. Je l'ai fait en respectant la consigne. Je n'ai pas été au-delà de trois heures, par manque de plaisir.
J'ai cependant beaucoup aimé lire le travail des autres, découvrir les réalités souffrantes qui nous étaient présentées, me réjouir des belles amitiés qui s'affichaient, bref de participer, à ma place, d'un épisode vivant de cet atelier. Ecrire des retours m'aura pris infiniment plus de temps que d'écrire le marathon lui-même. J'y ai pris beaucoup de plaisir. Voilà ce que je pouvais en dire en quelques lignes.

J'ai quand même hâte de découvrir ta plume sur Kalé, du moins ta plume quand elle prend le plaisir de poser les mots :-)
C'est vrai que je ne pense pas que tes 3 textes soient significatifs de ce que tu pourrais faire, alors, je n'aurai plus qu'à attendre les prochaines consignes pour re-découvrir ta plume. :-)

July a écrit:C'est vrai que je ne pense pas que tes 3 textes soient significatifs de ce que tu pourrais faire, alors, je n'aurai plus qu'à attendre les prochaines consignes pour re-découvrir ta plume. :-)

Je t'assure, July que tu ne perdras rien, car il a une très jolie plume.
KZ, tu dis que ton exercice marathonien ne t'a pas entièrement satisfait, si j'osais, je te dirais que cela s'est un peu ressenti, perso, je n'ai pas retrouvé  la plume que j'aimais lire dans tes textes précédants et j'avoue être restée sur ma faim.

Je n'ai pas encore été lire ton marathon Kz. Je le réservais pour le dessert, en gourmande que je suis...

Mais à te lire, au contraire de ce que tu nous donnes sur Kalé, il me semble percevoir une certaine "lassitude", un "je ne sais quoi" qui fait que, sans fil rouge, l'exercice ne te plaît qu'à moitié. Ta comparaison avec les habitants qui déambulent avec chacun leur raison mais aussi leur indifférence, ne me semble pas adaptée au marathon.

Au contraire, perso, j'y ai trouvé de la chaleur humaine, du partage, de la compréhension.
Je pense que tu es sans doute trop pudique pour t'y livrer, chacun ses limites.
Je vais aller te lire !

Tu écris très bien mais j'ai l'impression que tu intellectualises ou rationalises trop ce qui t'empêche d'oser te laisser aller.Mais après tout tu as bien le droit de ne pas vouloir parler de toi.Nous, enfin moi, sommes des bons gros petits narcissons !C'est parfois un exercice dangereux parce qu'il faut faire attention de ne pas se noyer !
Mais Alain est là pour nous repêcher !

De ton marathon, j'avais surtout retenu ton texte avec le chien que tu promenais bénévolement, je trouve que tu t'es ( un peu) dévoilé à ce moment là. Ce n'est pas ton premier marathon, j'ai souvenir que tu en as fait un autre il y a quelques années .
Je crois que pour bien se laisser aller à l'écriture automatiquement il faut aller au delà des 3 heures d'écriture , mais je peux comprendre que tu n'aimes pas ce genre d'exercice vu la réticence que tu as à te dévoiler . Tu as en tout cas raison sur un point, la lecture des autres marathons est aussi un moment important dans le marathon.