Une vague d'espoir
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Une vague d'espoir
« J’étais tranquillement assis dans mon fauteuil, relisant au moins pour la dixième fois « La Nausée » de Sartre. Et puis j’ai relu cette phrase anodine, que j’avais pourtant déjà lue, mais qui ne m’avais jamais interpellée auparavant : « Pour que l'événement le plus banal devienne une aventure, il faut et il suffit qu'on se mette à le raconter ».
L’évènement le plus banal, c’est ma vie. Je suis gardien de phare. Je m’ennuie. Je vis pour attendre 18h que le soir tombe pour aller allumer cette lumière, et je me lève pour aller l’éteindre à 7h30. Je passe ma journée à lire, voir à relire, les mêmes bouquins, surtout depuis que ma télé est en panne, de toutes façons pour ce qui y est programmé. Je suis seul ici, je n’ai ni femme, ni enfants qui attendraient le retour du preux chevalier après six mois d’absence. Non, je suis aussi seul ici, qu’à l’extérieur. Alors quand j’ai lu cette phrase, je me suis dit : « Quitte à te faire chier, essaie de passer ton temps autrement. » J’ai attrapé un stylo, des feuilles qui trainaient par-ci, par-là et j’ai commencé à écrire.
Maintenant, je ne sais plus quoi coucher sur le papier. J’ai l’air idiot, et je sens que dans moins de quinze minutes, le peu de mots que j’ai déjà écrits finiront à la poubelle. Voyons le bon côté des choses, j’ai au moins tué quelques minutes de mon précieux temps. Même si je dois bien avoué que ça me fait du bien, ça me change de d’habitude et depuis que j’ai pris en main ce stylo, je me sens mieux. Je n’ai pas envie de dormir, je ne suis pas tristounet comme d’habitude. J’ai hâte de sortir de cette boîte. La solitude me pèse. A force d’être seul je ressasse sans arrêt les souvenirs, ceux de ma vie d'avant, les bons comme les mauvais. Je me souviens de mon enfance, heureuse, entourée d’une famille aimante. La mort de mes parents à l’adolescence. La famille d’accueil. L’âge adulte. Le premier travail. Les premiers émois. Et puis la mort de Marie. Oui, une vie de merde si je fais la somme. Des galères qui s’additionnent et qui me mène à ce boulot à la con, que je n’aime pas. Un boulot voué à disparaître. Nous sommes en 2001, le concours à la fonction de gardien de phare vient d’être clos, et on m’a annoncé que mon projecteur serait bientôt automatisé. Je ne servirais bientôt plus à rien. Après dix ans de bons et loyaux services, on va me jeter comme une vieille chaussette.
Je n’en peux plus. En plus en ce moment la météo est atroce, nous sommes à la fin de l’hiver, et c’est le temps des grandes marées. Des vagues tambourinent sans arrêt contre les pierres du phare. J’ai l’impression qu’il va s’écrouler sous leur assaut. Il fait froid, il y a du vent. Je suis fatigué de tout ça, j’en ai ma claque. J’enchaîne quelques phrases, je fais des pauses pensives. Et mon Dieu, je ne pense pas à grand-chose de bien. Visiblement les médicaments que je prends depuis un certain temps ne m’aident absolument pas. Je ne sais plus où j’en suis. Je dors très mal et je broie du noir. »
Voici telle qu’on l’a retrouvée, la lettre de Patrick, gardien du phare de La Jument, qui a disparu dans un jour de grande marée. La police a conclu à un suicide.
L’évènement le plus banal, c’est ma vie. Je suis gardien de phare. Je m’ennuie. Je vis pour attendre 18h que le soir tombe pour aller allumer cette lumière, et je me lève pour aller l’éteindre à 7h30. Je passe ma journée à lire, voir à relire, les mêmes bouquins, surtout depuis que ma télé est en panne, de toutes façons pour ce qui y est programmé. Je suis seul ici, je n’ai ni femme, ni enfants qui attendraient le retour du preux chevalier après six mois d’absence. Non, je suis aussi seul ici, qu’à l’extérieur. Alors quand j’ai lu cette phrase, je me suis dit : « Quitte à te faire chier, essaie de passer ton temps autrement. » J’ai attrapé un stylo, des feuilles qui trainaient par-ci, par-là et j’ai commencé à écrire.
Maintenant, je ne sais plus quoi coucher sur le papier. J’ai l’air idiot, et je sens que dans moins de quinze minutes, le peu de mots que j’ai déjà écrits finiront à la poubelle. Voyons le bon côté des choses, j’ai au moins tué quelques minutes de mon précieux temps. Même si je dois bien avoué que ça me fait du bien, ça me change de d’habitude et depuis que j’ai pris en main ce stylo, je me sens mieux. Je n’ai pas envie de dormir, je ne suis pas tristounet comme d’habitude. J’ai hâte de sortir de cette boîte. La solitude me pèse. A force d’être seul je ressasse sans arrêt les souvenirs, ceux de ma vie d'avant, les bons comme les mauvais. Je me souviens de mon enfance, heureuse, entourée d’une famille aimante. La mort de mes parents à l’adolescence. La famille d’accueil. L’âge adulte. Le premier travail. Les premiers émois. Et puis la mort de Marie. Oui, une vie de merde si je fais la somme. Des galères qui s’additionnent et qui me mène à ce boulot à la con, que je n’aime pas. Un boulot voué à disparaître. Nous sommes en 2001, le concours à la fonction de gardien de phare vient d’être clos, et on m’a annoncé que mon projecteur serait bientôt automatisé. Je ne servirais bientôt plus à rien. Après dix ans de bons et loyaux services, on va me jeter comme une vieille chaussette.
Je n’en peux plus. En plus en ce moment la météo est atroce, nous sommes à la fin de l’hiver, et c’est le temps des grandes marées. Des vagues tambourinent sans arrêt contre les pierres du phare. J’ai l’impression qu’il va s’écrouler sous leur assaut. Il fait froid, il y a du vent. Je suis fatigué de tout ça, j’en ai ma claque. J’enchaîne quelques phrases, je fais des pauses pensives. Et mon Dieu, je ne pense pas à grand-chose de bien. Visiblement les médicaments que je prends depuis un certain temps ne m’aident absolument pas. Je ne sais plus où j’en suis. Je dors très mal et je broie du noir. »
Voici telle qu’on l’a retrouvée, la lettre de Patrick, gardien du phare de La Jument, qui a disparu dans un jour de grande marée. La police a conclu à un suicide.
Dernière édition par Capharmaryüm le Mer 25 Fév - 22:35, édité 3 fois
Invité- Invité
Re: Une vague d'espoir
Je ne connais pas grand chose à la vie des marins, encore moins à celle des gardiens de phare, mais je trouve que ta lettre récit est très authentique (peut -être l'est-elle vraiment ? ). Beaucoup de talent pour ce texte.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: Une vague d'espoir
Ton texte évoque une vie ordinaire qui ressemble à celle de bien d'autres personnes, hormis sans doute d'être le gardien de phare…
Dès lors tu illustre très bien la consigne et la phrase de Sartre
Texte qui peut apparaître ordinaire, suis dans ta manière de relater tu en fais une aventure…
Dès lors tu illustre très bien la consigne et la phrase de Sartre
Texte qui peut apparaître ordinaire, suis dans ta manière de relater tu en fais une aventure…
AlainX- Kaléïd'habitué
- Humeur : stable
Re: Une vague d'espoir
Un texte qui ne donne pas envie d'être gardien de phare, mais qui prend toute sa place ici, avec ta manière de le raconter !
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: Une vague d'espoir
Il ne vaut mieux pas trop broyer du noir quand on est gardien de phare... L'opportunité de mettre fin à sa vie en toute discrétion est trop facile :-D
Cela paraît authentique car comme dit Alain, cela ressemble à la vie ordinaire de bien des gens. Et en même temps c'est aussi cela qui touche aussi pour ma part... Ces choses de la vie ordinaire....
Cela paraît authentique car comme dit Alain, cela ressemble à la vie ordinaire de bien des gens. Et en même temps c'est aussi cela qui touche aussi pour ma part... Ces choses de la vie ordinaire....
July_C- Kaléïd'habitué
- Humeur : qui vagabonde
Re: Une vague d'espoir
Un texte qui fait très authentique.
madeleinedeproust- Kaléïd'habitué
- Humeur : littéraire
Re: Une vague d'espoir
Hélas , cette histoire est certainement plus près de la réalité vécue par des gardiens de phares que la nostalgie lue ici et là pour un métier fait d'heures d'attente qui n'en finissaient pas, notamment pour ceux qui n'avaient pas de violon d'Ingres leur permettant de se réaliser ...
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: Une vague d'espoir
Mais justement, ils ont leur lanterne eux pour les éclairer !July a écrit:Il ne vaut mieux pas trop broyer du noir quand on est gardien de phare...
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: Une vague d'espoir
Je ne pense pas que ce soit plus ennuyeux d'être gardien de phare que gardien de musée ou vigile devant une banque. Encore faut-il avoir en effet un violon d'ingres pour passer le temps. J'espère en tout cas que le travail est plus intéressant qu'il n'y parait et que tu le décris ( mais je ne connais rien à ce métier )
Petite critique: beaucoup trop de répétitions dans ton texte, peut être à corriger si tu le peux?
Petite critique: beaucoup trop de répétitions dans ton texte, peut être à corriger si tu le peux?
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
merci
Merci à tous pour vos messages, je suis touchée que ce texte vous plaise.
Pour ce qui est des répétitions j'avoue avoir oublier de passer mon texte au répétoscope, et je ne me suis pas rendue compte du nombre, je corrige cela de suite. Si vous en voyez d'autres n'hésitez pas à me le faire savoir. De même si vous trouvez d'autres améliorations.
Pour ce qui est des répétitions j'avoue avoir oublier de passer mon texte au répétoscope, et je ne me suis pas rendue compte du nombre, je corrige cela de suite. Si vous en voyez d'autres n'hésitez pas à me le faire savoir. De même si vous trouvez d'autres améliorations.
Invité- Invité
Re: Une vague d'espoir
Tu es vraiment en plein dans la consigne Caph. Pour avoir lu des romans décrivant la vie d'un gardien de phare je m'y retrouve tout à fait. Et la chute est bien amenée même si on peut penser qu'elle est prévisible.
Par contre, même si j'aime bien le titre, je crois qu'il s'agit plutôt d'une vague de désespoir non ?
Par contre, même si j'aime bien le titre, je crois qu'il s'agit plutôt d'une vague de désespoir non ?
Invité- Invité
Re: Une vague d'espoir
Pour ce qui est du titre j'avoue avoir longuement hésité.
En fait, tout dépend de quel côté on se place je pense, si on se place d'un point de vue extérieur, oui c'est une vague de désespoir, mais si on se place du côté de Patrick, alors cette vague c'est l'espoir d'arrêter de souffrir. Et comme ce texte parle majoritairement du gardien de phare et de ses sentiments, j'ai opté pour la deuxième vision.
J'ai également un petit "défaut" : tous mes textes finissent mal, alors pour attirer le lecteur j'essaie parfois de mettre un titre gai ^^
En fait, tout dépend de quel côté on se place je pense, si on se place d'un point de vue extérieur, oui c'est une vague de désespoir, mais si on se place du côté de Patrick, alors cette vague c'est l'espoir d'arrêter de souffrir. Et comme ce texte parle majoritairement du gardien de phare et de ses sentiments, j'ai opté pour la deuxième vision.
J'ai également un petit "défaut" : tous mes textes finissent mal, alors pour attirer le lecteur j'essaie parfois de mettre un titre gai ^^
Invité- Invité
Re: Une vague d'espoir
Ne te justifie pas Capharmaryüm. Ton titre va très bien et je l'aime beaucoup. C'était juste un clin d'œil !
Invité- Invité
Re: Une vague d'espoir
C'est en effet très noir! Et pourtant, il y avait des gardiens de phare heureux de faire ce métier, avec en eux, la certitude de faire une oeuvre utile, au temps où ils étaient les seuls à répondre de la sauvegarde de nombreux navires.
Ceci dit, j'ai lu ton texte avec plaisir et beaucoup d'empathie pour ton malheureux héros.
Ceci dit, j'ai lu ton texte avec plaisir et beaucoup d'empathie pour ton malheureux héros.
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Re: Une vague d'espoir
Tu décris très bien les sentiments d'ennui et de vanité de son boulot qu'éprouvent ton gardien de phare.
Je regrette presque la chute. Pour moi le monologue suffit à lui même.
Je regrette presque la chute. Pour moi le monologue suffit à lui même.
Sherkane- Kaléïd'habitué
- Humeur : ....
Re: Une vague d'espoir
A priori gardien de phare n’est pas la vie la plus banale qui soit, mas visiblement ton personnage n’a pas la vocation. Et son problème vient sans doute autant de lui-même que de son enfermement dans le phare. Il souffre de la solitude, mais il dit qu’il est également seul à l’extérieur. Ton texte fait très bien ressentir son ennui et sa déprime ( et ça n’est pas le roman de Sarte qui va lui remonter le moral !) On se dit un moment que l’écriture va lui permettre de s’en sotir, mais ce n’est finalement pas le cas.
Comme Admin, je trouve que les répétitions alourdissent ton style ; que ce soient des répétitions du même mot ou de mots de la même famille, par exemple dans le premier paragraphe : relisant, relu, lu. Ou plus loin allumer cette lumière ( par contre rien à redire pour journée à lire, voir à relire, là, c’est justifié
Comme Sherkane, je trouve que le dernier paragraphe est de trop ; il a un côté un peu naïf et il n’ajoute rien . Que le personnage se suicide ou non, on ressent très bien qu’il est au trente sixième dessous.
Comme Admin, je trouve que les répétitions alourdissent ton style ; que ce soient des répétitions du même mot ou de mots de la même famille, par exemple dans le premier paragraphe : relisant, relu, lu. Ou plus loin allumer cette lumière ( par contre rien à redire pour journée à lire, voir à relire, là, c’est justifié
Comme Sherkane, je trouve que le dernier paragraphe est de trop ; il a un côté un peu naïf et il n’ajoute rien . Que le personnage se suicide ou non, on ressent très bien qu’il est au trente sixième dessous.
tobermory- Kaléïd'habitué
- Humeur : Changeante
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