Cycle de vie
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silhène
Escandélia
Amanda.
madeleinedeproust
8 participants
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Cycle de vie
Sur la placette, près de la fontaine, il y eut d'abord un cercle d'enfants curieux qui regardaient les vieux jouer à la pétanque.
Des enfants déjà constitués en petits groupes : les deux timides qui observaient, un peu à l'écart, en suçant nerveusement leur pouce, le casse-cou qui se faisait régulièrement réprimander parce qu'il courait au milieu des joueurs, parce qu'il se perchait sur la margelle de la fontaine..., et la bande de suiveurs sympathiques qui admiraient secrètement le casse-cou et qui, parfois, enviaient les timides qui n'avaient pas à se lancer dans des aventures dangereuses à la suite du casse-cou....
Sur la placette, près de la fontaine, il y eut ensuite un cercle d'adolescents qui fuyaient les vieux jouant à la pétanque. La placette était leur QG dès la tombée de la nuit jusqu'à tôt le matin...
Des adolescents pas si différents que ça des enfants du premier cercle.
Les deux timides, toujours un peu en retrait, à triturer nerveusement le bas de son pull pour l'un tandis que l'autre se rongeait non moins nerveusement les ongles.
Le casse-cou devenu le beau gosse dragueur flamboyant, celui qui racontait à sa bande de fidèles ses dernières conquêtes... celui qui faisait vibrer les suiveurs et mettait très mal à l'aise les timides, écartelés entre l'admiration et la peur.
Sur la placette, près de la fontaine, il y eut un cercle de vieillards, tout de noir vêtus, attendant que le glas de l'église voisine cesse d'ébranler le lourd silence du village.
Et puis la porte de l'église s'est ouverte, et il en est sorti un cercle d'adultes tout juste sortis de l'adolescence... Le beau gosse ouvrait la marche, suivi par ses fidèles. Deux pas en arrière un des timides, visage noyé sous les larmes, en était à manger ses doigts. Tout ce petit monde marchait derrière un cercueil de bois clair.
Les vieillards contemplaient, émus, cette jeunesse qui enterrait l'un des siens mort trop tôt dans un accident de moto. Au passage du cercueil ils se signèrent...
Sur la placette, près de la fontaine, il y eut enfin, tard dans la nuit, un cercle de jeunes adultes.
Le beau gosse, piteux, appuyé à la fontaine, baissait la tête.
Ses fidèles, serrés les uns contre les autres tels des chiots perdus, fixaient avec une attention rare la pointe de leurs souliers.
Et le timide, entre deux rongements nerveux d'ongles inexistants, assénait d'une voix sourde quelques vérités bien senties...
« C'est vous qui l'avez tué... C'est vous les responsables ! Si vous n'aviez pas passé votre vie à vous moquer de lui, à l'humilier, à le pousser dans ses derniers retranchements.... jamais il n'aurait accepté de participer à cette course stupide, jamais ! Vous vous croyez forts, mais en fait vous n'êtes que des assassins, et des lâches ! Oui, des lâches, parce que c'est facile de se mettre à plusieurs contre un seul ! »
Sur la placette, près de la fontaine, désormais, il n'y eut plus qu'un cercle de vieux jouant à la pétanque...
Il se disait dans le village que cette placette portait malheur aux enfants qui en faisaient leur lieu de ralliement...
Des enfants déjà constitués en petits groupes : les deux timides qui observaient, un peu à l'écart, en suçant nerveusement leur pouce, le casse-cou qui se faisait régulièrement réprimander parce qu'il courait au milieu des joueurs, parce qu'il se perchait sur la margelle de la fontaine..., et la bande de suiveurs sympathiques qui admiraient secrètement le casse-cou et qui, parfois, enviaient les timides qui n'avaient pas à se lancer dans des aventures dangereuses à la suite du casse-cou....
Sur la placette, près de la fontaine, il y eut ensuite un cercle d'adolescents qui fuyaient les vieux jouant à la pétanque. La placette était leur QG dès la tombée de la nuit jusqu'à tôt le matin...
Des adolescents pas si différents que ça des enfants du premier cercle.
Les deux timides, toujours un peu en retrait, à triturer nerveusement le bas de son pull pour l'un tandis que l'autre se rongeait non moins nerveusement les ongles.
Le casse-cou devenu le beau gosse dragueur flamboyant, celui qui racontait à sa bande de fidèles ses dernières conquêtes... celui qui faisait vibrer les suiveurs et mettait très mal à l'aise les timides, écartelés entre l'admiration et la peur.
Sur la placette, près de la fontaine, il y eut un cercle de vieillards, tout de noir vêtus, attendant que le glas de l'église voisine cesse d'ébranler le lourd silence du village.
Et puis la porte de l'église s'est ouverte, et il en est sorti un cercle d'adultes tout juste sortis de l'adolescence... Le beau gosse ouvrait la marche, suivi par ses fidèles. Deux pas en arrière un des timides, visage noyé sous les larmes, en était à manger ses doigts. Tout ce petit monde marchait derrière un cercueil de bois clair.
Les vieillards contemplaient, émus, cette jeunesse qui enterrait l'un des siens mort trop tôt dans un accident de moto. Au passage du cercueil ils se signèrent...
Sur la placette, près de la fontaine, il y eut enfin, tard dans la nuit, un cercle de jeunes adultes.
Le beau gosse, piteux, appuyé à la fontaine, baissait la tête.
Ses fidèles, serrés les uns contre les autres tels des chiots perdus, fixaient avec une attention rare la pointe de leurs souliers.
Et le timide, entre deux rongements nerveux d'ongles inexistants, assénait d'une voix sourde quelques vérités bien senties...
« C'est vous qui l'avez tué... C'est vous les responsables ! Si vous n'aviez pas passé votre vie à vous moquer de lui, à l'humilier, à le pousser dans ses derniers retranchements.... jamais il n'aurait accepté de participer à cette course stupide, jamais ! Vous vous croyez forts, mais en fait vous n'êtes que des assassins, et des lâches ! Oui, des lâches, parce que c'est facile de se mettre à plusieurs contre un seul ! »
Sur la placette, près de la fontaine, désormais, il n'y eut plus qu'un cercle de vieux jouant à la pétanque...
Il se disait dans le village que cette placette portait malheur aux enfants qui en faisaient leur lieu de ralliement...
madeleinedeproust- Kaléïd'habitué
- Humeur : littéraire
Re: Cycle de vie
C'est une histoire dramatique que tu nous proposes. Elle est bien écrite, mais pour ma part, je trouve que la répétition de l'incipit à chaque début de période n'apporte rien sinon une rupture dans l'enchainement de ton texte. Et pour finir, je pense que celui ci aurait gagné en qualité sans le dernier paragraphe. Mais ce n'est que mon ressenti et ma sensibilité de lectrice n'est pas obligée d'être satisfaite.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: Cycle de vie
Au contraire d'Escandelia, j'aime bien la répétition de l'incipit au début de chaque paragraphe, je trouve que ça permet de centrer l'histoire, tout tourne autour de cette placette, les personnages, les évènements, le temps.
Histoire tragique, certes, qui se lit d'un trait
Histoire tragique, certes, qui se lit d'un trait
silhène- Kaléïd'habitué
- Humeur : la meilleure possible....
Re: Cycle de vie
une histoire de vie qui se déguste à grandes lampées, et qu'on vient relire plus doucement, pour mieux la gouter.
la répétition de l'incipit souligne avec justesse la similarité du lieu, et du temps qui passe et qui est le seul à véritablement changer
j'ai beaucoup aimé.
la répétition de l'incipit souligne avec justesse la similarité du lieu, et du temps qui passe et qui est le seul à véritablement changer
j'ai beaucoup aimé.
Pati- Kaléïd'habitué
- Humeur : mouvante
Re: Cycle de vie
Pour moi, dans ce texte tu viens souligner l'effet de groupe et comment chaque personnage prend sa place à l'intérieur de celui-ci. Le casse cou beau gosse, les timides, les suiveurs....
Faire intervenir l'un des timide (dans mon interprétation c'est le deuxième qui a eu l'accident) est bien vu je trouve... Le faire sortir de sa place qu'il occupe dans le groupe pour qu'il ose enfin dire ce qu'il pense... Cela lui offre une autre place qui est celle de l'émancipation de sa pensée et de son être.
Enfin la répétition de l'incipit pour ma part m'a un peu posée question. Je ne savais pas au départ si les groupes que tu décris étaient toujours le même groupe ou d'autres. C'est au fil de la lecture que j'ai compris que ce l'était et que ces paragraphes, proposés comme des instantanées, invoquent le temps qui passe.
En dehors de cela j'ai beaucoup apprécié lire ton texte.
Faire intervenir l'un des timide (dans mon interprétation c'est le deuxième qui a eu l'accident) est bien vu je trouve... Le faire sortir de sa place qu'il occupe dans le groupe pour qu'il ose enfin dire ce qu'il pense... Cela lui offre une autre place qui est celle de l'émancipation de sa pensée et de son être.
Enfin la répétition de l'incipit pour ma part m'a un peu posée question. Je ne savais pas au départ si les groupes que tu décris étaient toujours le même groupe ou d'autres. C'est au fil de la lecture que j'ai compris que ce l'était et que ces paragraphes, proposés comme des instantanées, invoquent le temps qui passe.
En dehors de cela j'ai beaucoup apprécié lire ton texte.
July_C- Kaléïd'habitué
- Humeur : qui vagabonde
Re: Cycle de vie
Histoire tragique (la situation m'a fait penser à "La fureur de vivre") que j'ai lue avec beaucoup d'intérêt. J'aime
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Re: Cycle de vie
Un bien beau texte qui sert un sujet grave, mis en valeur par ton écriture juste et sobre, on voit cette placette, on voit ces groupes d'enfants puis d'ados qui cohabitent avec le groupe d'adultes puis de vieux et chaque fait, chaque émotion est juste. Bravo!
plumentete- Kaléïd'habitué
- Humeur : heureuse attentive
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