Chinoiseries

Si j’étais une fleur, je serais liseron. J’effacerais de mes fragiles fleurs blanches chaque clôture, chaque mur de la honte, pour y insuffler la force de ma conviction, l’idée que rien jamais ne stoppe mon avancée et que parfois, la petite fleur blanche vient à bout du béton le plus froid.

Si j’étais une couleur, je serais le gris. Un gris parfois doux, parfois sombre, au gré de mes humeurs. Parce que dans la vie, rien n’est tout blanc ou tout noir, et parce que n’importe quelle couleur devient belle et lumineuse quand elle se pare de gris.

Si j’étais un fruit, je serais une grenade. Parce que sa légère acidité est rafraîchissante, que sa forme me rappelle les premières poteries nées de mes doigts. Et surtout pour que le jus de chacun de mes grains inonde la gorge de celui qui les croquera, un par un, délicatement, avec gourmandise et indolence. Pour que le plaisir dure le plus longtemps possible.

Si j’étais un arbre, je serais évidemment un figuier. Un vieux figuier tordu par les ans, avec son écorce tortueuse et veinée, pour l’odeur douce de ses feuilles, pour le sucre violet de ses fruits mais plus encore, pour qu’un jour une fillette s’assoit à mon pied et se laisse bercer par les histoires de son papé.

Si j’étais une épice, je serais le piment d’Espelette, je sécherais en grappe rouge sang sur les murs blancs d’une ferme basque. J’insufflerais mon parfum dans la confiture de cerises noires. Je pigmenterais la peinture des murs de ma cuisine, car j’ai le rouge de la vie sur ma peau.

Si j’étais une étoile, je serais celle que tu fixes chaque soir, j’accompagnerais tes rêves les plus doux. Je serais noyée dans la multitude de mes soeurs qui forment la voie lactée. Et je rêverais sûrement de devenir une étoile filante, pour rayer d’une fulgurance le ciel de ta vie.

Si j’étais une émotion, je serais l’espoir. Je sèmerais mes graines partout sur terre, car tout le monde a besoin d’espoir, parce que c’est une émotion positive et puissante. Peut-etre aussi parce qu’il m’est arrivé d’en manquer un peu, parfois…

Si j’étais un mot, je serais le verbe oser. Oser etre soi-même, sans crainte du regard de l’autre, oser aimer, oser vivre, oser crier sa peine ou sa joie. Chacun d’entre nous devrait pouvoir oser ses rêves les plus fous. Ou plus simplement oser vivre comme il l’entend.

Si j’étais un rêve, je ne rêverais plus. Je veux me souvenir, je veux du concret, qui se touche du bout du doigt sans s’effilocher au réveil. Je veux toucher mes rêves, les serrer dans mes bras et ne plus les lâcher.

Si j’étais la terre, je serais l’argile. J’y plongerais mes mains jusqu’aux poignets, je me ferais des gants rouges d’une étonnante douceur, je la tournerais à l’infini, créant et recréant à l’envie ma vie.