L'appel du 2 juin

Quelque part, au bout du monde, en haut sur la butte, ce 2 juin.

Je vous écris du bout du monde, et pourtant vous n’avez jamais été aussi près.Il  y a entre nous quelques kilomètres, à peine, vous tout en bas dans la vallée, moi ici  sur le plateau.

Ici, pas de resto, pas de ciné. Sur nos routes cahotantes, rien que des mulets. Pas d’autos, pas de vélos. Pas non plus de caravane, rien qu’une cabane de berger, sans eau, sans électricité.
Pas de chaleur qui vous rassure, c’est le fourrage qui vous tient chaud.  La nuit quand monte la  lune, c’est la chouette qui vous effraie.

Le jour venu, à la fontaine  les villageois s’en vont quérir de l’eau, ici, c’est à la source, celle  qui abreuve les troupeaux, que je m’en vais remplir mon seau.
Au rythme des sonnailles,  mon chien s’éveille et prend le large pour s’assurer du jour nouveau. Moi c’est la complainte des grillons qui ponctue mes heures de veille. Le temps s’égraine  à la cadence  du soleil. C’est la mélodie du rossignol  qui me berce   sous la lune quand revient  au bercail, à la nuit claire, mon chien Pipo.  

Quand tout à l’heure je descendrai poster ma lettre, les pieds trempés par la rosée,  vous bien au sec, aurez répondu présent à la sirène de l’usine ou de la mine où tous les jours  vous allez vous engouffrer.
Pour vous pas de lumière, seul un halo de clarté fourni par une lampe  artificielle. A la fin de la journée,  la voie âpre du   contre maitre vous dira que votre temps est  écoulé.
Fourbu et aveuglé  vous rentrerez poser votre sac dans l’entrée d’une HLM. Passée une mauvaise nuit, au petit jour vous recommencerez.

Pour moi demain sera fait d’une envolée de perdreaux,  d’une nichée de pinsons, du passage d’une hase sur le territoire des sangliers. La naissance d’un chevreau viendra agrémenter mon quotidien, les battements de son cœur marqueront le temps qui passe. Au zénith  me délecterai de fruits sauvages cueillis en bordure de  haie. Le soleil m’offrira sa chaleur tandis que sous les  branches du chêne,  j’exposerai ma carcasse revigorée par la brise qui viendra la caresser.

Vous,  vous qui en bas, allez vous asphyxier,  venez ici me retrouver. La distance qui nous sépare aura tôt fait de devenir celle qui nous rapproche et c’est avec un véritable espoir que je vous attends, pendant qu’encore il en est temps.

Le vagabond du temps qui passe.

Et moi alors ? Je vous la montre cette photo ?



celle ci me conviendrait bien cependant