A: Le pas de deux du temps
+5
catsoniou
Nerwen
Admin
Escandélia
plumentete
9 participants
Page 1 sur 1
A: Le pas de deux du temps
Tout avait pourtant bien commencé.
J’étais à l’heure et lui aussi, j’avais réussi la déco de ma table, un mix entre modernité des couverts et vintage du linge dont j’étais fière. Le champagne était prêt, il nous attendait sagement dans le seau en argent, hérité de ma grand-tante.
Je ne sais si c’était l’effet de ma chevelure lâchée en crinière sur mes épaules, de ma petite robe rouge soulignant mes formes pulpeuses ou de mon sourire radieux mais ses yeux brillaient de cet éclat qui réveille en toute femme, la séductrice confirmée.
Côté cuisine, j’avais parfaitement réussi ma mousseline d’écrevisses, la souris d’agneau commençait à confire délicatement tandis que les figues rôtissaient doucement.
Je crois que c’est là que tout s’est déréglé, je crois que c’est là que je n’ai plus rien maîtrisé.
« Des figues rôties avec de l’agneau, hum oui pourquoi pas, moi j’en fais surtout de la confiture, délicieuse le matin sur les tartines, tu aimes la confiture de figues ? »
Lentement et irrésistiblement, je me suis sentie aspirée dans un tourbillon vers l’enfance. J’ai revu le fourneau en fonte qui trônait dans la cuisine de ma mère et le grand faitout dans lequel elle faisait ses confitures ; en râlant parce que ça débordait toujours au moment où elle s’éloignait. J’ai senti l’odeur de la confiture brûlée, la chaleur du poêle qui chauffait ma peau.
Les figues n’étaient pas très abondantes dans cette maison, c’étaient plutôt les abricots donnés par un voisin, qui clapotaient dans la bassine.
« Oui les abricots j’aime bien aussi. Cette année il y en a eu assez pour que j’en fasse un peu. J’aime bien avoir le choix des confitures pour faire mes tartines ; donc pas de problème, si tu préfères l’abricot. De toute façon, ce qui me fera le plus plaisir, c’est de les partager avec toi. »
« Quoi, comment, qu’est ce qui se passe ? » Je ne sais plus très bien où je suis, le jour et la date. Sa voix me rassure, sa présence aussi, cette histoire de tartines à partager me touche, je me laisse aller.
Je monte de vieilles marches de pierre, je pousse une porte en bois et me retrouve dans une pièce abandonnée. Je m’assois sur un plancher mal raboté, le contact rugueux avec le bois poussiéreux, bizarrement, n’est pas désagréable à ma peau.
Ah non, ce n’est pas une vieille planche qui frotte ma cuisse, c’est sa main, légèrement calleuse qui presse mon épaule.
Décidément, j’ai dû glisser dans une faille temporelle où passé et présent se bousculent et s’amusent à me faire perdre la tête.
Devant moi de vieux journaux s’étalent, l’ancêtre des ancêtres du magazine pratique familial, j’ai nommé l’Echo de la Mode. Me voilà, petite fille solitaire, qui pour tromper l’ennui des jours infinis durant les grandes vacances ; fouinait dans les dépendances et se retrouvait ainsi le nez dans de vieux journaux où je plongeais avec délice.
« Ah toi, aussi tu as connu ces fameuses grandes vacances? Moi, on m’envoyait chez ma grand-mère maternelle. Oh ce n’était pas bien loin, mais c’était encore plus vieillot que chez mes parents. Le lait de chèvre, les premiers jours, ça ne passait pas très bien, en plus j’y allais seul, sans mes sœurs. »
Ah non, pas le lait de chèvre ! Le lait de chèvre c’est toute la saveur de mon enfance, c’était ce qu’il y avait de mieux même. Le lait de chèvre et les vieux journaux dignes des meilleures brocantes d’aujourd’hui, voilà ce que je retiens de mon enfance ici.
Franchement, cette faille temporelle n’en finit pas. Maintenant, j’aperçois les branches de chêne et les buis centenaires à travers la fenêtre de cette chambre. Je suis toujours assise par terre, cette fois le plancher irrite ma peau, la sonnerie stridente d’un vieux téléphone gris retentit, je frissonne.
Un bras solide m’entoure, une voix basse et calme me fait remarquer qu’une sonnerie a retenti dans la cuisine.
« Il faudrait peut-être voir si la souris d’agneau se marie bien avec les figues rôties, car en attendant de partager les tartines avec toi, je ne serais pas contre la découverte de ta recette. »
C'est une évidence, je ne maîtrise plus rien du tout, cet homme-là me rappelle irrésistiblement mon enfance. Il mêle tous les temps de la vie, le passé devient doux, le futur se teinte de confiance et le présent se marie avec tendresse et sensualité. Finalement, la faille temporelle c’est plutôt plaisant.
J’étais à l’heure et lui aussi, j’avais réussi la déco de ma table, un mix entre modernité des couverts et vintage du linge dont j’étais fière. Le champagne était prêt, il nous attendait sagement dans le seau en argent, hérité de ma grand-tante.
Je ne sais si c’était l’effet de ma chevelure lâchée en crinière sur mes épaules, de ma petite robe rouge soulignant mes formes pulpeuses ou de mon sourire radieux mais ses yeux brillaient de cet éclat qui réveille en toute femme, la séductrice confirmée.
Côté cuisine, j’avais parfaitement réussi ma mousseline d’écrevisses, la souris d’agneau commençait à confire délicatement tandis que les figues rôtissaient doucement.
Je crois que c’est là que tout s’est déréglé, je crois que c’est là que je n’ai plus rien maîtrisé.
« Des figues rôties avec de l’agneau, hum oui pourquoi pas, moi j’en fais surtout de la confiture, délicieuse le matin sur les tartines, tu aimes la confiture de figues ? »
Lentement et irrésistiblement, je me suis sentie aspirée dans un tourbillon vers l’enfance. J’ai revu le fourneau en fonte qui trônait dans la cuisine de ma mère et le grand faitout dans lequel elle faisait ses confitures ; en râlant parce que ça débordait toujours au moment où elle s’éloignait. J’ai senti l’odeur de la confiture brûlée, la chaleur du poêle qui chauffait ma peau.
Les figues n’étaient pas très abondantes dans cette maison, c’étaient plutôt les abricots donnés par un voisin, qui clapotaient dans la bassine.
« Oui les abricots j’aime bien aussi. Cette année il y en a eu assez pour que j’en fasse un peu. J’aime bien avoir le choix des confitures pour faire mes tartines ; donc pas de problème, si tu préfères l’abricot. De toute façon, ce qui me fera le plus plaisir, c’est de les partager avec toi. »
« Quoi, comment, qu’est ce qui se passe ? » Je ne sais plus très bien où je suis, le jour et la date. Sa voix me rassure, sa présence aussi, cette histoire de tartines à partager me touche, je me laisse aller.
Je monte de vieilles marches de pierre, je pousse une porte en bois et me retrouve dans une pièce abandonnée. Je m’assois sur un plancher mal raboté, le contact rugueux avec le bois poussiéreux, bizarrement, n’est pas désagréable à ma peau.
Ah non, ce n’est pas une vieille planche qui frotte ma cuisse, c’est sa main, légèrement calleuse qui presse mon épaule.
Décidément, j’ai dû glisser dans une faille temporelle où passé et présent se bousculent et s’amusent à me faire perdre la tête.
Devant moi de vieux journaux s’étalent, l’ancêtre des ancêtres du magazine pratique familial, j’ai nommé l’Echo de la Mode. Me voilà, petite fille solitaire, qui pour tromper l’ennui des jours infinis durant les grandes vacances ; fouinait dans les dépendances et se retrouvait ainsi le nez dans de vieux journaux où je plongeais avec délice.
« Ah toi, aussi tu as connu ces fameuses grandes vacances? Moi, on m’envoyait chez ma grand-mère maternelle. Oh ce n’était pas bien loin, mais c’était encore plus vieillot que chez mes parents. Le lait de chèvre, les premiers jours, ça ne passait pas très bien, en plus j’y allais seul, sans mes sœurs. »
Ah non, pas le lait de chèvre ! Le lait de chèvre c’est toute la saveur de mon enfance, c’était ce qu’il y avait de mieux même. Le lait de chèvre et les vieux journaux dignes des meilleures brocantes d’aujourd’hui, voilà ce que je retiens de mon enfance ici.
Franchement, cette faille temporelle n’en finit pas. Maintenant, j’aperçois les branches de chêne et les buis centenaires à travers la fenêtre de cette chambre. Je suis toujours assise par terre, cette fois le plancher irrite ma peau, la sonnerie stridente d’un vieux téléphone gris retentit, je frissonne.
Un bras solide m’entoure, une voix basse et calme me fait remarquer qu’une sonnerie a retenti dans la cuisine.
« Il faudrait peut-être voir si la souris d’agneau se marie bien avec les figues rôties, car en attendant de partager les tartines avec toi, je ne serais pas contre la découverte de ta recette. »
C'est une évidence, je ne maîtrise plus rien du tout, cet homme-là me rappelle irrésistiblement mon enfance. Il mêle tous les temps de la vie, le passé devient doux, le futur se teinte de confiance et le présent se marie avec tendresse et sensualité. Finalement, la faille temporelle c’est plutôt plaisant.
plumentete- Kaléïd'habitué
- Humeur : heureuse attentive
Re: A: Le pas de deux du temps
J'étais curieuse et impatiente de lire ton texte, de voir, ce que toi, tu aller faire de cette consigne. Je m'attendais à une sorte d'ode à ton enfance. Je trouve ta façon d'aborder le sujet plutôt drôle en ce sens que ton texte, loin d'être nostalgique est au contraire très gai et plein de vie au présent.
Enfin je ne sais pas si la souris d'agneau et les figues seront elles aussi savoureuses, mais ton texte est délicieux.
Quant à la mousseline d'écrevisses, je ne t'en parle même pas : tu dois être un sacré cordon bleu !
Enfin je ne sais pas si la souris d'agneau et les figues seront elles aussi savoureuses, mais ton texte est délicieux.
Quant à la mousseline d'écrevisses, je ne t'en parle même pas : tu dois être un sacré cordon bleu !
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A: Le pas de deux du temps
Pas d'illusion Escandélia, la mousseline d'écrevisse n'existe que dans mes fantasmes de cuisinière, je n'en ai jamais réalisé, il faut bien un peu de fiction dans l'écriture! En fait je ne savais absolument pas ce que j'allais écrire à partir de cette consigne, ce qui était certain pour moi c'est que je n'allais pas écrire une ôde un peu béate à mon enfance, sans doute car je suis ambivalente par rapport à celle-ci. Par contre, ce qui est venu naturellement sous ma plume, c'est le lien entre la rencontre de mon compagnon actuel, qui parce qu'il est agriculteur m'avait déjà ramené à mon enfance et les souvenirs bons et mauvais qu'il a fait remonté mais aussi ceux que cette maison m'évoque. Ensuite, j'ai voulu tenter de tisser des liens entre passé et présent, entre racines et ailes à déployer, tant mieux si mon texte est joyeux, j'aime la légèreté de l'écriture. La souris d'agneau est savoureuse et à défaut de figues rôties, la confiture de figues me fait toujours saliver, ce fut le premier cadeau que m'a fait mon homme et cela a joué grandement en sa faveur
plumentete- Kaléïd'habitué
- Humeur : heureuse attentive
Re: A: Le pas de deux du temps
Zutttttttttttttt! Ca fait 2 fois que je laisse un commentaire et qu'il disparaît
Je ne vais jamais réussir à redire aussi bien ce que j'ai pensé de ton texte, alors je m'en excuse par avance
Je trouve ce texte plein de paix intérieure. Il ne tombe jamais dans la nostalgie larmoyante. Il distille des émotions, des odeurs, des sensations, avec beaucoup de pudeur et pourtant de façon très réaliste et équilibré.
On aime être entraîné entre passé et présent, avec pour fil conducteur l'autre personnage (un homme je pense, et je crois savoir de qui il s'agit)
Tu as trouvé une très belle façon de te retourner sur ton passé, tout en ouvrant une autre page sur ta vie avec celui que tu aimes.
Bref, j'ai beaucoup aimé ton texte et je regrette encore une fois que mon premier commentaire, écrit sur le vif soit passé aux oubliettes.
Je ne vais jamais réussir à redire aussi bien ce que j'ai pensé de ton texte, alors je m'en excuse par avance
Je trouve ce texte plein de paix intérieure. Il ne tombe jamais dans la nostalgie larmoyante. Il distille des émotions, des odeurs, des sensations, avec beaucoup de pudeur et pourtant de façon très réaliste et équilibré.
On aime être entraîné entre passé et présent, avec pour fil conducteur l'autre personnage (un homme je pense, et je crois savoir de qui il s'agit)
Tu as trouvé une très belle façon de te retourner sur ton passé, tout en ouvrant une autre page sur ta vie avec celui que tu aimes.
Bref, j'ai beaucoup aimé ton texte et je regrette encore une fois que mon premier commentaire, écrit sur le vif soit passé aux oubliettes.
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: A: Le pas de deux du temps
Ah mais moi, il me va parfaitement ton commentaire! Bon c'est vrai qu'à la lecture de celui-ci, je regrette un peu de ne pas lire les précédents mais je me répète, ton commentaire me va tout à fait. En fait, tu dis tout ce que je voulais que soit ce texte, ni larmoyant, ni trop nostalgique tout en narrant mes émotions et faisant le lien entre passé et présent. J'avais juste un peu peur que la navigation entre les différents moments, ne soit pas très claire, apparemment je m'en suis bien sortie.
Et, oui je crois que tu as vu juste pour l'autre personnage de ce texte
Donc, remets toi de ta mésaventure (ceci dit, je comprends ton agacement, je déteste ça!)
Et, oui je crois que tu as vu juste pour l'autre personnage de ce texte
Donc, remets toi de ta mésaventure (ceci dit, je comprends ton agacement, je déteste ça!)
plumentete- Kaléïd'habitué
- Humeur : heureuse attentive
Re: A: Le pas de deux du temps
J'aime beaucoup la forme que prend cette "navigation" (comme tu dis) entre souvenir et réalité, passé et présent, les odeurs qui en éveillent d'autres, les sensations qui se confondent... Cette faille temporelle ressemble à un véritable rêve éveillé, avec, au final, un texte plein de la poésie des chose simples, celle qui me touche le plus.
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Re: A: Le pas de deux du temps
Bien , fort bien même cette navigation nostalgique sur fond de mets délicieusement cuisinés, et me v'là tout émotionné ...
Mais où vais-je donc trouver la faille qui va me ramener au milieudu terrain de la consigne
Mais où vais-je donc trouver la faille qui va me ramener au milieu
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: A: Le pas de deux du temps
Un texte qui éveille mes sens... Et qui donne autant faim que l'envie de vivre ^^
grâce à une fin qui annonce une suite bien prometteuse !
Chapeau bas pour cette consigne sur une photo d'objets qui sont si proches de toi...
grâce à une fin qui annonce une suite bien prometteuse !
Chapeau bas pour cette consigne sur une photo d'objets qui sont si proches de toi...
July_C- Kaléïd'habitué
- Humeur : qui vagabonde
Re: A: Le pas de deux du temps
Très belle façon d'articuler la bascule du temps, entre passé et présent, tous deux ponctués d'instants de bonheur vécus et encore à venir.
virgul- Kaléïd'habitué
- Humeur : optimiste
Re: A: Le pas de deux du temps
Je me joins aux com's précédents. Moi aussi, j'aime beaucoup ce va-et-vient entre le présent et le passé qui te fait perdre la tête. Texte empreint de tendresse, de douceur, de laisser être!
Mesange- Kaléïd'habitué
- Humeur : en phase de reconcentration
Re: A: Le pas de deux du temps
Oh Mésange, de "laisser être" comme elle est belle cette expression, Merci. Et puis contente de te retrouver ici, ça fait plaisir, vraiment
plumentete- Kaléïd'habitué
- Humeur : heureuse attentive
Re: A: Le pas de deux du temps
Moi aussi j'étais curieuse de découvrir quel texte tu allais écrire sur ta photo. Je m'attendais moi aussi un une "ode nostalgique" à ton enfance. Et voilà un texte plein de vie et de joie. Tu as parfaitement réussi la navigation entre le présent et le passé.
Sherkane- Kaléïd'habitué
- Humeur : ....
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum