Sensations matinales

Le nez au creux de ton cou, yeux fermés et sourire aux lèvres, l’odeur miellée de ta peau me sort doucement de la langueur de mes rêves. La chaleur de la nuit a laissé un voile humide sur nos épidermes, en reste une légère chair de poule, frissons climatiques ou sensuels ? J’irais bien vérifier mais l’herbe mouillée de rosée me donne des envies de fraîcheur. Je me lève en silence, veille à ne pas briser ton sommeil. Je sors d’un pas fainéant sur la terrasse, allume une cigarette. 
Odeur de soufre et de tabac mêlés, poison du matin j’ai faim…

Au loin, le village s’éveille, j’entends le klaxon du boulanger ambulant, j'anticipe les odeurs gourmandes qui s’échapperont de son camion, à peine l’auvent tiré… beurre et sucre, croissant encore chaud ; farine et levain, le bruit délicieux de la croûte du pain bûcheron qui se casse sous des doigts impatients. 
Il y aura son rire et son accent chantant, les potins du village et les fausses confidences entre locaux et vacanciers.

Mais avant tout cela, je traverse la terrasse et entre dans la cuisine préparer le café, parce qu’un croissant sans café, c’est un peu comme un lit de célibataire, sympathique certes, mais c’est tellement mieux quand on y est accompagné…
La vieille cafetière laisse échapper son nectar au compte-goutte avec force gargouillis des tuyaux entartrés. Rien que le bruit me fait sourire, il me suffit de l’entendre pour sentir sur ma langue la force du gout fruité des grains brésiliens torréfiés à la perfection.

Je ne t’entends pas arriver, tu te coules contre mon dos, tes bras enserrent ma taille, je sens un baiser endormi sur ma nuque, frissons… bien sûr, c’est l’odeur du café qui t’a réveillé, ou peut-être cette sensation étrange qu’il manque quelqu’un dans le lit, quand ta main rencontre un oreiller vide.
Tu sors les bols, prends le beurre, les confitures et les poses sur la table. J'ai pressé deux oranges, lèche sur mes doigts leur jus sucré et légèrement acidulé. Le boulanger est enfin là, tu as pris notre commande journalière de pain et de douceurs locales. Installés sur la terrasse, nous déjeunons au bruit lancinant des cigales qui s'éveillent.

Tout à l'heure, nous irons sur la plage, avant qu'elle ne soit envahie par la horde de touristes bruyants et envahissants. Je te regarderai courir vers les vagues, suivrai ton corps plonger en leur sein, tout en laissant filer du sable entre mes doigts. Je laisserai mes yeux parcourir l'immensité bleue, à m'y perdre dedans.

C'est mon prénom par toi crié qui me sortira de mes songes, et je courrai te rejoindre dans l'onde iodée. Nous jouerons un moment, jusqu'à ce que le jeu devienne plus intime... Il sera temps de regagner notre refuge, et continuer nos jeux à l'abri des regards.

Un matin d'été comme tous les autres, plein d'émotions mêlées. Instants de plénitude partagée, et précieuse.