A : Je ne me remettrai pas !

Je pars le cœur en vrac avant que les autres ne se lèvent.

Tout le monde a eu du mal à trouver le sommeil en cette veille de départ. Pourtant comme tous les soirs le vent nous berçait et le John aussi qui était le premier à ronfler, faut dire que l’alcool qu’il ingurgite l’aide bien.

Rick remonte son col de ses mains burinées par le travail et les années. Il enfonce ses mains dans ses poches. Une bourrasque le fait chanceler et transperce son manteau en une fraction de seconde. Ses yeux se lèvent sur les étoiles et il est bien content de croiser le regard de la lune descendante, quelques jours plus tard il aurait fait une nuit si noire qu’il lui aurait été impossible de se repérer. Même pour lui qui connait chaque recoin de cette île.

Il comprend les autres, il a fini par se ranger à leur avis, même si au tréfonds de son être il est attaché à cette île.
Tout est parti de travers depuis que les scientifiques y ont mis les pieds, ils sont arrivés plein de prétention et de savoir, nous prenant pour des demeurés, mais que savent-ils de nos vies ?
Que savent-ils des folles fleurs qui naissent en été, aussi vives que le soleil et résistent à tous les temps, du nuage suspendu qui annonce mieux que tous les outils du monde le temps à venir selon qu’il se forme le midi ou le soir ?

Ma tombe c’est cette île, qu’ils s’en aillent tous crever d’abondance, suffoquer d’air vicié par des autos roulant en tous sens ; moi je reste là face au levant, l’horizon pour spectacle chaque instant renouvelé. Les charognards sauront me trouver quand je ne serai plus, je m’offrirai à eux et ils m’offriront leur chant funèbre.

Le temps est venu de me cacher dans cette grotte la plus reculée de l’île, je les entends déjà m’appeler, mais je sais que personne ne viendra ici, seul Paul peut-être, mais il fera semblant de ne pas me voir.
Non à eux je ne me remettrai pas !