A. Fantômes people

L’Hôtel des Princes… pfff…  L’Hôtel des courants d’airs plutôt ! Ah je les retiens à Kaleidoplumes de m’avoir envoyé ici. « Une résidence de luxe », tu parles, rien du verre cassé, des plafonds crevés et des tas de gravats ! Et pas un chat. Il parait que c’est ça l’intérêt de l’endroit : ses fantômes… brrr ! Ohé, Ohé, Y’a quelqu’un ? Hé M’sieur là, vous seriez  pas un fantôme par hasard ? La rédac en chef de kalé m’a chargé d’interviewer les fantômes de L’Hôtel des Princes…
- Un fantôme moi ? Vous plaisantez  jeune homme, je suis huissier  et je suis là pour  constater l’état de ce monument historique. Pas une sinécure, vous pouvez me croire.

Soudain il me semble qu’une voix d’outre tombe chuchote a mon oreille. Je demande :
- Pardon, vous dites  que vous êtes « L’Eugénie du lieu ? »
- Hi hi, Eugénie aussi, oui, l’impératrice, et l’âme de ce palais.
- Un palais en bien triste état, c’est plein de décombres, on se croirait à Sedan après le désastre.
- Ah Sedan, c’était bien triste évidemment, mais faut relativiser, c’est juste la France qui a perdu. Par contre ce que je n’ai vraiment pas digéré, c’est la défaite des espagnols dans cette fameuse course. Vous vous souvenez, j’étais tellement en colère que j’ai explosé un muret ?(*)
- A part ruminer sur cette malheureuse compétition, vous ne vous ennuyez pas trop ici ?
- Pas un instant, j’ai toujours l’esprit sportif, et je suis devenue une fan du ballon rond (attention, pas celui de ce grand nigaud de Gambetta...) Je regarde les matchs de foot sur une vieille télé que des squatters ont laissée dans un salon. Je suis supportrice du Real Madrid.
- Ils doivent en entendre quand ils perdent…
- Caramba, oui, vaut pas mieux être dans les parages. Même fantôme, j’ai toujours du tempérament. Tenez, ici, c’est moi qui ait brisé cette vitre d’un coup de pied ; là, ces pierres descellées, c’est encore moi. Ce tas de plâtras tombé du plafond, pareil. Fantôme, ce qu’il y a de bien, c’est qu’on peut s’insinuer partout et voler dans les airs. Attendez, j’en ai encore à vous montrer…

Là, je me suis esquivé vite fait, c’était un peu inquiétant, la compagnie de cette impératrice hooligan. N’empêche, j’avais déjà un bon scoop pour les lecteurs de Kalé. Ils seront ravis de voir que leur idole, « la fée blonde » a toujours la forme.

Un peu plus loin, je sens à nouveau une présence à mes côtés. « A qui ai-je l’honneur ? » demandé-je.
- Euh…euh eugèn…
- Eugénie, encore, ah non, je ne vais pas consacrer toute ma rubrique à cette calamité !
- Pas Eugénie, Eugène, Eugène Delacroix.
- J’ignorais que vous aviez fréquenté les lieux.
- Ne me dites pas que vous n’avez pas vu les aquarelles que j’ai peintes à Eaux-bonnes.
- Si si, bien sûr, des chefs-d’œuvres…
- Et comment ! Il faut dire qu’Eaux-bonnes c’était l’idéal
- Sûr, c’est pittoresque.
- C’est pas ce que je veux dire. Pour vous, c’est quoi l’aquarelle ?
- Ben c’est de la peinture à l’eau
- Voilà, vous avez tout compris, alors plus l’eau est bonne, meilleure est l’aquarelle, voilà pourquoi je suis venu à Eaux-bonnes.
- Quand même, Monsieur Delacroix, heureusement que vous avez fini par vous mettre à a peinture à l’huile, sinon on n’aurait jamais eu « La mort de Sardanapale ».

Le troisième fantôme que je rencontre est du genre rigolard. Pas étonnant puisque c’est le bon roi Henri IV, un natif de la région.
- Qu’est-ce que vous avez le plus apprécié ici  Monsieur Henri, les eaux sont goûteuses ?
- Les eaux, je m’en fichais un peu, je préfère le Jurançon. Mais ce bled perdu, c’était l’endroit rêvé pour abriter mes amours avec des personnes dont je vous prie de croire qu’elles étaient aussi bonnes que ces eaux et même bien meilleures.
- Et qu’est-ce qui vous attire dans cet Hôtel des Princes, bien postérieur à l’époque de votre gloire ?
- Eh eh, c’est la môme Eugénie. Comme souveraine, je ne l’ai pas trouvée terrible et le style Second empire qu’elle a lancé, ça n’était que celui du premier, en pire, si j’ose ce jeux de mots. Et en tous cas ça ne valait pas le style Henri II, Henri III ou Henri moi. Mais je dois dire qu’elle est plutôt sexy. Une poulette que j’aurais bien mise dans mon pot !

Trois interviews de fantômes people, génial ! Si je suis renvoyé de Kalé, je me fais illico embaucher à Gala ou Voici…

(*) Authentique ; lu dans Wikipedia :« Un jour de l'été 1852, une course organisée entre Basques français et espagnols voit la victoire des Français. Dépitée, Eugénie interpelle ses compatriotes avec colère puis fait rouler des pierres qui formaient un muret en déclarant : « Je démolis la France, pour venger mon Espagne vaincue ! ».