A . Toqué de remords

Gustave avait toujours vécu dans le coron de la cité de la fosse, à Billy Montigny.
Depuis ses 14 ans et durant plus de 30 ans il était descendu « au fonds ».
Mineurs de pères en fils, la famille vivait du charbon depuis plusieurs générations.

Il faisait alors partie de ces gueules noires, hirsutes et harassées de fatigue, que les mines dégorgeaient par centaines de leurs boyaux en début de soirée. Les gueules propres prenaient le relais. Qu’importait de travailler en journée ou de nuit. Les galeries vous avalaient dans leur obscurité menaçante, et les lumières pâles des lampes ajoutaient à l’effroi en faisant trembler les parois des étroits tunnels.

Interdit de mine pour raison de santé, Gustave s’était néanmoins toujours levé très tôt.
Le travail de toqueur de fenêtre venait à point pour compléter la misérable pension que la Compagnie lui versait.

Il connaissait tout le monde dans le quartier.

Emile le poilu, qui ouvrait sa fenêtre torse nu, le buste et les épaules velus à faire peur.

Léopold, avec ses lunettes de travers, comme les quelques mèches qui lui restaient sur le crâne.

Alfred, à l’étage du n° 14, chez qui il fallait insister. Souvent saoul de la veille, Gustave devait attacher un caillou au bout de sa perche pour parvenir à le réveiller. La fenêtre s’ouvrait avec fracas, et la gueule toute chiffonnée, Alfred l’injuriait.

Elise, c’était l’inverse. Fenêtre ouverte elle l’attendait : « bonjour Gustave ! Un petit café ? ». « Désolé Elise, je n’ai pas fini ma tournée. »

Gustave a donc contribué au réveil d’une trentaine de clients durant plusieurs années.

Jusqu’en 1906, le 10 mars exactement.

Ce jour- là un coup de grisou suivi d’un coup de poussier dans la fosse 2 de Billy Montigny a provoqué une des pires catastrophes minières de France, tuant 1099 mineurs.

Parmi les victimes René Bellenger, Henri Chardon, Constant Dupas, Théodore Laude, et Eugène Wiart tous réveillés le matin même par la perche de Gustave !

Ta fin est percutante ! Et met encore plus en valeur tout ton texte.

C'est un texte tout à fait passionnant qui mériterait d'être encore plus développé en nouvelle
Ta fin est percutante. J'aime tout dans ton texte.
Merci beaucoup pour ce très beau moment de lecture

Un texte très fort....
Etant ch'ti" je me souviens qu'on en parlait dans ma famille du coté de ma mère.
Mon grand-père maternel fut instituteur dans ces pays miniers....

Un texte très percutant, une triste histoire que tu nous narres magistralement !

Un texte ancré au plus profond de la réalité d'une époque. Et une fin qui percute car on ne s'y attend pas.
Un texte vraiment excellent et très écrit

Virgul, j'aime ton style enlevé. J'aime tes phrases courtes. J'aime ton écriture. Ce texte, peut être vrai et tiré de l'histoire sociale de notre pays est très riche en émotion. Tu as bien fait de l'écrire et comme Admine, une nouvelle de ta part, pourquoi ne pas y penser.

Merci pour vos commentaires élogieux.
Je voulais d'abord m'inspirer de l'immigration italienne et en profiter pour faire chanter tous leurs prénoms. Mais historiquement, j'avais 40 ans d'avance.
J'ai alors retenu la catastrophe de Courrières. Les noms des victimes sont réels,un dernier hommage à ma petite échelle.

Très joli hommage en effet que cette litanie de noms et ce très beau texte qui touche profondément le lecteur, car il nous remet en mémoire des vies difficiles, trop souvent oubliées.

J'aime beaucoup le titre de ton texte Virgul. Et ton texte aussi. Bien écrit, comme toujours et touchant par la simplicité avec laquelle tu rapportes ce malheur.

Bravo Virgul !
Un très bon texte, qui comme admin mériterait d'être étoffé.

c'est excellent, virgul, plus le temps passe et plus je prends plaisir à te lire.

merci pour ce très joli moment de lecture, et merci pour cette chute qui donne toute la saveur à ton texte

Un texte bien commencé et qui finit par une chute dramatique sur cette catastrophe que je ne connaissais pas.
Félicitations pour cette manière de faire sur ce fait historique.

Je trouve que ton texte est très très bien écrit. Juste ce qu'il faut, pas trop, ni trop peu (ce qui ne t'empêche pas d'en écrire une nouvelle car tu sauras rajouter ce qu'il faut ). L'émotion est au rendez-vous, le témoignage poignant. Bravo! J'aime beaucoup!

Quel texte Virgul, J'aime beaucoup ton écriture Elle est précise, juste et légère en même temps.Et la fin nous cloue le bec. Une minute de silence s'impose. Toutes mes félicitations.

Là, encore plus que dans mon texte, c'est vraiment la mort qui a toqué à leur fenêtre, mais ici, pas besoin de fantastique, la terrible réalité de la mine suffit. Un très bon texte, bien inscrit dans le contexte de l'époque et avec une chute qui apporte une conclusion glaçante. Et en plus du malheur des mineurs, on imagine la culpabilité du toqueur, très délicatement évoquée par le seul titre.

Seule réserve : il me semble que si les mineurs que tu cites avant la chute (Afred, Léopold, Emile) figuraient dans la liste des morts, ça donnerait encore davantage de force à ton texte du fait qu'on les connaitrait déjà un peu.

Coup de coeur du realisme pour ma part et de ce que pourrait ressentir ce toqueur.
Bien imagé et formulé
merci