A. Radio Mélancolie

Je voulais écrire l'adolescence, les années collège au goût de bière et au parfum d'amours désabusées. Me demander ce qu'il en restait, après dix ans... Mais à regarder ma feuille blanche cinq minutes avec toi dans les oreilles, ma plume se fige.
Écrire sur du Renaud, c'est prendre l'autoroute à contre-sens. En parallèle du flux de mots ciselés se croche patte une prose bien empruntée.
Écrire sur Renaud, c'est peut-être encore plus délicat. Que dire sans ressasser, sans trahir aussi ? Et ma relation avec Renaud, qu'a-t-elle d'intéressant ou de différent d'avec les autres, d'avec les vôtres ? Cette semaine est sorti le dernier album de Grand Corps Malade sur lequel, après six ans de silence radio, il murmure son amour pour son fils Malone.

"Il nous restera ça". Je ne peux m'empêcher de penser qu'il a déjà écrit cette chanson, en 85. Dans une atmosphère d'une douceur enivrante, il parlait de la perte inéluctable de l'enfance qui laisse un goût moribond dans la bouche, qu'aucun bonbec fabuleux ne saurait apaiser. J'aime pourtant ce paradoxe des souvenirs : aimer douloureusement ce qui n'est plus pour et y trouver un répit. Le bonheur d'être triste de Victor Hugo, ou la saudade portugaise.

De son enfance, Renaud gardait le mistral gagnant, comme d'autres pleurent leur madeleine. Il fait bon remonter les strates du passé, revenir à ses quinze ans. À cette époque-là, pendant que mes amies écoutaient Placebo et Lorie, je découvrais le chanteur énervant. Ses cheveux paille, son foulard rouge, sa verve engagée, son argot, ses déboires et surtout ses étincelles de poésie. Alors, mon mistral gagnant à moi, c'est un peu toutes ses chansons qui résonnaient dans ma tête appuyée contre la vitre d'un bus fendant la brume du matin.

Il aurait écrit de nouveaux textes, réintégré le studio d'enregistrement... Je vais être honnête, je ne sais pas quoi penser du retour du poète. Alors je prends mes écouteurs et démarre les violons de "En cloque". La plume glisse sur un velours de tendresse et d'humour, fait jaillir l'émotion. Il nous restera ça.

Rassure-moi Christa, tu n'étais pas à la bière durant tes années collège  Du moins pas avant ta dernière année????

Petite rectification, tous les chanteurs de l'album de Grand corps malade ont planché sur le thème de "Il restera ça", pas seulement Renaud. De fait, la consigne ne demandait pas d'écrire juste sur Renaud.

Mais peu importe, cela ne me gêne pas car tu rends ainsi hommage à ce chanteur que j'ai pour ma part découvert en 1978 (mes années de bière et de lycée. Et oui à l'époque... mais c'est une autre histoire!) Il venait de sortir son premier 45 tours (et oui à l'époque...)
"J'étais tranquille j'étais pénard, accoudé au comptoir etc..."
J'ai eu la chance de le voir en concert alors qu'il était très jeune (et moi encore plus) Je m'en souviens encore et je suis toujours aussi émue quand je repense à ce concert sur une plage du sud. Bref...

Tu fais allusion au "mistral gagnant" pour moi l'une des plus belles chansons de Renaud, et, j'ose le dire, du répertoire français de l'époque.

Et donc pour finir, j'aurais préféré que tu t'appropries les mots "Il nous restera ça" mais, comme dit plus haut, je suis ravie que tu ais saisi l'occasion de nous parler de ce grand bonhomme qui, malheureusement, me paraît bien diminué.
Je ne doute pas qu'il retrouve sa plume  d'antan, pour ce qui est de sa voix et de tout le reste, c'est plutôt mal parti. Mais on sait jamais  

Je suis contente de lire cet " hommage" ( en est-ce vraiment un) à Renaud qui est un de mes chanteurs préférés.
J'ai vu l'émission de Ruquier, revoir Renaud vieilli, m'a fait un choc. Est-il pour cela détruit ?
Ne va -t-il pas enfin, enfin, comme le pense Grand Corps Malade rebondir ?

Je l'espère de tout coeur et te remercie pour ton texte ! Comme tu dis " Il n ous restera, ses chansons m^me si elles ne datent pas d'hier"

Renaud a marqué la chanson française et tu nous le dis parfaitement bien dans ton texte. Qui n'a pas fredonné une chanson de Renaud!

L'appréhension du retour de Renaud, née de l'avoir si fort apprécié, et la promesse finale de lui déclarer qu'il restera, quoi qu'il publie, ce qu'il a été. Il est parmi ces chanteurs à qui nous resterons inconditionnellement fidèles, comme Francis Cabrel pour ma part. J'aime aussi beaucoup ton écriture Christa.

Très belle écriture...
Pour ma part, Renaud n'a pas fait partie de ma culture musicale, jusqu'à que je le découvre en grandissant. Je ne connais donc pas cette relation que vous avez avec lui... même si je sais combien il a marqué plusieurs générations.

J'aime ton texte car il m'invite à mieux appréhender ce rapport-là que beaucoup d'entre vous avez avec ce chanteur.

Une belle évocation de ce chanteur de gouaille, de révolte et de tendresse, qui a tant représenté pour sa génération. Quoi qu'il puisse devenir, il nous restera ça, le Renaud jeune, qui a si bien alimenté nos émotions.