A. Malice

Malice. Il s'approche doucement mais avec détermination, claudiquant d'une patte sur l'autre. C'est drôle de le voir si décalé dans son environnement, ses palmes appelant la mer et ses ailes prêtes à affronter le ciel. Mais il est si à l'aise, déambulant sans vergogne entre les flâneurs du zoo. Sa proie, il l'a déjà repérée: petite fille blonde seule, à droite toute. Ses petits bras arqués initient le changement de cap, suivis du popotin dandinant. Regard vif, bec en l'air, il approche sa future conquête. Un peu effarouchée d'abord – elle était en train de diriger une armée de fourmis – elle se laisse peu à peu apprivoiser par le nouveau venu qui la bombarde d'œillades. Une fois qu'il a toute son attention, il peut attaquer. Jambes cambrées, plastron bombé, le voilà qui déploie ses ailes et les agite. Les agite, vite, vite, comme s'il voulait déclencher une tempête.

Malice. La tête en arrière, la bouche grande ouverte, elle rit. Coquette, elle ramène ses bras potelés sous son menton, ça le rend mutine. Le charme opère, et le drôle d'oiseau continue sa parade amicale. Elle balance frénétiquement ses petites jambes, ces saucissons potelés que j'aime tant dévorer avant de la mettre au lit. En l'observant depuis la table du restaurant, je me dis que j'aimerais qu'elle ne connaisse que des moments comme celui-ci. Que sa vie ne soit qu'une succession d'éclat de rire, que j'arrive à la préserver des cahots de l'existence.

- Regarde maman, le pingouin m'apprend à voler!

Malice. Il n'y en a aucune dans les yeux d'une mère qui couve sa fille, de loin. Quand nous rentrerons ce soir, je continuerai à lui apprendre à voler. Et le lendemain aussi. Préparer, renforcer, déployer ses ailes pour qu'elle puisse un jour, courir allumer elle-même les feux de son ciel.

Un texte qui fait "vivre" la situation de façon remarquable et où, un moment de bonheur enfantin, cristalise les espoirs d'une maman.

Le regard d'une mère plein d'amour pour sa fille et qui la laisse vivre ses epériences... (elle ne s'est pas précipitée pour écartir le pingouin drageur)
J'aime beaucoup

Sherkane a écrit: Le regard d'une mère plein d'amour pour sa fille et qui la laisse vivre ses epériences... (elle ne s'est pas précipitée pour écartir le pingouin drageur)
J'aime beaucoup

Je plussoie!

J'adore ton texte Christa. je le trouve original, frais, joyeux

Christa a écrit:Préparer, renforcer, déployer ses ailes pour qu'elle puisse un jour, courir allumer elle-même les feux de son ciel.

Superbe chute

Un tout beau texte,qui décrit bien le mélange d'appréhension et de courage d'une maman qui veut laisser grandir son enfant. Et le bonheur que cela procure à sa fille. Tout en douceur "responsable". Ton dernier paragraphe est magnifique.

Le pingouin est touchant, la petite fille craquante, sa mère est une narratrice parfaite.
En un mot :

Tant d'amour maternel et de douceur.
Très joli.

De l'originalité
et une forme de fable sur le rôle d'une mère émancipatrice

Je rejoins tous les commentaires posés pour ce très beau texte.
Bravo.