Le Veilleur
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Admin
Nerwen
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Le Veilleur
Le Veilleur
« Quoi qu’il arrive je resterai là, debout sur mon rempart. Comme chaque nuit, depuis des semaines, peut-être des mois, je guette l’arrivée des soldats.
Mes compagnons n’y croient plus, ils disent que personne ne s’intéresse à cette forteresse oubliée aux confins du royaume, mais moi, je sais qu’ils viendront…
Le Duc de Lorraine, que son ambition l’étouffe, ne renoncera jamais à notre place forte qui le nargue aux frontières de son domaine, comme une verrue au milieu d’un beau visage.
Cette nuit, il y a tellement d’étoiles que l’on y voit presque comme en plein jour. Seule la masse sombre des arbres barre l’horizon. C’est par là qu’ils viendront. Ils sortiront de l’ombre et si un de nos guetteur ne donne pas l’alarme, ils se répandront comme une coulée de lave jusqu’à nos murailles. Au silence qui aura couvert leur approche succéderont les cris et le fracas des armes. Ils se verront vainqueurs… Ils seront vainqueurs !
C’est pour ça que je veille et notre seigneur a bien fait de m’octroyer sa confiance avant de partir, appelé au service de son suzerain. Les autres sont descendus, festoyer dans la grande salle. Les réserves s’épuisent mais ils n’en n’ont cure et Dame Ysobel les regardera avec son sourire triste avant de se retirer dans sa chambre pour éviter les rixes et les plaisanteries grossières qui succèdent toujours à ces beuveries nocturnes.
L’attente est longue et mon équipement me pèse. J’ai posé mon casque au pied du parapet, et ce soir, pour la première fois, je sens comme une lassitude gagner mes jambes. Elles deviennent lourdes comme du plomb… Je vais marcher un peu dans le chemin de ronde…
La plaine est vide sous la lumière de la lune et les arbres sont noirs…
Il faut que je m’asseye un instant sur cette borne… Le créneau est un parfait poste d’observation…
Des rires et des chants avinés montent jusqu’à moi, la grande salle ne mérite plus son nom de salle des Preux, c’est maintenant la salle des soudards ! Mais je les comprends un peu, ils sont jeunes et cette garnison n’a rien de bien excitant pour des jouvenceaux assoiffés de glorieuses batailles, pleines de fureur et de bruit.
Mais… Il me semble avoir aperçu là-bas une lueur, comme le reflet d’un rayon de lune sur une lame dégainée. A moins que ce ne soient déjà les premières lueurs de l’aurore… Non, je ne vois plus rien, c’est encore un tour que me joue mon œil brûlé jadis dans le désert…
Tiens, une autre lueur plus à droite, et si c’étaient EUX ? Je vais donner l’alarme…
Je crie ! Je crie, mais personne n’entend… Je vais descendre les prévenir… Une douleur horrible m’enserre la poitrine… Aux remparts ! Aux remp….
Quelques heures plus tard, les mercenaires de Lorraine, investirent la forteresse sans coup férir. Il ne fut pas fait de prisonniers. Il n’y eut pas de survivants.
Mes compagnons n’y croient plus, ils disent que personne ne s’intéresse à cette forteresse oubliée aux confins du royaume, mais moi, je sais qu’ils viendront…
Le Duc de Lorraine, que son ambition l’étouffe, ne renoncera jamais à notre place forte qui le nargue aux frontières de son domaine, comme une verrue au milieu d’un beau visage.
Cette nuit, il y a tellement d’étoiles que l’on y voit presque comme en plein jour. Seule la masse sombre des arbres barre l’horizon. C’est par là qu’ils viendront. Ils sortiront de l’ombre et si un de nos guetteur ne donne pas l’alarme, ils se répandront comme une coulée de lave jusqu’à nos murailles. Au silence qui aura couvert leur approche succéderont les cris et le fracas des armes. Ils se verront vainqueurs… Ils seront vainqueurs !
C’est pour ça que je veille et notre seigneur a bien fait de m’octroyer sa confiance avant de partir, appelé au service de son suzerain. Les autres sont descendus, festoyer dans la grande salle. Les réserves s’épuisent mais ils n’en n’ont cure et Dame Ysobel les regardera avec son sourire triste avant de se retirer dans sa chambre pour éviter les rixes et les plaisanteries grossières qui succèdent toujours à ces beuveries nocturnes.
L’attente est longue et mon équipement me pèse. J’ai posé mon casque au pied du parapet, et ce soir, pour la première fois, je sens comme une lassitude gagner mes jambes. Elles deviennent lourdes comme du plomb… Je vais marcher un peu dans le chemin de ronde…
La plaine est vide sous la lumière de la lune et les arbres sont noirs…
Il faut que je m’asseye un instant sur cette borne… Le créneau est un parfait poste d’observation…
Des rires et des chants avinés montent jusqu’à moi, la grande salle ne mérite plus son nom de salle des Preux, c’est maintenant la salle des soudards ! Mais je les comprends un peu, ils sont jeunes et cette garnison n’a rien de bien excitant pour des jouvenceaux assoiffés de glorieuses batailles, pleines de fureur et de bruit.
Mais… Il me semble avoir aperçu là-bas une lueur, comme le reflet d’un rayon de lune sur une lame dégainée. A moins que ce ne soient déjà les premières lueurs de l’aurore… Non, je ne vois plus rien, c’est encore un tour que me joue mon œil brûlé jadis dans le désert…
Tiens, une autre lueur plus à droite, et si c’étaient EUX ? Je vais donner l’alarme…
Je crie ! Je crie, mais personne n’entend… Je vais descendre les prévenir… Une douleur horrible m’enserre la poitrine… Aux remparts ! Aux remp….
Quelques heures plus tard, les mercenaires de Lorraine, investirent la forteresse sans coup férir. Il ne fut pas fait de prisonniers. Il n’y eut pas de survivants.
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Re: Le Veilleur
Je suis intriguée Nerwen par ce texte, j'aimerais en savoir plus, par exemple dans quelle circonstance tu l'as écrit
Extrêmement bien mené en tout cas
Extrêmement bien mené en tout cas
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: Le Veilleur
beau texte en effet remarquablement écrit. J'aimerai le lire du début à la fin (enfin lea paragraphes qui précèdent et qui suivent ton texte)
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: Le Veilleur
Avec son atmosphère d'attente et d'ennemi qui tarde à venir, ce texte m’a un peu fait penser au « Désert des tartares » de Buzzati. (l'allusion au désert est-elle un clin d'oeil ? )Mais ici, le narrateur ne semble pas rêver de gloire (davantage les soldats sans doute) Il est plutôt désabusé et semble déjà parti perdant Le contexte historique m’échappe, mais j’ai apprécié la très bonne atmosphère d’angoisse et de tristesse. On entre très bien dans les sentiments de ce personnage.
tobermory- Kaléïd'habitué
- Humeur : Changeante
Re: Le Veilleur
Pour te répondre Admin, j'ai l'habitude de relever au cours de mes lectures des phrases qui font "tilt" en moi et me suggèrent soit une amorce, soit un conclusion, d'un texte que j'écrirai ultérieurement. Mon imagination fait le reste.
"Je resterai debout sur mon rempart" est une phrase de l'Ancien Testament, dans le Livre d'Habaquq, un mystérieux prophète hébreu qui vivait environ 600 avant notre ère. Tober a raison, j'ai aussi pensé au "Désert des Tartares " et surtout au "Rivage des Syrtes" de Julien Gracq, un autre roman sur l'attente.
Tober, il n'y a pas de référence historique précise, peut-être un Moyen Âge imaginaire, mon héros est un ancien Croisé (il a perdu un oeil dans le désert).
Escandélia, ce texte est un tout pour moi. Ni avant, ni après. Je suis contente qu'il vous ai plu.
"Je resterai debout sur mon rempart" est une phrase de l'Ancien Testament, dans le Livre d'Habaquq, un mystérieux prophète hébreu qui vivait environ 600 avant notre ère. Tober a raison, j'ai aussi pensé au "Désert des Tartares " et surtout au "Rivage des Syrtes" de Julien Gracq, un autre roman sur l'attente.
Tober, il n'y a pas de référence historique précise, peut-être un Moyen Âge imaginaire, mon héros est un ancien Croisé (il a perdu un oeil dans le désert).
Escandélia, ce texte est un tout pour moi. Ni avant, ni après. Je suis contente qu'il vous ai plu.
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Re: Le Veilleur
Oui, Nerwen,ce texte est excellent,il nous tient en haleine, tu décris avec minutie chaque détail !
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: Le Veilleur
Ce texte est beau et je l'ai lu avec d'autant plus de plaisir que ce matin j'ai fait une balade dans les Vosges en passant au pied du château de Kientzheim qui représente l'archétype du décor que tu plantais. Je pouvais donc imaginer clairement ct entre chien et loup d'une forêt un peu sombre.
Kz- Kaléïd'habitué
- Humeur : bonne
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