A. Un immense château
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Escandélia
madeleinedeproust
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A. Un immense château
C'est un immense château, plein de pièces biscornues, avec des passages secrets à tout-va et des escaliers étroits et en colimaçon.
Son chemin de ronde porte les stigmates du temps qui passe et la vieille tour de garde ne tient plus très droite.
La lourde porte d'entrée est couverte de lettres entrelacées les unes aux autres issues de tous les alphabets du monde et deux belles plumes d'oie croisées sur un vieux parchemin ornent le blason du seigneur du royaume.
Ici tout se règle à la pointe de la plume.
Les duels se font derrière un lutrin, et un jury de lecteurs confirmés départage les combattants.
Dès leur plus jeune âge les habitants du royaume sont nourris de contes merveilleux et de récits fantastiques.
Quand le roi réunit son conseil, il ne s'adresse à ses fidèles conseillers qu'en alexandrins classiques avec césure à l'hémistiche. Mais chacun est libre de lui répondre en prose ou en vers. C'est d'ailleurs à son style qu'on reconnaît chacun des conseillers du royaume.
Le maître de justice a un style assez ampoulé, il use et abuse de l'alexandrin avec un vocabulaire un brin désuet. Parfois, quand la situation est grave, il a recours à l'hexamètre dactylique et à la langue de Virgile. Nul n'ignore dans le royaume que si jamais le maître de justice en vient à user de l'idiome d'Homère c'est que l'état d'urgence est sur le point d'être déclaré. Heureusement ceci n'arrive que rarement. La dernière fois c'était pour mettre fin à une sombre querelle des Anciens et des Modernes. Il a fallu se fâcher et rappeler à tout un chacun ce que « liberté d'expression » voulait dire !
Le maître des jeux, lui, est amateur d'une prose légère et fleurie. Il ne rechigne pas à utiliser le calembour et adore jouer avec les mots. L'écouter est source de plaisir et de distraction. Et il est réputé dans tout le royaume pour être un excellent compagnon de joute oratoire.
Le maître des finances fait preuve de beaucoup plus de sobriété. On pourrait croire qu'il n'a pas de style, mais ce serait une erreur. Il a poussé le sens de la concision et de la synthèse jusqu'à son point le plus ultime et sa prose est d'une précision chirurgicale. Ses adversaires savent à quel point il est douloureux de se faire reprendre par le maître des finances. En quelques mots il vous flagelle plus sûrement qu'un bourreau d'expérience.
Le maître de l'éducation est sans aucun doute le plus complet des conseillers du roi. Il va et vient avec une rare aisance entre prose et vers. Texte long ou texte court, peu importe, il excelle dans les deux. Sérieux ou dérision, peu lui chaut. Nourri dès son plus jeune âge à la source même de la littérature il virevolte d'un genre à l'autre avec la plus grande désinvolture. Cette suprême aisance en agace plus d'un mais force est de reconnaître que s'il brille il n'abuse jamais de son pouvoir.
Ce château et ses habitants semblent parfaits n'est-ce pas ?
Et pourtant ils souffrent d'un grave mal : l'écriture se perd, la lecture s'enfuit, rares sont désormais les nourrissons bercés au son des contes de Grimm... et si nul ne trouve une solution, l'immense château pourrait bientôt s'effondrer....
Le royaume de l'immense château est tout petit, mais pendant des années cela ne l'a pas empêché de rayonner sur les royaumes alentours.
Son gouvernement était donné en exemple.
Pas de morts violentes, peu de délits.
Nourris aux grands textes littéraires et philosophiques les habitants du royaume connaissaient le sens réel de mots tels que « tolérance », « respect » ou « écoute ».
Bercés par les grands textes rhétoriques ils savaient discuter entre eux et la langue de bois leur était totalement inconnue. Quand un différent naissait, il se réglait dans une joute oratoire à grands coups d'arguments, d'exemples et de réflexion étayée par des propos réfléchis.
Le roi lui-même remettait régulièrement en jeu son statut lors de grands combats oratoires qui attiraient les foules.
Chacun savait qu'il pouvait à tout moment accéder à de hautes charges s'il prouvait qu'il était capable de les assumer.
Chacun savait aussi que rien n'était définitif et qu'à tout moment une argumentation bien étayée pouvait chasser l'un de son poste pour y installer un autre.
Les impôts étaient débattus lors de séances plénières où tout un chacun pouvait intervenir et donner son avis et aucun prélèvement n'était voté s'il n'obtenait pas la majorité absolue.
La valeur suprême était la connaissance, et qualifier quelqu'un de riche revenait à lui reconnaître une grande culture et un usage raisonné et prudent de cette même culture.
Le pire des défauts était l'ignorance volontaire. Celui qui ne sait pas qu'il ne sait pas ne peut être puni pour ça. C'est à ses comparses de le mener sur le chemin du savoir afin qu'il réalise.
Mais celui qui refuse de découvrir chaque jour de nouveaux savoirs, celui qui se complaît dans la médiocrité, qui se satisfait de peu et qui ne cherche pas constamment à s'améliorer était considéré comme perdu pour le royaume.
Et c'est par là que les problèmes sont arrivés...
Les quelques réfractaires à la culture et au savoir ont été reconduits aux frontières du royaume, ils se sont aventurés dans d'autres contrées et peu à peu, en utilisant à mauvais escient les armes de la rhétorique, ils ont instillé le doute autour d'eux.
Pourquoi perdre des heures à discuter pour convaincre quelqu'un quand un bon coup de poing bien asséné suffit à faire taire son adversaire ?
Pourquoi prendre le risque de perdre une place fort intéressante quand l'usage, raisonné bien sûr, de la terreur suffit à ôter toute envie à quiconque de venir occuper cette place ?
Pourquoi laisser tout le monde se cultiver et apprendre à réfléchir quand la main mise sur le savoir et la réflexion permet à quelques-uns de faire ce qu'ils veulent sans avoir à redouter une remise en question ?
Pourquoi faire des efforts constants quand des machines peuvent nous suppléer ?
Lentement mais sûrement le poison s'est propagé.
Et le royaume du château a décliné.
On le citait moins en exemple.
On le critiquait même ouvertement mais sans accepter qu'il se défende dans un débat.
Toute discussion un minimum argumentée finit par disparaître et au final tout rhétoricien un peu trop habile se vit arrêter et emprisonner.
La chute définitive eut lieu lorsque le roi ne put remettre en jeu son statut faute d'adversaire.
Plus personne ne voulait occuper ce poste, désormais risée du monde entier.
Atterré par ce revirement de position, le dernier roi s'enferma dans le château avec ses fidèles conseillers. Il ferma la lourde porte d'entrée d'un lourd cachet de cire et le royaume du château sombra dans l'oubli.
La porte-fenêtre joue les double lumières : reflet du réverbère de la rue et reflet du lampadaire de l'appartement se regardent en chien de faïence.
Qu'est-ce que tu fais là toi ? Ta place est dehors !
Et toi, pourquoi est-ce que tu viens te faire briller dans ma rue ? Tu crois que je ne sais pas pourquoi tu te pavanes ainsi, le cou tendu, tous les soirs ?
Me pavaner ?! Moi ! Tu rigoles!
Oui, monsieur, tu te pavanes ! Tous les soirs sans exception, tant qu'elles n'ont pas baissé le volet tu fais le beau et les passants lèvent les yeux sur toi et passent devant moi sans me voir.
Ben j'y suis pour rien moi si tu n'éclaires rien....
Comment ça je n'éclaire rien ?!! Tu m'insultes là ! Sans moi cette rue serait un véritable coupe-gorge et personne n'oserait y passer !
Non mais faut arrêter de se croire indispensable ! T'es fini mon vieux, t'es dépassé ! Les gens n'ont plus besoin de réverbère !
Pffh ! N'importe quoi ! Bien sûr que si ! Sans moi c'est l'obscurité la plus complète et les humains détestent le noir total. Ils ont peur de ce qu'ils ne voient pas, ils risquent à tout moment de trébucher sur une aspérité du trottoir ou de glisser sur un pavé mal ajusté. Je suis un élément de salubrité publique !
Mouarf ! Et dis-moi t'aurais pas un peu forcé sur le voltage ce soir ? Parce que là ça sent la surchauffe électrique à plein nez !
Non mais ! Je ne me drogue pas moi monsieur ! Je suis un respectable réverbère qui ne triche pas avec les lois de la lumière artificielle !
Admettons...
Y'a rien à admettre, on a besoin de moi, bien plus que de toi... Dois-je te rappeler que tu n'es que la lumière d'appoint dans cet appartement ?
Lumière d'appoint qui s'est vite révélée indispensable parce que ce vieux plafonnier ne faisait pas suffisamment bien son travail... Je dis ça, je dis rien....
Mais tu ne respectes vraiment rien ni personne toi !
Ne dis pas n'importe quoi mon vieux ! Ce n'est pas une question de respect, c'est une question de lucidité !
Comment ça ?
N'importe quel humain est maintenant pourvu d'un téléphone qui lui sert à tout sauf téléphoner... bientôt ils en auront qui feront aussi office de machine à café !
Et alors ? Quel rapport avec moi ?
Ben tous ces engins de malheur ont une « appli lampe de poche » qui peut très facilement te suppléer et permettre aux humains de se déplacer dans le noir sans risquer la mort... Et donc toi, tu ne sers plus à rien.
Ah...
Un léger grésillement sort du réverbère, la lumière vacille.
Et mec, ça va ?
Je sais pas trop... Ce que tu viens de dire....
Et mec, pourquoi tu vacilles comme ça ? Tu vas pas tourner de l'ampoule quand même ?
Pas de reponse. Brisé par la douleur, le réverbère s'écroule brutalement et fracasse la porte-fenêtre.
Au passage il culbute le lampadaire qui, hélas, ne jouit même pas un bref instant de cette étreinte : en effet, son ampoule se brise net sous le choc et c'est pour lui une fin brutale et absurde.
Le réverbère, lui, gît sur le carrelage, exsangue mais encore vivant. Son ampoule continue à émettre une faible lueur...
Comme quoi, ce ne sont pas toujours les plus vieux qui partent les premiers !
« Il faudra que je reprenne ce texte demain matin. Il contient sans doute quelques lourdeurs... Je me fais vieux, c'est indéniable, je n'ai plus la facilité de ma folle jeunesse... Il est loin le temps où j'allais et venais sans souci d'un texte à l'autre. »
« Maître ?
- Oui, jeune disciple ?
- Le roi vous attend. Le dîner est servi en salle commune.
- Bien, je vais me changer et je m'y rends tout de suite. Dis-moi, est-ce que tu pourrais me trouver sur ton engin bizarre une gravure de réverbère et une de lampadaire ? »
Le jeune disciple a laissé échapper un sourire au mot « gravure ». Le maître de l'éducation ne relève pas. Il sait bien que son vocabulaire est désormais complètement désuet... Mais comment pourrait-il en être autrement après des siècles d'autarcie dans l'immense château du royaume ?
Pendant toutes ces années aucun nouveau livre n'est arrivé jusqu'au royaume. Aucune perspective sur l'évolution des langues, des styles, des sujets traités... Rien ! S'il n'y avait pas eu les joutes oratoires hebdomadaires pour entretenir les esprits des uns et des autres le gamin n'aurait retrouvé que des squelettes quand il a brisé le lourd cachet de cire avec son ballon de football...
Et si le maître des jeux n'avait pas conservé sa verve et son humour légendaires jamais ce gamin n'aurait accepté de revenir discuter avec ces étranges vieillards vêtus à l'ancienne et au langage si bizarre.
Mais ce gamin c'est l'avenir, lui, le maître de l'éducation en est persuadé. Ça ne peut pas être un hasard si c'est un enfant pétillant, curieux, avide de savoir, et sans aucune attache familiale, qui a découvert par hasard l'immense château. C'est sans aucun doute la volonté des muses. Et puis ce petit a redonné vie au royaume. Grâce à lui de nouveaux textes ont fait leur apparition dans les rayonnages poussiéreux de la bibliothèque royale. Le roi et ses conseillers ont découvert de nouveaux genres. Et cela a occasionné de belles surprises ! Qui aurait pensé que le maître des finances se passionnerait pour l'héroïc fantasy ? Et que dire du maître de la justice qui est devenu un fervent admirateur de Stephen King et d'Amélie Nothomb ? Ah... la littérature est source constante d'émerveillement...
Avec difficulté le maître enfile son lourd manteau d'apparat et attaque la rude montée en colimaçon qui mène à la salle commune.
Pendant que le roi et ses fidèles conseillers festoyaient d'un bol de gruau et d'un morceau de pain noir, le jeune disciple alluma son engin bizarre.
Merci aux progrès de la technologie qui me permettent d'avoir une autonomie de batterie de plus de 8 heures... Tant que je n'aurai pas trouvé le moyen d'installer un groupe électrogène fiable dans ce vieux château, il me faudra aller régulièrement en ville pour recharger ma batterie. Les gens vont finir par se demander ce que je fabrique... Et si je me fais choper avec ces vieux hurluberlus je suis bon pour la taule et eux passeront directement par la case chaise électrique ou pendaison.
Bon, commençons par brouiller les pistes... Allons faire un petit tour sur le dark net pour se protéger un maximum... Voilà, c'est fait. « Lampadaire », ok. J'enregistre sur ma clé. « réverbère », ah c'est ça... Faudra quand même que j'explique au maître que ça fait bien deux siècles qu'on a abandonné cet antique système d'éclairage ! Désormais les sols sont luminescents et ne s'allument qu'après détection de mouvement. C'est pratique, pour les passants, et pour le gouvernement qui peut ainsi espionner les déplacements de tout un chacun... Bon faut que je mette la main sur un parchemin pour lui reproduire ces deux photos... Et puis faut que je jette un coup d'oeil à son texte aussi, voir s'il n'a pas fait trop de, comment il dit déjà, ah oui, « anachronismes ». Allez, mon gars, au boulot ! Et n'oublie pas ce que disait le vieux Bossuet « Cent fois sur le métier... »...
Pendant ce temps, dans la salle commune ça discute sec.
Faut-il continuer à accepter les allées et venues du jeune disciple ?
N'est-ce pas trop dangereux pour lui ?
Est-ce que le roi et ses fidèles conseillers peuvent être d'une aide quelconque pour ce gamin ?
Et quid de cette Résistance dont il a touché deux mots au maître de l'éducation voilà deux jours ?
- On se croirait dans Fahrenheit 451 murmure le maître de la justice au maître des finances...
- Oui, ou bien dans un des ces lires dont on est le héros... De notre décision va dépendre la suite de l'histoire...
- Raison de plus pour méticuleusement examiner toutes les possibilités et bien peser le pour et le contre...
- Exactement messires, s'exclame le roi, nous avons entre nos mains rien moins que l'avenir de la littérature et de la connaissance.
Un lourd silence s'abat sur la salle commune.
A la fin du repas le vieux maître a rejoint sa salle de travail. Il y a trouvé le jeune disciple endormi sur un pupitre, un fusain encore à la main.
Posé à ses pieds son engin bizarre diffusait une lueur étrange qui attire l'oeil.
La curiosité a poussé le vieux maître à s'approcher. Avec peine il s'est assis par terre et a plongé son regard dans un monde nouveau, les entrailles du net.
Ce n'est qu'au petit matin que le maître de l'éducation a lâché l'ordinateur du jeune disciple. Dans sa tête se bousculent des centaines de mots nouveaux, de concepts révolutionnaires et d'évolutions historiques. Il ressent bien la nécessité de trier cette masse énorme d'informations accumulées en une nuit, mais il sait aussi l'urgence qu'il y a à débattre de tout ça avec le roi et les autres conseillers. Se redresser lui arrache un gémissement de douleur. Il a passé l'âge de traîner des nuits entières sur un vieux pavement humide avec comme seule protection un vieux manteau d'apparat. Une enclume pèse sur son dos et le toscin sonne méthodiquement dans sa tête... Ce sont là les douleurs de la vieillesse. Mais l'heure est grave, et ce n'est pas le moment de s'apitoyer sur les ravages du temps. Je réciterai du Ronsard plus tard, marmonne le vieillard en attaquant la rude montée qui mène à la salle commune où il sait trouver le roi devant la grande cheminée.
Le roi contemple avec un fond de tristesse la danse des flammes dans le vieil âtre. Il n'a cessé de ruminer les questions du dîner de la veille et ses réflexions l'ont privé de tout sommeil. Au fond de lui, une sonnette d'alarme ne cesse de tinter. Mais il n'arrive pas à déterminer la raison de cette alerte permanente. C'est l'entrée du maître de l'éducation lancé comme une furie qui tire le roi de ses sombres pensées.
- Votre Majesté ! Il faut réunir le conseil, tout de suite !
- Pourquoi donc ?
- Le gamin a raison... Si nous n'intervenons pas d'une façon ou d'une autre une catastrophe bien plus grave et bien plus importante que celle qui vous a amené à fermer l'huis du château voilà quelques temps va s'abattre sur l'humanité.
- Je le sais mon brave... Littérature, connaissance, savoir et réflexion sont menacées de disparition à très court terme. Mais comment éviter cela ? J'ai beau cherché... Je ne vois point d'issue...
- Je crois avoir une idée votre Majesté. Et je voudrais en faire part au conseil.
- Bien ! Qu'on aille quérir immédiatement tous mes fidèles conseillers !
En attendant l'arrivée des autres conseillers le maître de l'éducation trépigne d'impatience dans la salle commune. Ses rhumatismes, aussi douloureux soient-ils, n'arrivent pas à l'empêcher de faire les cent pas à travers la pièce. Il se parle dans sa barbe, fait de grands moulinets de bras, se fige soudain pour mieux repartir, sous le regard ébahi du roi.
Un à un les conseillers du roi rejoignent la salle commune. Le spectacle du maître de l'éducation en pleine ébullition les laisse quelque peu pantois, mais la mine grave du roi dissuade même le maître du jeu de lancer une de ses plaisanteries habituelles.
Chacun s'installe à sa place habituelle autour de la grande table, copie conforme de la Table Ronde du roi Arthur.
- Nous t'écoutons, maître de l'éducation !
- Merci Votre Majesté ! Mes chers et fidèles amis, l'heure est grave. Je ne vais pas vous faire un discours à la Martin Luther King, mais cette nuit j'ai entrevu une solution... Voyez-vous, il nous faut tirer les leçons du passé et ne pas recommencer inlassablement les mêmes erreurs. Voilà quelques siècles nous nous sommes repliés sur nous-mêmes et nous sommes barricadés pour échapper à l'ennemi... Ce fut une erreur, une grossière et stupide erreur. En agissant ainsi nous lui avons laissé le champ libre. Il avait toute latitude d'agir. D'une certaine manière nous portons la lourde responsabilité de la décadence actuelle...
Le roi et ses fidèles conseillers ploient les épaules sous l'accusation et baissent les yeux, rongés par une honte, hélas trop tardive...
Mais le maître de l'éducation ne leur laisse pas loisir de se vautrer dans un long mea culpa pourtant de circonstance. Il reprend :
Inutile de nous lamenter sur ce qui est fait ! Nous ne pouvons pas revenir en arrière et rien ne dit que si nous le pouvions nous ferions le bon choix. Ce qui compte désormais c'est le présent. Et ce présent est symbolisé par le jeune disciple, par ce gamin que les muses nous ont envoyée en messager. Il est notre Hermès, sachons l'écouter !
Hermès, donc, est venu nous avertir qu'un terrible danger pèse sur l'humanité. Comme me l'a dit à l'instant notre roi « Littérature, connaissance, savoir et réflexion sont menacées de disparition à très court terme. », et c'est à nous qu'incombe la lourde tâche d'éviter cette disparition.
Oh, je vois déjà fleurir sur vos visages la tristesse et le désarroi, et j'entends par avance vos objections : Mais comment faire ? Mais qu'y pouvons-nous, nous qui avons perdu tout contact avec le monde depuis si longtemps ? Et n'avons-nous pas déjà échoué une première fois ?
« Certes, messieurs, mais Bossuet a dit « Cent fois sur le métier... »
L'aréopage de vieillards a sursauté en entendant la voix claire du disciple ainsi rebondir sur celle, éraillée et légèrement chevrotante, du maître de l'éducation.
- Ah ! Tu es là, petit ! C'est très bien ! Viens, approche, nous allons avoir besoin de toi et de tes connaissances... et vous, mes chers amis, et vous, Votre Majesté, écoutez bien ce que j'ai à vous proposer. Si vous voyez la moindre faille dans mon stratagème, n'hésitez pas à le signaler. Il nous faut nous montrer aussi rusé et perspicace qu'Ulysse quand il risquait à tout moment d'être dévoré par Polyphème.
Chacun se concentre autour de la vieille table. Le maître de l'éducation avale une gorgée de vin et dévoile son plan d'attaque.
- Il nous faut apprendre de nos erreurs, et apprendre des réussites du passé aussi.
Souvenez-vous d'Hannibal ! Pourquoi a-t-il vaincu les Romains au départ ? Parce que les Romains étaient prévisibles et que lui était imprévisible ! Souvenez-vous de Danton ! « De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace ! »
Mais souvenez-vous aussi de Scipion l'Africain qui vainquit Hannibal en usant des mêmes stratagèmes que son vieil ennemi...
Nous devons faire un mixte de tout ça.
Le repli sur soi, les barrières aux frontières, ce n'est pas une solution, nous le savons désormais.
Nous savons aussi que notre ennemi est réfractaire à toute discussion argumentée. Seule la force semble pouvoir le faire plier.
Mais souvenez-vous comment notre ennemi a réussi à prendre le pouvoir...
Il n'a pas fomenté une conjuration à la Catilina, il n'a pas lancé un coup d'Etat, non, il a agi insidieusement, en sous-main, par petit bout.
Nous l'avons chassé du royaume, il en a profité pour semer la graine du doute à l'extérieur et une fois que le doute a germé ce sont les autres royaumes qui nous ont renié, oublié, méprisé puis terrassé... Alors l'ennemi a pu jouer sur les faiblesses des autres royaumes et s'emparer définitivement du pouvoir. Il ne lui restait plus qu'à institutionnaliser la peur et le tour était joué.
Nous ne pourrons pas, c'est une évidence, convaincre avec de simples mots le gouvernement de changer de méthode de « management » comme on dit désormais.
Mais nous pouvons à notre tour semer le doute... Et pour ce faire nous avons un immense outil à disposition... Le net ! C'est une gigantesque toile qui va nous permettre de lancer dans mille endroits à la fois des amorces. Demain matin des textes fleuriront de ci de là, éparpillés dans l'immensité du web. Des textes anodins, ne commettons pas l'erreur de lancer tout de go un appel à la révolte.
Non... nous allons lentement réinjecter de l'écrit, de la littérature, du savoir dans le net.
Peu à peu nous allons redonner l'habitude aux gens de croiser des textes qui ne soient ni des notices explicatives ni des lois condamnant tels ou tels délits (ou pseudo-délits).
Le plus difficile sera de doser la quantité à injecter... suffisamment peu pour que le gouvernement ne réagisse pas, mais assez pour que les citoyens soient « contaminés ». Nous avons trop oublié que la lecture était une drogue. Pendant la Seconde Guerre Mondiale les opposants au régime nazi ont aussi utilisé la littérature comme outil de Résistance. Nous allons faire de même...
Inexorablement les textes vont se répandre, par la force du net.
Avec cette expansion littéraire les gens vont réapprendre à réfléchir par eux-mêmes.
Viendra alors le temps de la deuxième offensive, sans doute la plus dangereuse pour nous.
Des textes plus polémiques seront offerts à la lecture, sur le net certes, mais aussi dans les rues.
Ce sera le grand retour des affiches !
Parallèlement il nous va falloir user des mêmes méthodes que le gouvernement et donc infiltrer les organes gouvernementaux afin d'avoir des hommes à nous sur place pour nous informer de ce qui se décide en haut lieu.
C'est une gigantesque partie d'échecs à laquelle nous allons jouer, et il est impératif, si nous voulons mettre le gouvernement échec et mat, que nous ayons toujours au moins deux coups d'avance.
Bien entendu, les membres de la Résistance vont devoir avoir une formation approfondie en littérature, rhétorique, morale et politique afin qu'au moment où le gouvernement tombera une mauvaise direction ne vienne pas remplacer l'ancienne.
Il nous faut revenir à des valeurs fondamentales et pour cela il faut que, comme par capillarité, ces valeurs apparaissent comme naturelles et évidentes à l'immense majorité des citoyens.
Je suis convaincu que peu à peu le vers gangrènera même quelques personnes haut placées et que ce sont ces mêmes personnes qui hâteront la chute du régime.
Et il fut fait comme l'avait conseillé le vieux maître de l'éducation.
Nous n'eûmes pas toujours deux coups d'avance, je faillis mourir sur la chaise électrique, j'en réchappai de justesse, sauvé in extremis par une opportune panne d'électricité provoquée par le vieux maître de la justice qui mit volontairement le système en surchauffe en balançant sur le net l'intégralité des œuvres de Jules Verne ainsi que toutes les versions existantes d'A la recherche du temps perdu. Un beau bordel ! Je te raconte pas....
De rage le chef du gouvernement de l'époque fit une bonne crise de goutte et nous le suicidâmes en glissant un bon vieux poison emprunté à Catherine de Médicis parmi ses médicaments. Oui, je sais, ce n'était pas exactement ce à quoi pensait le vieux maître de l'éducation, mais bon, pour reprendre une formule de Machiavel je crois, « la fin justifie les moyens »....
Il n'y a pas que du bon en littérature, notre vieux maître ne semblait pas en avoir conscience...
Il ne vit pas la fin du combat, et c'est sans doute mieux pour lui. Je ne sais pas s'il aurait apprécié le nouveau système mis en place, une tyrannie à la Pisistrate, selon le vieux modèle athénien donc.
Le pouvoir est désormais entre les mains des meilleurs.
L'accès à la littérature pour tous est inscrit dans la constitution.
Chacun semble vivre paisiblement.
Après des années à conseiller les tyrans je vais finir mes jours dans cet immense château qui m'accueillit enfant lorsque je cherchais un peu d'amour et d'attention.
Au moment de conclure mon récit une profonde tristesse m'envahit. Mon vieux maître, son roi et ses fidèles conseillers avaient un idéal, ils croyaient en la littérature, mais l'homme n'est pas fait pour les idéaux, il semble préférer, et de loin, se vautrer dans la médiocrité et réitérer sans cesse les mêmes erreurs.
Je suis fatigué d'essayer d'améliorer ce monde. Depuis la nuit des temps les dieux m'envoient en messager auprès des hommes pour les faire avancer mais rien n'y fait. Ce soir, je quitte définitivement la Terre et retourne me délecter de nectar et d'ambroisie au sommet de l'Olympe auprès des dieux. Voilà quelques siècles que j'ai envie de lancer un débat entre Zeus, Jésus, Allah et Bouddha !
Bien à vous,
Hermès.
Son chemin de ronde porte les stigmates du temps qui passe et la vieille tour de garde ne tient plus très droite.
La lourde porte d'entrée est couverte de lettres entrelacées les unes aux autres issues de tous les alphabets du monde et deux belles plumes d'oie croisées sur un vieux parchemin ornent le blason du seigneur du royaume.
Ici tout se règle à la pointe de la plume.
Les duels se font derrière un lutrin, et un jury de lecteurs confirmés départage les combattants.
Dès leur plus jeune âge les habitants du royaume sont nourris de contes merveilleux et de récits fantastiques.
Quand le roi réunit son conseil, il ne s'adresse à ses fidèles conseillers qu'en alexandrins classiques avec césure à l'hémistiche. Mais chacun est libre de lui répondre en prose ou en vers. C'est d'ailleurs à son style qu'on reconnaît chacun des conseillers du royaume.
Le maître de justice a un style assez ampoulé, il use et abuse de l'alexandrin avec un vocabulaire un brin désuet. Parfois, quand la situation est grave, il a recours à l'hexamètre dactylique et à la langue de Virgile. Nul n'ignore dans le royaume que si jamais le maître de justice en vient à user de l'idiome d'Homère c'est que l'état d'urgence est sur le point d'être déclaré. Heureusement ceci n'arrive que rarement. La dernière fois c'était pour mettre fin à une sombre querelle des Anciens et des Modernes. Il a fallu se fâcher et rappeler à tout un chacun ce que « liberté d'expression » voulait dire !
Le maître des jeux, lui, est amateur d'une prose légère et fleurie. Il ne rechigne pas à utiliser le calembour et adore jouer avec les mots. L'écouter est source de plaisir et de distraction. Et il est réputé dans tout le royaume pour être un excellent compagnon de joute oratoire.
Le maître des finances fait preuve de beaucoup plus de sobriété. On pourrait croire qu'il n'a pas de style, mais ce serait une erreur. Il a poussé le sens de la concision et de la synthèse jusqu'à son point le plus ultime et sa prose est d'une précision chirurgicale. Ses adversaires savent à quel point il est douloureux de se faire reprendre par le maître des finances. En quelques mots il vous flagelle plus sûrement qu'un bourreau d'expérience.
Le maître de l'éducation est sans aucun doute le plus complet des conseillers du roi. Il va et vient avec une rare aisance entre prose et vers. Texte long ou texte court, peu importe, il excelle dans les deux. Sérieux ou dérision, peu lui chaut. Nourri dès son plus jeune âge à la source même de la littérature il virevolte d'un genre à l'autre avec la plus grande désinvolture. Cette suprême aisance en agace plus d'un mais force est de reconnaître que s'il brille il n'abuse jamais de son pouvoir.
Ce château et ses habitants semblent parfaits n'est-ce pas ?
Et pourtant ils souffrent d'un grave mal : l'écriture se perd, la lecture s'enfuit, rares sont désormais les nourrissons bercés au son des contes de Grimm... et si nul ne trouve une solution, l'immense château pourrait bientôt s'effondrer....
Le royaume de l'immense château est tout petit, mais pendant des années cela ne l'a pas empêché de rayonner sur les royaumes alentours.
Son gouvernement était donné en exemple.
Pas de morts violentes, peu de délits.
Nourris aux grands textes littéraires et philosophiques les habitants du royaume connaissaient le sens réel de mots tels que « tolérance », « respect » ou « écoute ».
Bercés par les grands textes rhétoriques ils savaient discuter entre eux et la langue de bois leur était totalement inconnue. Quand un différent naissait, il se réglait dans une joute oratoire à grands coups d'arguments, d'exemples et de réflexion étayée par des propos réfléchis.
Le roi lui-même remettait régulièrement en jeu son statut lors de grands combats oratoires qui attiraient les foules.
Chacun savait qu'il pouvait à tout moment accéder à de hautes charges s'il prouvait qu'il était capable de les assumer.
Chacun savait aussi que rien n'était définitif et qu'à tout moment une argumentation bien étayée pouvait chasser l'un de son poste pour y installer un autre.
Les impôts étaient débattus lors de séances plénières où tout un chacun pouvait intervenir et donner son avis et aucun prélèvement n'était voté s'il n'obtenait pas la majorité absolue.
La valeur suprême était la connaissance, et qualifier quelqu'un de riche revenait à lui reconnaître une grande culture et un usage raisonné et prudent de cette même culture.
Le pire des défauts était l'ignorance volontaire. Celui qui ne sait pas qu'il ne sait pas ne peut être puni pour ça. C'est à ses comparses de le mener sur le chemin du savoir afin qu'il réalise.
Mais celui qui refuse de découvrir chaque jour de nouveaux savoirs, celui qui se complaît dans la médiocrité, qui se satisfait de peu et qui ne cherche pas constamment à s'améliorer était considéré comme perdu pour le royaume.
Et c'est par là que les problèmes sont arrivés...
Les quelques réfractaires à la culture et au savoir ont été reconduits aux frontières du royaume, ils se sont aventurés dans d'autres contrées et peu à peu, en utilisant à mauvais escient les armes de la rhétorique, ils ont instillé le doute autour d'eux.
Pourquoi perdre des heures à discuter pour convaincre quelqu'un quand un bon coup de poing bien asséné suffit à faire taire son adversaire ?
Pourquoi prendre le risque de perdre une place fort intéressante quand l'usage, raisonné bien sûr, de la terreur suffit à ôter toute envie à quiconque de venir occuper cette place ?
Pourquoi laisser tout le monde se cultiver et apprendre à réfléchir quand la main mise sur le savoir et la réflexion permet à quelques-uns de faire ce qu'ils veulent sans avoir à redouter une remise en question ?
Pourquoi faire des efforts constants quand des machines peuvent nous suppléer ?
Lentement mais sûrement le poison s'est propagé.
Et le royaume du château a décliné.
On le citait moins en exemple.
On le critiquait même ouvertement mais sans accepter qu'il se défende dans un débat.
Toute discussion un minimum argumentée finit par disparaître et au final tout rhétoricien un peu trop habile se vit arrêter et emprisonner.
La chute définitive eut lieu lorsque le roi ne put remettre en jeu son statut faute d'adversaire.
Plus personne ne voulait occuper ce poste, désormais risée du monde entier.
Atterré par ce revirement de position, le dernier roi s'enferma dans le château avec ses fidèles conseillers. Il ferma la lourde porte d'entrée d'un lourd cachet de cire et le royaume du château sombra dans l'oubli.
***
La nuit tombe...La porte-fenêtre joue les double lumières : reflet du réverbère de la rue et reflet du lampadaire de l'appartement se regardent en chien de faïence.
Qu'est-ce que tu fais là toi ? Ta place est dehors !
Et toi, pourquoi est-ce que tu viens te faire briller dans ma rue ? Tu crois que je ne sais pas pourquoi tu te pavanes ainsi, le cou tendu, tous les soirs ?
Me pavaner ?! Moi ! Tu rigoles!
Oui, monsieur, tu te pavanes ! Tous les soirs sans exception, tant qu'elles n'ont pas baissé le volet tu fais le beau et les passants lèvent les yeux sur toi et passent devant moi sans me voir.
Ben j'y suis pour rien moi si tu n'éclaires rien....
Comment ça je n'éclaire rien ?!! Tu m'insultes là ! Sans moi cette rue serait un véritable coupe-gorge et personne n'oserait y passer !
Non mais faut arrêter de se croire indispensable ! T'es fini mon vieux, t'es dépassé ! Les gens n'ont plus besoin de réverbère !
Pffh ! N'importe quoi ! Bien sûr que si ! Sans moi c'est l'obscurité la plus complète et les humains détestent le noir total. Ils ont peur de ce qu'ils ne voient pas, ils risquent à tout moment de trébucher sur une aspérité du trottoir ou de glisser sur un pavé mal ajusté. Je suis un élément de salubrité publique !
Mouarf ! Et dis-moi t'aurais pas un peu forcé sur le voltage ce soir ? Parce que là ça sent la surchauffe électrique à plein nez !
Non mais ! Je ne me drogue pas moi monsieur ! Je suis un respectable réverbère qui ne triche pas avec les lois de la lumière artificielle !
Admettons...
Y'a rien à admettre, on a besoin de moi, bien plus que de toi... Dois-je te rappeler que tu n'es que la lumière d'appoint dans cet appartement ?
Lumière d'appoint qui s'est vite révélée indispensable parce que ce vieux plafonnier ne faisait pas suffisamment bien son travail... Je dis ça, je dis rien....
Mais tu ne respectes vraiment rien ni personne toi !
Ne dis pas n'importe quoi mon vieux ! Ce n'est pas une question de respect, c'est une question de lucidité !
Comment ça ?
N'importe quel humain est maintenant pourvu d'un téléphone qui lui sert à tout sauf téléphoner... bientôt ils en auront qui feront aussi office de machine à café !
Et alors ? Quel rapport avec moi ?
Ben tous ces engins de malheur ont une « appli lampe de poche » qui peut très facilement te suppléer et permettre aux humains de se déplacer dans le noir sans risquer la mort... Et donc toi, tu ne sers plus à rien.
Ah...
Un léger grésillement sort du réverbère, la lumière vacille.
Et mec, ça va ?
Je sais pas trop... Ce que tu viens de dire....
Et mec, pourquoi tu vacilles comme ça ? Tu vas pas tourner de l'ampoule quand même ?
Pas de reponse. Brisé par la douleur, le réverbère s'écroule brutalement et fracasse la porte-fenêtre.
Au passage il culbute le lampadaire qui, hélas, ne jouit même pas un bref instant de cette étreinte : en effet, son ampoule se brise net sous le choc et c'est pour lui une fin brutale et absurde.
Le réverbère, lui, gît sur le carrelage, exsangue mais encore vivant. Son ampoule continue à émettre une faible lueur...
Comme quoi, ce ne sont pas toujours les plus vieux qui partent les premiers !
***
Le vieillard a reposé sa plume en soupirant. Il s'est étiré avec lenteur avant de s'extirper de devant son lutrin. La vieille meurtrière laisse passer un rayon de lune et on devine quelques étoiles au loin.« Il faudra que je reprenne ce texte demain matin. Il contient sans doute quelques lourdeurs... Je me fais vieux, c'est indéniable, je n'ai plus la facilité de ma folle jeunesse... Il est loin le temps où j'allais et venais sans souci d'un texte à l'autre. »
« Maître ?
- Oui, jeune disciple ?
- Le roi vous attend. Le dîner est servi en salle commune.
- Bien, je vais me changer et je m'y rends tout de suite. Dis-moi, est-ce que tu pourrais me trouver sur ton engin bizarre une gravure de réverbère et une de lampadaire ? »
Le jeune disciple a laissé échapper un sourire au mot « gravure ». Le maître de l'éducation ne relève pas. Il sait bien que son vocabulaire est désormais complètement désuet... Mais comment pourrait-il en être autrement après des siècles d'autarcie dans l'immense château du royaume ?
Pendant toutes ces années aucun nouveau livre n'est arrivé jusqu'au royaume. Aucune perspective sur l'évolution des langues, des styles, des sujets traités... Rien ! S'il n'y avait pas eu les joutes oratoires hebdomadaires pour entretenir les esprits des uns et des autres le gamin n'aurait retrouvé que des squelettes quand il a brisé le lourd cachet de cire avec son ballon de football...
Et si le maître des jeux n'avait pas conservé sa verve et son humour légendaires jamais ce gamin n'aurait accepté de revenir discuter avec ces étranges vieillards vêtus à l'ancienne et au langage si bizarre.
Mais ce gamin c'est l'avenir, lui, le maître de l'éducation en est persuadé. Ça ne peut pas être un hasard si c'est un enfant pétillant, curieux, avide de savoir, et sans aucune attache familiale, qui a découvert par hasard l'immense château. C'est sans aucun doute la volonté des muses. Et puis ce petit a redonné vie au royaume. Grâce à lui de nouveaux textes ont fait leur apparition dans les rayonnages poussiéreux de la bibliothèque royale. Le roi et ses conseillers ont découvert de nouveaux genres. Et cela a occasionné de belles surprises ! Qui aurait pensé que le maître des finances se passionnerait pour l'héroïc fantasy ? Et que dire du maître de la justice qui est devenu un fervent admirateur de Stephen King et d'Amélie Nothomb ? Ah... la littérature est source constante d'émerveillement...
Avec difficulté le maître enfile son lourd manteau d'apparat et attaque la rude montée en colimaçon qui mène à la salle commune.
Pendant que le roi et ses fidèles conseillers festoyaient d'un bol de gruau et d'un morceau de pain noir, le jeune disciple alluma son engin bizarre.
Merci aux progrès de la technologie qui me permettent d'avoir une autonomie de batterie de plus de 8 heures... Tant que je n'aurai pas trouvé le moyen d'installer un groupe électrogène fiable dans ce vieux château, il me faudra aller régulièrement en ville pour recharger ma batterie. Les gens vont finir par se demander ce que je fabrique... Et si je me fais choper avec ces vieux hurluberlus je suis bon pour la taule et eux passeront directement par la case chaise électrique ou pendaison.
Bon, commençons par brouiller les pistes... Allons faire un petit tour sur le dark net pour se protéger un maximum... Voilà, c'est fait. « Lampadaire », ok. J'enregistre sur ma clé. « réverbère », ah c'est ça... Faudra quand même que j'explique au maître que ça fait bien deux siècles qu'on a abandonné cet antique système d'éclairage ! Désormais les sols sont luminescents et ne s'allument qu'après détection de mouvement. C'est pratique, pour les passants, et pour le gouvernement qui peut ainsi espionner les déplacements de tout un chacun... Bon faut que je mette la main sur un parchemin pour lui reproduire ces deux photos... Et puis faut que je jette un coup d'oeil à son texte aussi, voir s'il n'a pas fait trop de, comment il dit déjà, ah oui, « anachronismes ». Allez, mon gars, au boulot ! Et n'oublie pas ce que disait le vieux Bossuet « Cent fois sur le métier... »...
Pendant ce temps, dans la salle commune ça discute sec.
Faut-il continuer à accepter les allées et venues du jeune disciple ?
N'est-ce pas trop dangereux pour lui ?
Est-ce que le roi et ses fidèles conseillers peuvent être d'une aide quelconque pour ce gamin ?
Et quid de cette Résistance dont il a touché deux mots au maître de l'éducation voilà deux jours ?
- On se croirait dans Fahrenheit 451 murmure le maître de la justice au maître des finances...
- Oui, ou bien dans un des ces lires dont on est le héros... De notre décision va dépendre la suite de l'histoire...
- Raison de plus pour méticuleusement examiner toutes les possibilités et bien peser le pour et le contre...
- Exactement messires, s'exclame le roi, nous avons entre nos mains rien moins que l'avenir de la littérature et de la connaissance.
Un lourd silence s'abat sur la salle commune.
A la fin du repas le vieux maître a rejoint sa salle de travail. Il y a trouvé le jeune disciple endormi sur un pupitre, un fusain encore à la main.
Posé à ses pieds son engin bizarre diffusait une lueur étrange qui attire l'oeil.
La curiosité a poussé le vieux maître à s'approcher. Avec peine il s'est assis par terre et a plongé son regard dans un monde nouveau, les entrailles du net.
Ce n'est qu'au petit matin que le maître de l'éducation a lâché l'ordinateur du jeune disciple. Dans sa tête se bousculent des centaines de mots nouveaux, de concepts révolutionnaires et d'évolutions historiques. Il ressent bien la nécessité de trier cette masse énorme d'informations accumulées en une nuit, mais il sait aussi l'urgence qu'il y a à débattre de tout ça avec le roi et les autres conseillers. Se redresser lui arrache un gémissement de douleur. Il a passé l'âge de traîner des nuits entières sur un vieux pavement humide avec comme seule protection un vieux manteau d'apparat. Une enclume pèse sur son dos et le toscin sonne méthodiquement dans sa tête... Ce sont là les douleurs de la vieillesse. Mais l'heure est grave, et ce n'est pas le moment de s'apitoyer sur les ravages du temps. Je réciterai du Ronsard plus tard, marmonne le vieillard en attaquant la rude montée qui mène à la salle commune où il sait trouver le roi devant la grande cheminée.
Le roi contemple avec un fond de tristesse la danse des flammes dans le vieil âtre. Il n'a cessé de ruminer les questions du dîner de la veille et ses réflexions l'ont privé de tout sommeil. Au fond de lui, une sonnette d'alarme ne cesse de tinter. Mais il n'arrive pas à déterminer la raison de cette alerte permanente. C'est l'entrée du maître de l'éducation lancé comme une furie qui tire le roi de ses sombres pensées.
- Votre Majesté ! Il faut réunir le conseil, tout de suite !
- Pourquoi donc ?
- Le gamin a raison... Si nous n'intervenons pas d'une façon ou d'une autre une catastrophe bien plus grave et bien plus importante que celle qui vous a amené à fermer l'huis du château voilà quelques temps va s'abattre sur l'humanité.
- Je le sais mon brave... Littérature, connaissance, savoir et réflexion sont menacées de disparition à très court terme. Mais comment éviter cela ? J'ai beau cherché... Je ne vois point d'issue...
- Je crois avoir une idée votre Majesté. Et je voudrais en faire part au conseil.
- Bien ! Qu'on aille quérir immédiatement tous mes fidèles conseillers !
En attendant l'arrivée des autres conseillers le maître de l'éducation trépigne d'impatience dans la salle commune. Ses rhumatismes, aussi douloureux soient-ils, n'arrivent pas à l'empêcher de faire les cent pas à travers la pièce. Il se parle dans sa barbe, fait de grands moulinets de bras, se fige soudain pour mieux repartir, sous le regard ébahi du roi.
Un à un les conseillers du roi rejoignent la salle commune. Le spectacle du maître de l'éducation en pleine ébullition les laisse quelque peu pantois, mais la mine grave du roi dissuade même le maître du jeu de lancer une de ses plaisanteries habituelles.
Chacun s'installe à sa place habituelle autour de la grande table, copie conforme de la Table Ronde du roi Arthur.
- Nous t'écoutons, maître de l'éducation !
- Merci Votre Majesté ! Mes chers et fidèles amis, l'heure est grave. Je ne vais pas vous faire un discours à la Martin Luther King, mais cette nuit j'ai entrevu une solution... Voyez-vous, il nous faut tirer les leçons du passé et ne pas recommencer inlassablement les mêmes erreurs. Voilà quelques siècles nous nous sommes repliés sur nous-mêmes et nous sommes barricadés pour échapper à l'ennemi... Ce fut une erreur, une grossière et stupide erreur. En agissant ainsi nous lui avons laissé le champ libre. Il avait toute latitude d'agir. D'une certaine manière nous portons la lourde responsabilité de la décadence actuelle...
Le roi et ses fidèles conseillers ploient les épaules sous l'accusation et baissent les yeux, rongés par une honte, hélas trop tardive...
Mais le maître de l'éducation ne leur laisse pas loisir de se vautrer dans un long mea culpa pourtant de circonstance. Il reprend :
Inutile de nous lamenter sur ce qui est fait ! Nous ne pouvons pas revenir en arrière et rien ne dit que si nous le pouvions nous ferions le bon choix. Ce qui compte désormais c'est le présent. Et ce présent est symbolisé par le jeune disciple, par ce gamin que les muses nous ont envoyée en messager. Il est notre Hermès, sachons l'écouter !
Hermès, donc, est venu nous avertir qu'un terrible danger pèse sur l'humanité. Comme me l'a dit à l'instant notre roi « Littérature, connaissance, savoir et réflexion sont menacées de disparition à très court terme. », et c'est à nous qu'incombe la lourde tâche d'éviter cette disparition.
Oh, je vois déjà fleurir sur vos visages la tristesse et le désarroi, et j'entends par avance vos objections : Mais comment faire ? Mais qu'y pouvons-nous, nous qui avons perdu tout contact avec le monde depuis si longtemps ? Et n'avons-nous pas déjà échoué une première fois ?
« Certes, messieurs, mais Bossuet a dit « Cent fois sur le métier... »
L'aréopage de vieillards a sursauté en entendant la voix claire du disciple ainsi rebondir sur celle, éraillée et légèrement chevrotante, du maître de l'éducation.
- Ah ! Tu es là, petit ! C'est très bien ! Viens, approche, nous allons avoir besoin de toi et de tes connaissances... et vous, mes chers amis, et vous, Votre Majesté, écoutez bien ce que j'ai à vous proposer. Si vous voyez la moindre faille dans mon stratagème, n'hésitez pas à le signaler. Il nous faut nous montrer aussi rusé et perspicace qu'Ulysse quand il risquait à tout moment d'être dévoré par Polyphème.
Chacun se concentre autour de la vieille table. Le maître de l'éducation avale une gorgée de vin et dévoile son plan d'attaque.
- Il nous faut apprendre de nos erreurs, et apprendre des réussites du passé aussi.
Souvenez-vous d'Hannibal ! Pourquoi a-t-il vaincu les Romains au départ ? Parce que les Romains étaient prévisibles et que lui était imprévisible ! Souvenez-vous de Danton ! « De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace ! »
Mais souvenez-vous aussi de Scipion l'Africain qui vainquit Hannibal en usant des mêmes stratagèmes que son vieil ennemi...
Nous devons faire un mixte de tout ça.
Le repli sur soi, les barrières aux frontières, ce n'est pas une solution, nous le savons désormais.
Nous savons aussi que notre ennemi est réfractaire à toute discussion argumentée. Seule la force semble pouvoir le faire plier.
Mais souvenez-vous comment notre ennemi a réussi à prendre le pouvoir...
Il n'a pas fomenté une conjuration à la Catilina, il n'a pas lancé un coup d'Etat, non, il a agi insidieusement, en sous-main, par petit bout.
Nous l'avons chassé du royaume, il en a profité pour semer la graine du doute à l'extérieur et une fois que le doute a germé ce sont les autres royaumes qui nous ont renié, oublié, méprisé puis terrassé... Alors l'ennemi a pu jouer sur les faiblesses des autres royaumes et s'emparer définitivement du pouvoir. Il ne lui restait plus qu'à institutionnaliser la peur et le tour était joué.
Nous ne pourrons pas, c'est une évidence, convaincre avec de simples mots le gouvernement de changer de méthode de « management » comme on dit désormais.
Mais nous pouvons à notre tour semer le doute... Et pour ce faire nous avons un immense outil à disposition... Le net ! C'est une gigantesque toile qui va nous permettre de lancer dans mille endroits à la fois des amorces. Demain matin des textes fleuriront de ci de là, éparpillés dans l'immensité du web. Des textes anodins, ne commettons pas l'erreur de lancer tout de go un appel à la révolte.
Non... nous allons lentement réinjecter de l'écrit, de la littérature, du savoir dans le net.
Peu à peu nous allons redonner l'habitude aux gens de croiser des textes qui ne soient ni des notices explicatives ni des lois condamnant tels ou tels délits (ou pseudo-délits).
Le plus difficile sera de doser la quantité à injecter... suffisamment peu pour que le gouvernement ne réagisse pas, mais assez pour que les citoyens soient « contaminés ». Nous avons trop oublié que la lecture était une drogue. Pendant la Seconde Guerre Mondiale les opposants au régime nazi ont aussi utilisé la littérature comme outil de Résistance. Nous allons faire de même...
Inexorablement les textes vont se répandre, par la force du net.
Avec cette expansion littéraire les gens vont réapprendre à réfléchir par eux-mêmes.
Viendra alors le temps de la deuxième offensive, sans doute la plus dangereuse pour nous.
Des textes plus polémiques seront offerts à la lecture, sur le net certes, mais aussi dans les rues.
Ce sera le grand retour des affiches !
Parallèlement il nous va falloir user des mêmes méthodes que le gouvernement et donc infiltrer les organes gouvernementaux afin d'avoir des hommes à nous sur place pour nous informer de ce qui se décide en haut lieu.
C'est une gigantesque partie d'échecs à laquelle nous allons jouer, et il est impératif, si nous voulons mettre le gouvernement échec et mat, que nous ayons toujours au moins deux coups d'avance.
Bien entendu, les membres de la Résistance vont devoir avoir une formation approfondie en littérature, rhétorique, morale et politique afin qu'au moment où le gouvernement tombera une mauvaise direction ne vienne pas remplacer l'ancienne.
Il nous faut revenir à des valeurs fondamentales et pour cela il faut que, comme par capillarité, ces valeurs apparaissent comme naturelles et évidentes à l'immense majorité des citoyens.
Je suis convaincu que peu à peu le vers gangrènera même quelques personnes haut placées et que ce sont ces mêmes personnes qui hâteront la chute du régime.
Et il fut fait comme l'avait conseillé le vieux maître de l'éducation.
Nous n'eûmes pas toujours deux coups d'avance, je faillis mourir sur la chaise électrique, j'en réchappai de justesse, sauvé in extremis par une opportune panne d'électricité provoquée par le vieux maître de la justice qui mit volontairement le système en surchauffe en balançant sur le net l'intégralité des œuvres de Jules Verne ainsi que toutes les versions existantes d'A la recherche du temps perdu. Un beau bordel ! Je te raconte pas....
De rage le chef du gouvernement de l'époque fit une bonne crise de goutte et nous le suicidâmes en glissant un bon vieux poison emprunté à Catherine de Médicis parmi ses médicaments. Oui, je sais, ce n'était pas exactement ce à quoi pensait le vieux maître de l'éducation, mais bon, pour reprendre une formule de Machiavel je crois, « la fin justifie les moyens »....
Il n'y a pas que du bon en littérature, notre vieux maître ne semblait pas en avoir conscience...
Il ne vit pas la fin du combat, et c'est sans doute mieux pour lui. Je ne sais pas s'il aurait apprécié le nouveau système mis en place, une tyrannie à la Pisistrate, selon le vieux modèle athénien donc.
Le pouvoir est désormais entre les mains des meilleurs.
L'accès à la littérature pour tous est inscrit dans la constitution.
Chacun semble vivre paisiblement.
Après des années à conseiller les tyrans je vais finir mes jours dans cet immense château qui m'accueillit enfant lorsque je cherchais un peu d'amour et d'attention.
Au moment de conclure mon récit une profonde tristesse m'envahit. Mon vieux maître, son roi et ses fidèles conseillers avaient un idéal, ils croyaient en la littérature, mais l'homme n'est pas fait pour les idéaux, il semble préférer, et de loin, se vautrer dans la médiocrité et réitérer sans cesse les mêmes erreurs.
Je suis fatigué d'essayer d'améliorer ce monde. Depuis la nuit des temps les dieux m'envoient en messager auprès des hommes pour les faire avancer mais rien n'y fait. Ce soir, je quitte définitivement la Terre et retourne me délecter de nectar et d'ambroisie au sommet de l'Olympe auprès des dieux. Voilà quelques siècles que j'ai envie de lancer un débat entre Zeus, Jésus, Allah et Bouddha !
Bien à vous,
Hermès.
****
Texte écrit donc en plusieurs fois au cours du marathon d'écriture en partant au début de la lecture d'un des premiers textes de Cassy dans lequel elle nous proposait pelles, rateaux et seau pour construire des châteaux de sable, euh, de mots. Je suis partie sur le mot "château" et de fil en aiguille, ou plus exactement de texte en texte, cette histoire est née.Dernière édition par madeleinedeproust le Mer 3 Fév - 16:08, édité 1 fois
madeleinedeproust- Kaléïd'habitué
- Humeur : littéraire
Re: A. Un immense château
Et comme je n'ai pas pris le temps de lire jusqu'au bout l'intégrale de cette oeuvre, magnifique au demeurant, à son emplacement d'origine, je viens modestement poser mes impressions à sa suite. Je trouve que sous cet habit d'apparat, tu décris fort bien l'état de ce monde. Bien des vérités y sont dites. Chacun devrait y réfléchir et s'en inspirer, surtout en haut lieu. En découlerait un monde meilleur. Mais ils sont trop serviles et à la botte des puissants. Pourtant tu livres avec cette fiction, les clefs du bonheur, de la sagesse et de la fraternité, la vraie, celle à laquelle je veux croire, et de tolérance. Ce moment de partage fut très agréable.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A. Un immense château
Un immense texte! Il se lit en une traite, mais il laisse des traces. Merci de l'avoir posté, j'y reviendrai certainement.
virgul- Kaléïd'habitué
- Humeur : optimiste
Re: A. Un immense château
Remettons ce texte dans le contexte dans lequel tu as écrit: le marathon d'écriture, plusieurs heures d'affilées à écrire, sans avoir le temps de se relire, et en postant régulièrement (tu postes à peu près 2 textes par heure)
Malgré ces difficiles conditions, tu as écrit ce texte sans perdre le fil, en restant concentrée et en venant en même temps papoter avec nous sur le tchat...
Moi je dis
Malgré ces difficiles conditions, tu as écrit ce texte sans perdre le fil, en restant concentrée et en venant en même temps papoter avec nous sur le tchat...
Moi je dis
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: A. Un immense château
Un texte qui demande plusieurs lectures pour en découvrir toute la richesse. N'est-ce pas le propre des grands textes ?
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Re: A. Un immense château
Un style trés agréable à lire au service d'une réflexion qui je me laisse pas indifférente.
Pour avoir connu plusieurs sites littéraires ou d'écriture, je reconnais certaines étapes de mon expérience chez eux.
Parmi ces expériences, la très pénible et combien épuisante bataille stérile et sans fin des deux camps : les classiques, les modernes.
Et chaque fois, mon impossibilité à choisir l'un de ces camps puisque je me plais autant avec l'alexandrin et les formes fixes que dans la poésie libérée.
Douloureuses expériences et pardon, du coup, pour ma réponse un peu sentimentale et, aussi, un peu hors-sujet, peut-être.
Tout ça pour signaler que cet écrit fait vraiment écho chez moi. Et considérant les conditions de rédaction, je me joins ceux qui t'ont félicitée car c'était pour le coup un marathon musclé!
Pour avoir connu plusieurs sites littéraires ou d'écriture, je reconnais certaines étapes de mon expérience chez eux.
Parmi ces expériences, la très pénible et combien épuisante bataille stérile et sans fin des deux camps : les classiques, les modernes.
Et chaque fois, mon impossibilité à choisir l'un de ces camps puisque je me plais autant avec l'alexandrin et les formes fixes que dans la poésie libérée.
Douloureuses expériences et pardon, du coup, pour ma réponse un peu sentimentale et, aussi, un peu hors-sujet, peut-être.
Tout ça pour signaler que cet écrit fait vraiment écho chez moi. Et considérant les conditions de rédaction, je me joins ceux qui t'ont félicitée car c'était pour le coup un marathon musclé!
Invité- Invité
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