A. Duo

Il a appuyé sur la touche de son smartphone et s’est positionné dos à dos contre elle.

La musique a commencé par petites touches.

Délicate et discrète.

Puis le piano.

Ils étaient immobiles.

Elle, petite, cheveux courts bruns, débardeur lâche sur sa poitrine menue, pantalon de survêtement un peu ample, glissant sur ses hanches fines, le visage relevé, yeux fermés, la nuque contre le haut de son dos à lui

Lui, grand et musclé, le visage baissé, un petit chignon blond sur le sommet de son crâne, en tee-shirt et jean.

Le piano s’est mis à couler comme de l’eau.

Ils ont commencé à se détacher l’un de l’autre, à évoluer en miroir, se rejoignant, se séparant, revenant l’un vers l’autre comme des vagues d’océan.

En douceur, avec facilité.

Avec des gestes précis, répétés mille fois.

Leurs pieds nus sur le sol inégal, au milieu des gravats de l’usine désaffectée.

Un reste noirci de feu qui a du réchauffer des squatters.

Quelques arbustes maigres qui ont repris leur droit.

Ils évoluent sous la grande verrière brisée du plafond où un soleil timide se glisse entre les poutrelles métalliques.

Entre les murs de briquettes tagués de couleurs vives.

Ils virevoltent, tourbillonnent puis s’apaisent lorsque le violon entre en scène.

Leurs gestes deviennent plus sensuels, leurs corps s’imbriquent avec grâce.

L’amour plane.

Regards passionnés, lèvres rapprochées, doigts qui s’effleurent.

Gestes langoureux.

Puis la musique faiblit, s’efface sur la pointe des pieds.

Ils sont à nouveau dos à dos.

Mais les violons les emportent.

La chorégraphie se répète.

Ils partent et reviennent.

Se touchent et se séparent

S’agrippent pour repartir

Reviennent et recommencent

S’élancent

S’attirent

S’aimantent

Se déchirent

Se retrouvent

Je t’aime

Je ne t’aime plus

Puis la musique s’estompe et se tait.

Ils sont à nouveau dos à dos.

Ainsi va la vie.

Myrte

J’ai écouté plusieurs fois le morceau et, comme souvent, m’est venue une chorégraphie, alors que je ne suis pas danseuse. Je l’ai imaginée dans un cadre insolite, dans des tenues de répétitions plutôt que de beaux tutus. Un décor désolé, chargé d’histoire. Ce duo vivant comme pour ressusciter cet endroit mort, symbole de la vie et de l’amour. J’ai pris beaucoup de plaisir à écrire ce texte.