A. Les grenouilles qui demandent une Royal

Une communauté de grenouilles vivait paisiblement dans un étang, se partageant entre gobage de mouches, siestes au soleil, chorales croassantes et ébats amoureux cuisses en l’air au lupanar des nénuphars.  Mais un jour, ces batraciens constatèrent que leurs ondes tranquilles étaient perturbées par d’autres ondes, aériennes celles-là et des plus pernicieuses. Les cerveaux en étaient dérangés, les gonades ramollies et les digestions laborieuses. On apprit qu’il y avait de l’Hertz dans l’air et du gaz dans l’eau. Les fréquences délétères de ces saloperies de téléphones portables avec leur cortège de pylônes, antennes, paraboles et autres relais quadrillaient l’atmosphère et vous gâchaient la vie. Une grenouille nommée Barboteuse parce qu’elle avait pataugé dans les eaux saumâtres de la politique s’écria : « Ce qu’il nous faut c’est une Royal ! »
- Une Royal, keksèksa ? demanda la foule ignorante.
- C’est, expliqua Barboteuse, une personne qui s’occupe des écosystèmes et de la protection de la nature. C’est sûr, elle résoudra tous vos problème.
- Une Royal, une royal, une Royal ! On veut une Royal ! croassa en chœur le peuple batracien.
Alors le plus vieux de la troupe rappela l’histoire contée par un certain La Fontaine, qui montrait que la royauté ne convenait pas aux grenouilles. Mais on fit fi de ce conseil qu’on prit pour une élucubration sénile. Barboteuse fut chargée de prendre contact avec la sommité providentielle. La petite futée, qui avait découvert un téléphone égaré se jucha dessus et appela la Royal, surnommée Ségo, abréviation de « son égo l’aime », vu que la dame ne se prenait pas pour rien.
- Brekekek kroax kroax kroax dit l’une
- Quoi quoi quoi ? dit l’autre.
De quoi quoi en kroax kroax, elles finirent par se comprendre.

- Ma Royal majesté, dit celle-là même, est un peu trop importante pour  s’occuper de problèmes de grenouilles, mais à défaut de Royal,  je vais déléguer à une reine, ou plus précisément une reinette, une reinette verte, tout ce qu’il y a de plus vert. La reinette en question n’était autre que Miss Du-flot-de-la-marée qu’elle avait rencontrée alors qu’elle s’agitait dans les méandres du Marais poitevin. La Royal avait une idée derrière la tête : « je vais donner un sous-secrétariat des tas ( des tas de quoi, on verra…) à cette emmerdeuse afin qu’elle se calme un peu et enrichisse la palette notre gouvernement d’une belle nuance émeraude.

Du Flot prit sa mission au sérieux et, experts à l’appui, elle dressa le catalogue de toutes les nuisances qui affectaient l’étang : infiltrations d’eaux polluées, émanations d’une centrale nucléaire, décibels superfétatoires, déchets toxiques dans le sous-sol, papiers gras flottant sur les nénuphars. Elle organisa même des défilés de batraciens agitant des chiffons rouges subtilisés aux pêcheurs de grenouilles. Et puisqu’elle était Sous- secrétaire des tas, elle en fit déverser – des tas – de vase, têtards crevés et autres détritus pestilentiels sous les fenêtres de l’Elysée. Fureur de la Royal qui avait cru mettre la Du Flot dans sa poche alors que celle-ci avait fait d’une toute petite affaire un énorme scandale.

A la demande du Président, son Altesse dut s’abaisser à se  rendre elle-même sur le lieu de l’étang, se promettant malgré tout d’avoir le dernier mot. Elle convoqua la gent batracienne à un Super Grenelle-grenouille de l’environnement marécageux pour débattre dans le cadre de la démocratie participative. Elle fit entrer tout ce petit monde dans la « salle de conférence », d’où ils ressortirent sous forme d’un plat de « cuisses de grenouille bio » qui régala Président et ministres et se conclut par le retour en grâce de Dame Royal.

Morale :
Vous tous, que vous soyez humains ou batraciens
Méfiez-vous de l’appétit des politiciens.

Je relirai ta fable Tober mais d'ores et déjà je veux te dire que j'aime beaucoup le nom de Barbotteuse pour une de tes grenouilles ! Ça me rappelle les barbotteuses d'antan. C'est délicieusement suranné et puis, ce n'est pas innocent si on nomme maintenant les pyjamas une pièce des bébés des grenouillères.

J'ai trouvé quelques longueurs à ton récit que j'ai eu du mal à finir, tu m'en veux pas?
Mais ta moralité est de circonstance, surtout en cette période où tous ces messieurs et dames se préparent à lutter pour avoir la place de choix à table

C'est un plat dont on se délecte avec délice que tu nous sers, Tober. Mais c'est une certitude, pour les grenouille comme pour nous, il va nous falloir beaucoup de bravitude pour se débarrasser de cette gravitude !

Une fable "politique" que ne renierait pas La Fontaine, avec une morale tout à fait de circonstance.  
Les jeux de mots et les allusions à nos chers politiciens sont un vrai régal !

Excellent ! Absolument excellent !

J'ai trouvé le récit bien mené et satirique à souhait…
une parfaite caricature exacte de ces deux femmes politiques dont la France se serait bien passée !
Décidément, le président à l'art de s'entourer de parasites fromagers...

et la sous-secrétaire des tas ! quelle merveilleuse trouvaille…
des tas de quoi dis-tu ?
Je crois avoir trouvé… : des tas de conneries…

la Royal, surnommée Ségo, abréviation de « son égo l’aime », vu que la dame ne se prenait pas pour rien.

J'adore particulièrement cette définition quoique j'hésite : l'ensemble est plus que bon, rendant ainsi difficile le choix d'un passage en particulier  

et je m'interroge ou je regrette :

Ah ! Si seulement François normal 1er eut connu Tober  en temps voulu, il n'eut pas subi cette dégringolade sondagière !

Comme Alainx je trouve ta fable excellentissime. Quel régal ! Quel humour et quelles trouvailles ! J'ai rarement vu JM s'esclaffer de cette façon. Il a bien aimé "la du flot de la marée découverte dans les méandres du marais poitevin. Il t'avait vu venir !!!
J'ai aussi adoré la secrétaire des tas. On se demande effectivement de quoi ils sont secrétaires au vu des dernières appellations...
M'enfin son altesse ségo les a bien eues ces pauvres grenouilles : elle les a prises pour du menu fretin et terminer, croquantes, sous la dent de Hollande, hein, quelle fin ! Il en a, lui, des dents...

Yvanne a écrit:Il en a, lui, des dents...

et ses acolyte de Matignon et de Bercy en ont aussi. Quant à la secrétaire  des tas de connerie, (el) ne doit pas en être dépourvue non plus !

Hihi ! @ Escandélia : je faisais référence "aux sans dents" !

j'avais compris !

Excellent Tober !

Succulent et très drôle. Super texte!