A - Gustou
+5
silhène
AlainX
Amanda.
Escandélia
catsoniou
9 participants
Page 1 sur 1
A - Gustou
Auguste est né le 29 février 1948 à Kolibufo. Sa tignasse ébouriffée ne vous surprendra pas : son village natal est soumis à tous les vents. N'anticipons pas quant à son aptitude à sentir venir le vent. Toutefois, celle-ci lui est venue dès son enfance, plus précisément vers la fin de l'hiver 1956.
Cette année-là, on s'étonnait de la température clémente, on y voyait les prémices d'un printemps précoce et les parents du Gustou se demandaient si leur petit dernier n'était pas un peu fada.
Ne voilà-t-il pas qu'il tarabustait le père afin qu'il lui cède cette belle planche de frêne qu'il s'empressa de rendre très lisse grâce à la raboteuse du menuisier. Il demanda aussi que soit fixée à l'extrémité un solide crochet auquel il fixa une des cordes utilisée habituellement pour amener boire les vaches au bac de pierre à côté du puits.
Auprès de la mère, il se fit câlin pour qu'elle termine au plus vite la paire de moufles montée à partir de chutes des gants de cuir récupérées la ganterie qui fournissait le travail à façon à sa moman. Il s'assura de la doublure en laine en bonne place, tout en demandant que la vieille canadienne de son oncle soit ajustée à sa taille.
- M'enfin, Gustou, on verra ça pour l'hiver prochain, la canadienne et les moufles, t'en as pas besoin. Bientôt, tu vas demander à mettre les culottes courtes.
- Taratata, ça presse, il me les faut d'abord …
Pour ne pas contrarier le petit qui en aurait fait une maladie, la maman s'exécuta et le Gustou, en cette soirée du début février, était excité comme une puce, non sans prévenir son père à propos du bac des vaches.
- Tu ne devrais pas le remplir d'eau : il va péter, ton bac …
- Qu'est-ce que tu racontes, mon pauvre Gustou. Il en a vu d'autres, la foudre ne va pas lui tomber dessus.
- Non, mais il pourrait geler à pierre fendre …
- Ah ! Celle-là, c'est la meilleure ! Mais qu'est-ce que tu veux faire avec ta planche. Tu veux faire un traîneau ? Sur l'herbe, ça glisse pas trop bien …
- Sur l'herbe, non, mais sur la neige, ça devrait le faire !
En aparté, le père soliloquait :
- Il est fada, ce gosse, je vous le dis, il est fada. C'est encore la faute à sa mère, comme si elle pouvait pas le garder jusqu'au 1er mars ! Remarquez, il y a quand même l'avantage des économies pour les anniversaires qui reviennent moins souvent. Tiens, au fait, c'est cette année, à huit ans, ça ne sera jamais que le deuxième. Dis-donc, le Bon Dieu, je ne te demande pas souvent quelque chose, mais tiens, rien que pour notre Gustou, tu pourrais pas envoyer de la neige pour qu'il puisse faire un peu de traîneau et se montrer à Kolibufo avec ses moufles neuves et sa canadienne bien ajustée ?
Il crut entendre une voix sentencieuse :
- Soyez exaucé, mon fils ! En guise de pénitence, vous vous attellerez à la corde de la luge de Gustou. Et je vous conseille vivement de convoquer le plombier pour le mois prochain. Il se fera un plaisir de remplacer votre antique bac gelé par des abreuvoirs automatiques.
- Ça gèle, ça aussi …
- Pas de problèmes, vous n'aurez qu'à demander à Gustou. Il vous dira quand est-ce qu'il est prudent de fermer le robinet d'arrivée d'eau.
Ainsi, en février 56, le froid s'installa sur Kolibufo et ailleurs. Les noyers pétaient, le vin se gelait dans les barriques et il fallait vite avaler sa soupe de crainte qu'elle ne se transforme en sorbet.
Désormais, quand on voulait faucher ou moissonner, on demandait au Gustou. Seules, les grenouilles se sentaient frustrées qu'on n'ajoute foi à leurs coassements annonçant la pluie ou, inversement, leur silence, synonyme de beau temps …
Cette année-là, on s'étonnait de la température clémente, on y voyait les prémices d'un printemps précoce et les parents du Gustou se demandaient si leur petit dernier n'était pas un peu fada.
Ne voilà-t-il pas qu'il tarabustait le père afin qu'il lui cède cette belle planche de frêne qu'il s'empressa de rendre très lisse grâce à la raboteuse du menuisier. Il demanda aussi que soit fixée à l'extrémité un solide crochet auquel il fixa une des cordes utilisée habituellement pour amener boire les vaches au bac de pierre à côté du puits.
Auprès de la mère, il se fit câlin pour qu'elle termine au plus vite la paire de moufles montée à partir de chutes des gants de cuir récupérées la ganterie qui fournissait le travail à façon à sa moman. Il s'assura de la doublure en laine en bonne place, tout en demandant que la vieille canadienne de son oncle soit ajustée à sa taille.
- M'enfin, Gustou, on verra ça pour l'hiver prochain, la canadienne et les moufles, t'en as pas besoin. Bientôt, tu vas demander à mettre les culottes courtes.
- Taratata, ça presse, il me les faut d'abord …
Pour ne pas contrarier le petit qui en aurait fait une maladie, la maman s'exécuta et le Gustou, en cette soirée du début février, était excité comme une puce, non sans prévenir son père à propos du bac des vaches.
- Tu ne devrais pas le remplir d'eau : il va péter, ton bac …
- Qu'est-ce que tu racontes, mon pauvre Gustou. Il en a vu d'autres, la foudre ne va pas lui tomber dessus.
- Non, mais il pourrait geler à pierre fendre …
- Ah ! Celle-là, c'est la meilleure ! Mais qu'est-ce que tu veux faire avec ta planche. Tu veux faire un traîneau ? Sur l'herbe, ça glisse pas trop bien …
- Sur l'herbe, non, mais sur la neige, ça devrait le faire !
En aparté, le père soliloquait :
- Il est fada, ce gosse, je vous le dis, il est fada. C'est encore la faute à sa mère, comme si elle pouvait pas le garder jusqu'au 1er mars ! Remarquez, il y a quand même l'avantage des économies pour les anniversaires qui reviennent moins souvent. Tiens, au fait, c'est cette année, à huit ans, ça ne sera jamais que le deuxième. Dis-donc, le Bon Dieu, je ne te demande pas souvent quelque chose, mais tiens, rien que pour notre Gustou, tu pourrais pas envoyer de la neige pour qu'il puisse faire un peu de traîneau et se montrer à Kolibufo avec ses moufles neuves et sa canadienne bien ajustée ?
Il crut entendre une voix sentencieuse :
- Soyez exaucé, mon fils ! En guise de pénitence, vous vous attellerez à la corde de la luge de Gustou. Et je vous conseille vivement de convoquer le plombier pour le mois prochain. Il se fera un plaisir de remplacer votre antique bac gelé par des abreuvoirs automatiques.
- Ça gèle, ça aussi …
- Pas de problèmes, vous n'aurez qu'à demander à Gustou. Il vous dira quand est-ce qu'il est prudent de fermer le robinet d'arrivée d'eau.
Ainsi, en février 56, le froid s'installa sur Kolibufo et ailleurs. Les noyers pétaient, le vin se gelait dans les barriques et il fallait vite avaler sa soupe de crainte qu'elle ne se transforme en sorbet.
Désormais, quand on voulait faucher ou moissonner, on demandait au Gustou. Seules, les grenouilles se sentaient frustrées qu'on n'ajoute foi à leurs coassements annonçant la pluie ou, inversement, leur silence, synonyme de beau temps …
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: A - Gustou
Des pouvoir magiques ? Mais dis donc pour la petite histoire, ton Gustou, il serait pas un peu parent avec Alf ?
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A - Gustou
C'est où Kolibufo ? En Afrique ?
Parce que comme on parle de "fada", ça sent plutôt la Provence...
Et Gustou, il fait venir le vent, la neige et pas le soleil ????
Je suis dubitative...
Parce que comme on parle de "fada", ça sent plutôt la Provence...
Et Gustou, il fait venir le vent, la neige et pas le soleil ????
Je suis dubitative...
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: A - Gustou
Kolibufo ? Littéralement : ça y souffle ! C'est à Saint-Victurnien en Haute-Vienne. Et je riais tout seul quand j'y suis passé pour la 1ère fois parce qu'en patois, ça évoque un temps de grand vent ...
Remarquez que ne connaissant personne de ce charmant petit village, je n'ai pas pu vérifier qu'il y avait des tignasses ébouriffées ...
Quant à la prévision du soleil , mais oui, Gustou, il en connaissait un rayon ! La preuve, c'est qu'avant d'aller faucher ou moissonner, on lui demandait pour éviter de gâcher la récolte ...
Pour en rajouter une couche, si je ne m'abuse, le service psychiatrique le plus proche de mon domicile est dans l'immédiate proximité du chemin de Fadat au nord de la cité gaillarde, appelée aussi Riant portail du Midi ...
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: A - Gustou
Merci pour ces explications, ça rend ton texte plus clair en effet !
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: A - Gustou
Tiens, un sorbet poireaux, céleris, oignons, ... M'en vais demander ça à Madame....
Ah ben oui, faut pas perdre les bonnes traditions :
- Madame aux fourneaux
- Monsieur au bistro...
Ah ben oui, faut pas perdre les bonnes traditions :
- Madame aux fourneaux
- Monsieur au bistro...
AlainX- Kaléïd'habitué
- Humeur : stable
Re: A - Gustou
Elle a l'air bien vraie ton histoire, aurais-tu levé un pan du voile ?
Encore un dossier pour les Xfiles !
Encore un dossier pour les Xfiles !
silhène- Kaléïd'habitué
- Humeur : la meilleure possible....
Re: A - Gustou
C'est un don bien utile que tu nous présente là, de quoi reléguer au placard tous les météorologues.
Quelle bonne idée d'avoir utilisé la traduction du nom du village pour inventer ton histoire !
Quelle bonne idée d'avoir utilisé la traduction du nom du village pour inventer ton histoire !
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Re: A - Gustou
Précisions :
Jadis, quand on ne vous donnait pas la météo à chaque heure du jour et de la nuit, il y avait toujours par chez nous celui qu'on observait parce qu'il fauchait ou moissonnait à bon escient. Avait-il un don ou un sens de l'observation plus poussé ?
1956 demeure parmi mes meilleurs souvenirs d'enfance, la seule fois d'ailleurs où j'ai vu la neige, la vraie ! rester plusieurs semaines. On n'allait pas à l'école, et avec les voisins qui avaient fabriqué un traîneau comme celui de Gustou, c'était super chouette !
Pour la soupe sorbet, c'est un peu exagéré. Par contre, il y avait un plaisir qu'on n'apprécierait gère aujourd'hui: au petit matin, les carreaux de la fenêtre présentaient de magnifiques arabesques. En guise de thermomètre, le soir, je posais un verre empli d'eau sur une étagère . Au petit matin, c'était un bloc de glace. Je ne me souviens pas de m'être enrhumé cet hiver-là ...
Jadis, quand on ne vous donnait pas la météo à chaque heure du jour et de la nuit, il y avait toujours par chez nous celui qu'on observait parce qu'il fauchait ou moissonnait à bon escient. Avait-il un don ou un sens de l'observation plus poussé ?
1956 demeure parmi mes meilleurs souvenirs d'enfance, la seule fois d'ailleurs où j'ai vu la neige, la vraie ! rester plusieurs semaines. On n'allait pas à l'école, et avec les voisins qui avaient fabriqué un traîneau comme celui de Gustou, c'était super chouette !
Pour la soupe sorbet, c'est un peu exagéré. Par contre, il y avait un plaisir qu'on n'apprécierait gère aujourd'hui: au petit matin, les carreaux de la fenêtre présentaient de magnifiques arabesques. En guise de thermomètre, le soir, je posais un verre empli d'eau sur une étagère . Au petit matin, c'était un bloc de glace. Je ne me souviens pas de m'être enrhumé cet hiver-là ...
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: A - Gustou
Mélange de souvenirs d'enfance et d'un Gustou un peu fada qui devine la météo, à moins qu'il ne la fasse?
Cela donne un texte très agréable à lire
Cela donne un texte très agréable à lire
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: A - Gustou
catsoniou a écrit:
Pour la soupe sorbet, c'est un peu exagéré. Par contre, il y avait un plaisir qu'on n'apprécierait gère aujourd'hui: au petit matin, les carreaux de la fenêtre présentaient de magnifiques arabesques.
Pour la soupe en effet… c'était un clin d'œil !
En revanche je me souviens très bien des fenêtres avec du givre, l'hiver, aux vacances de Noël, chez ma tante à la campagne. On ne devait pas être très loin du 0° dans la chambre à l'étage… qui évidemment n'était absolument pas chauffée.
heureusement il y avait des grosses couvertures est un immense édredon !
AlainX- Kaléïd'habitué
- Humeur : stable
Re: A - Gustou
Tu as attisé ma curiosité, je me demandais quel pouvait bien être le don de Gustou. Au delà du destin de cet enfant, c'est une vigoureuse description de la rudesse de la vie campagnarde de cette époque. J'aime particulièrement cette évocation de l’hiver 56 :
Ainsi, en février 56, le froid s'installa sur Kolibufo et ailleurs. Les noyers pétaient, le vin se gelait dans les barriques et il fallait vite avaler sa soupe de crainte qu'elle ne se transforme en sorbet.
Et le nom du village est si bien choisi qu'on le croirait imaginaire.
Ainsi, en février 56, le froid s'installa sur Kolibufo et ailleurs. Les noyers pétaient, le vin se gelait dans les barriques et il fallait vite avaler sa soupe de crainte qu'elle ne se transforme en sorbet.
Et le nom du village est si bien choisi qu'on le croirait imaginaire.
tobermory- Kaléïd'habitué
- Humeur : Changeante
Re: A - Gustou
J'aime beaucoup la façon dont tu évoques tes histoires campagnardes et le pittoresque de tes personnages.
Par ce grand froid que tu décris, il me revient le souvenir d'une grande poêle à couvercle et à long manche, qu'on remplissait de braises, et qu'on "repassait" dans le lit avant de s'y glisser pour aller dormir. Souvenir des Ardennes belges, après avoir dégusté une excellente truite au bleu.
Par ce grand froid que tu décris, il me revient le souvenir d'une grande poêle à couvercle et à long manche, qu'on remplissait de braises, et qu'on "repassait" dans le lit avant de s'y glisser pour aller dormir. Souvenir des Ardennes belges, après avoir dégusté une excellente truite au bleu.
virgul- Kaléïd'habitué
- Humeur : optimiste
Re: A - Gustou
Je crois que cette poêle, dont tu parles Virgul, s'appelait un diable ou un diablotin, dans mon Auvergne natale.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum